mardi 15 mai 2007

Déjà Philon...

Il n'y a rien de nouveau sous le soleil. Des situations analogues à celles que nous vivons aujourd'hui ont été vécues dans l'antiquité. J'ai trouvé dans les discours de Lysias, un avocat athénien, des fulgurantes opinions que nous pourrions reprendre à notre compte. Ainsi dans la plaidoirie Contre Philon. Ce citoyen a eu l'audace de se présenter au tirage au sort pour devenir magistrat de la Ville. En fait, il s'était prudemment exilé à Oropos, pendant la lutte entre les oligarques et les démocrates, et n'était rentré chez lui qu'après la victoire de ceux-ci contre ceux-là. Lysias est scandalisé et il plaide devant le Conseil des bouleutes :
"Je dis donc que ceux-là seuls ont le droit de délibérer sur nos affaires qui n'ont pas seulement le titre de citoyens, mais sont attachés à ce titre ; car, pour ceux-là, il y a une grande différence suivant que la cité est prospère ou ne l'est pas : ils se croient obligés de participer à ses malheurs comme ils participent à ses avantages. Mais ceux qui, citoyens de naissance, ont pour principe que la patrie est partout où sont leurs intérêts, ceux-là évidemment seraient des gens à trahir le bien public pour courir à leur gain personnel à leurs yeux, ce n'est pas la cité qui est leur patrie, c'est leur fortune."
On devrait mettre ce texte en exergue sur de grands panneaux, à la frontière suisse, du côté français. Ceux de nos concitoyens qui placent leur fortune à l'étranger commettent contre leur patrie une mauvaise action. Je conviens avec eux que la démagogie de gauche est parvenue à les décourager d'entreprendre et que les impôts imaginés par elle, et qui ne rapportent strictement rien au pays, peuvent leur donner des tentations. Mais pas au point d'y succomber. Il y a des moyens argumentatifs forts qui permettent de démontrer que l'ISF fut une erreur politique de première grandeur. Il y a des arguments moraux non moins forts qui auraient dû pousser les détenteurs de grande fortune à favoriser leur patrie plutôt que des paradis fiscaux. Mais quand deux siècles d'idéalisme au service de la politique on détruit les corps et les sociétés intermédiaires naturels, il ne faut pas s'étonner de ces comportements anti-naturels. Reste q'il est toujours possible de priver de leurs droits civiques ceux qui adoptent de telles attitudes.
Il faut avoir le courage de revenir sur ces mesures idiotes, et encourager les fortunes françaises à investir dans leur patrie. Quand bien même on distribuerait l'ensemble de leurs avoirs à nos concitoyens, en fin de course, il n'y aurait pas grand chose dans chacune de nos escarcelles, mais l'on aurait fait droit aux plus bas des sentiments humains : la jalousie, le ressentiment et la haine impuissante. Avec cet impôt, on ne les satisfait que très partiellement, que dis-je ? on les renforce et on les entretient.
Politis-Philippe
In
Lysias.
Discours. Tome II (XVI-XXXV et fragments).
Collection des Unversités de France, publiés sous le patronage de l'Association Guillaume Budé.
Traduit par Louis GERNET et Marcel BIZOS.
Société d'édition "les Belles Lettres", Paris, 1926.

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