vendredi 27 avril 2007

Terrorisme intellectuel

Le peuple français qui fut, dit-on, l'un des plus spirituels d'Europe, aurait-il perdu la tête ? La question est légitime. Pour s'en assurer, il suffit d'écouter les radios, ou de regarder les télévisions. A entendre une candidate, untel (son concurrent) est un père Fouetard, le même untel, dûment mandaté par le Président de la République pour expliquer au Président BUSH le refus français d'intervenir en Irak aurait en réalité déclaré à son interlocuteur qu'il regrettait cette décision, le même untel est arrogant, autoritaire, courtise le Front National, etc. Vous aimeriez savoir quelles dispositions seraient prises par cette candidate agressive pour faire baisser le chômage, améliorer la rentrée des jeunes dans la vie active, relancer l'Europe, régler la question des retraites, de la sécurité sociale, de la recherche, de la dette, des délocalisations. Vous attendez, car rien ne vient. C'est un perpétuel procès d'intention dans un désert de propositions. On conteste les chiffres du chômage, car il y a une amélioration (légère) de la situation. Monsieur untel a intrigué pour qu'on manipule ces chiffres. Malgré le démenti du Président du Syndicat de la Presse Régionale, on vous dit que c'est untel qui a fait pression pour empêcher le débat télévisé entre l'agressive et un candidat malheureux. Et puis, untel, toutours lui, a insisé auprès du CSA pour qu'il interdise ce débat, ce que cette institution a formellement démenti. Le prix de la salade augmente ? C'est à cause d'untel. Le climat se réchauffe ? Demandez à untel. Etc. Etc. Ce mode de débat a un nom : terrorisme intellectuel. En voici une belle description que je tire d'un livre très intéressant :
[Le terrorisme intellectuel] est un système totalitaire. Mais d'un totalitarisme patelin, hypocrite, insidieux. Il vise à ôter la parole au contradicteur, devenu une bête à abattre. A abattre sans que coule le sang : uniquement en laisant fuser des mots. Les mots de la bonne conscience. Les mots des grandes consciences. Les mots qui tuent.
Les circonstances varient, mais le procédé reste le même. Il consiste d'abord à imprimer dans L'IMAGINAIRE DU PAYS un archétype du mal. Depuis la guerre, cette funeste figure a été incarné par le fasciste, le capitaliste, l'impérialiste, le colonialiste, le xénophobe, le raciste, le partisan de l'ordre moral. Ces étiquettes, au minim, DEFORMENT LA REALITE ; au pire ELLES MENTENT. Collées par des mains expertes, elles revêtent un sens indéfini, dont l'élasticité permet d'englober tout ce que les idéologues vouent aux gémonies. Ensuite, la technique habituelle consiste à assimiler l'adversaire à l'archétype du mal. L'effet de cet amalgame est radicalement dissuasif : qui prendrait le risque, par exemple, d'être traité de fasciste ou de raciste ? L'accusation peut être explicite, ou s'effectuer par insinuation ouvrant la porte au procès d'intention : tout opposant peut être attaqué NON SUR CE QU'IL PENSE, mais sur les pensées qu'on lui prête. Manichéisme oblige, une autre logique s'enclenche en dernier lieu : la diabolisation. Pas questions de discuter pour convaincre : il s'agit d'intimider, de culpabiliser, de disqualifier". (Jean SEVLLIA. Le terrorisme intellectuel de 1945 nos jours. Collection Tempus. Perrin, Paris, 2000 et 2004.)
Et bien ces grands intellectuels, ces faiseurs d'opinion, ces piliers de Saint-Germain-des-Près, souvenez-vous en aujourd'hui. (Je résume ici SEVLLIA). L'URSS était un paradis en 1945 et ses admirateurs écrivaient des poèmes à la gloire de Staline. En 1965, ils soutenaient et saluaient la juste lutte de Fidel Castro, Hô Chi Minh et Mao. En 1975, ils se réjouissaient de voir Pol Pot a pouvoir. En 1981, ils quitaient la nuit pour entrer dans la lumière, et en 1995, ils soutenaient que la France devaient abaisser ses frontières pour accueillir les malheureux de la terre entière. En 1992, ils célébraient la mort de l'Etat Nation et saluaient l'ère nouvelle ouverte par le vote du traité de Maastricht. En 1999, ils affirmaient que la famille et la morale étaient des concepts dépassés. Vous voulez des noms ? Lisez ce livre, vous serez édifiés.
Ils se sont trompés sur toute la ligne et par leurs jugements irréels, leur manque de discernement, leur hargne à dénigrer ceux qui les contestaient, ces clercs sont responsables d'une grande partie de nos maux. Mais le réel finit toujours par se venger et il viendra le jour où les yeux s'ouvriront sur ce petit cénacle avide de pouvoir, mais peu soucieux de se salir les mains pour le conquérir, encore moins le mériter.

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