mercredi 6 février 2008

Sagesse des anciens

Du poète HORACE, cette ode qu'il dédia à son ami DELLIUS

"Souviens-toi, cher DELLIUS, de conserver une âme toujours égale, qui ne s'altère point dans l'adversité, et qui ne s'enivre point d'un fol orgueil dans la prospérité : car tu mourras, soit que tu aies consummé ta vie dans la tristesse, soit qu'aux jours de fête, couché à l'écart sur le gazon, tu aies noyé tes soucis dans un Falerne (NDT : un vin réputé) du fond du caveau. [...]
Il faudra quitter ce parc, formé de tant d'acquisitions réunies, ce palais, cette maison de campagne que le Tibre vient baigner de ses eaux dorées ; il faudra les quitter ; et ces richesses accumulées seront la proie d'un héritier. Que tu soies riche, issu de l'antique INACHUS, ou que, pauvre et du sang le plus vil, tu n'aies sur la terre d'autre abri que les cieux, il n'importe : regarde-toi comme une victime dévouée à l'impitoyable Achéron (NDT : une déité des enfers). Nous courons tous vers le même terme ; le sort des mortels s'agite dans l'urne fatal ; tôt ou tard, il doit en sortir, et nous embarquer pour un exil éternel."
[In
HORACE.
Odes. Livre II, IIIe ode. A Dellius.
Traduction par M. René BINET.
A Paris, chez DETREZ, Neveu et successeur de M. COLAS, Libraire, place Sorbonne (sic), n°4, 1816. (Je possède les deux volumes de cette très belle traduction.)]
Le traducteur, fort justement, met en titre de cette ode "Que l'idée de la mort doit nous attacher à jouir des biens de la vie sans nous y attacher".
HORACE a de la vie une vision assez mélancolique. Il y manque en effet l'espérance qui donne tant de force aux paroles de Jésus. Mais tout de même, il y a bien du vrai dans ce message désabusé. Il me semble qu'il a une grande portée politique et qu'il devrait conduire à la modération tous ceux que brûle le désir de posséder, d'accumuler, de gagner de l'argent, et à la fermeté d'âme jointe à l'exigence de la justice, tous ceux que la pauvreté accable, qui crient famine, cherchent un toit, veulent pouvoir loger leur famille, et gagner dignement leur vie par leur travail. Oui, il me semble que l'antique poète nous invite à rentrer en nous-même pour qu'enfin notre coeur connaisse la vanité de tous ces hochets, d'un côté, et la nécessité de partager nos richesses avec ceux qui n'ont rien de l'autre. Et s'il parvient à plus encore, que je ne dirai pas, alors son passage sur terre n'aura pas été inutile.

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