mardi 24 juillet 2007

Le poids des mots

Le sénateur BADINTER est un juriste éminent. Garde des Sceaux sous François MITTERAND, il a été l'inlassable artisan de l'abolition de la peine de mort dans notre pays. C'est un titre de gloire. Je le dis comme je le pense. Couper la tête d'ignobles assassins ne rendait pas la vie à ceux qu'ils avaient tués et ne faisait que satisfaire les plus basses passions de l'âme humaine dont la vengeance est une des formes les plus hideuses. Le sénateur BADINTER n'est pas un excité. Sa parole a du poids. Et même si je ne partage pas toutes ses idées, je trouve à ses propos de la mesure et de l'intérêt. Voilà pourquoi j'ai lu quelques extraits de l'interview qu'il a donné au Journal du Dimanche. J'en suis étonné. "Le problème de fond de la cinquième République, - y dit-il - c'est la constante dérive, non pas vers un régime présidentiel, mais vers une présidence impériale." Et de critiquer, ce qui est son droit, la manière de faire du Président de la République. Que veut dire cette expression ? Faut-il y voir une allusion au Prince-Président Napoléon ? Ce qui serait un jugement a priori et un grave procès d'intention. Ou une expression imagée qui cherche à définir l'exercice de la fonction par Nicolas SARKOZY ? Ce qui demande à être expliqué en détails. Ou un jugement sincère sur cet exercice ? Ce qui doit être examiné.
Un empire a pour tête un empereur qui n'est pas (toujours) élu (Le Saint Empire romain germanique faisait exception à cette règle). Il dirige un vaste complexe de pays qui gardent chacun leur mode de gouvernement et restent nominalement indépendants les uns des autres bien qu'ils n'aient que peu ou n'aient pas de marge de manoeuvre politique (Un excellent exemple de cette définition est l'empire d'Autriche-Hongrie.) Manifestement, l'expression n'est pas un procès d'intention et ne vise pas l'inavouable désir du Chef de l'Etat de pérenniser son pouvoir par un coup d'état. Il me semble que le reproche fait ici à Nicolas SARKOZY est celui d'une action politique "tout azimuth", souvent couronnée de succès, déployée par un homme suractif et omniprésent. Du moins, à la différence du Président Sphinx qu'était François MITTERAND, l'actuel Président de la République accepte-t-il d'être exposé au feu de la critique, ne se piédestalise-t-il pas, ne se met-il pas constamment en scène et reste-t-il un homme simple. Oui, le reproche qui lui est fait, dans le fond, est de vouloir fortement ce qu'il veut, et de prendre les moyens adéquats pour parvenir à ses fins. On ne l'appelle pas Dieu, lui. En outre, son recours à des hommes de l'opposition me semble aller à l'encontre du jugement à l'emporte-pièce porté par monsieur BADINTER. (Il me souvient que François MITTERAND avait en moins d'un an mis ses amis à la tête de tous les grands corps de l'état. Je n'ai plus en tête tous les noms de ces grands commis. Il m'en reste deux : monsieur CHANDERNAGOR à la Cours des comptes, monsieur de NICOLAÏ au Conseil d'Etat. Ainsi avait fait Napoléon BONAPARTE dans le premier Empire français ; il avait placé ses frères et ses proches sur les trônes des pays satellites : Hollande, Espagne, Naples, etc.) Il me faut admettre que la critique de monsieur BADINTER est fortement teintée d'idéologie. Il lui fallait bien trouver un angle d'attaque pour aider son parti à gravir péniblement la route qui mène au sommet. Je ne crois pas que cet angle-là soit le bon. Il nous faut des propositions. Du reste monsieur BADINTER, dans cet interview en fait une, qui n'est plus de mise mais qui a le mérite d'exister : il aurait préféré une commission parlementaire paritaire majorité-opposition à une commission ad hoc pour examiner les réformes à apporter au fonctionnement de nos institutions. Aucune des deux formules n'est entièrement satisfaisante. Celle de monsieur BADINTER me semble grosse de dangers, celui de voir les passions politiques l'emporter sur le bon sens, celui de sombrer dans l'impuissance, faute de consensus. Mais enfin, monsieur BADINTER propose, lui.
Monsieur HOLLANDE poursuit son parcours de directeur d'Almanach Vermot. Il parle du "coup d'éclat permanent" du Président de la République, pendant que les 27 pays de l'Union Européenne planchent sur la rédaction du Traité simplifié, qu'EADS se réorganise, que monsieur KOUCHNER s'apprête à aller au Liban après avoir commencer à renouer les fils brisés de l'échevau libanais lors d'une rencontre à Paris, et que messieur Gordon BROWN et Nicolas SARKOZY organisent leur voyage au Darfour. Vous avez dit "coup d'éclat" ? Pauvre François. Vite un petit coup de sirop Typhon pour lui remonter le moral et donner du tonus à ses "idées".

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