vendredi 25 avril 2008

Platon pas mort

Des milliers de lycéens s'agitent dans les rues de nos grandes villes, au motif qu'ils ne veulent point que l'on supprime des postes d'enseignants dans leur établissement. Il y a certes de l'inquiétude dans ces comportements. Il y a aussi et surtout de la manipulation par les différents mouvements syndicaux de gôôôche qui pensent obtenir par ces manifestations "spontanément organisées" ce qu'ils désirent, comme ils l'ont déjà fait jadis, de monsieur DEVAQUET aux plus récents ministres de l'éducation nationale : et ce désir, c'est un affaiblissement de leur autorité de tutelle, surtout quand elle n'est pas de leur couleur politique, pour faire triompher leurs idées par la violence juvénile sollicitée, puisqu'ils n'ont pu l'obtenir des urnes.
Il faut donc rappeler un certain nombre de faits.
Il y a en France 30.000 (trente mille) enseignants, payés par l'éducation nationale, qui n'ont aucun élève, soit parce qu'ils ont une décharge syndicale, soit parce que leur discipline (notamment dans les langues dites rares) n'attire aucun lycéen, soit pour toute sorte d'autres raisons qui toute ne sont pas très claires. La polyvalence d'un enseignant permettrait d'affecter, par exemple, un professeur de portugais à l'enseignement de l'anglais, à condition que lors de sa formation, ledit enseignant acquiert cette double compétence. Impossible ? Certes non. J'en suis du reste le vivant exemple. Agrégé de microbiologie, et plus exactement de virologie, j'ai été mandé par mon Doyen, au tout début de ma carrière, pour enseigner pendant deux ans la mycologie, et à la fin de celle-ci, pour enseigner aux 450 étudiants de première année la biologie cellulaire. Dans les deux cas, il m'a fallu créer de toutes pièces un cours qui se tienne. Et ce ne fut point une mince affaire.
Deuxième fait. La démographie des lycéens est en baisse. Il est donc assez paradoxal d'augmenter le nombre de postes d'enseignants quand le nombre d'enseignés diminue. Nous ne sommes pas assez riches pour nous autoriser ce luxe. Du reste, le problème n'est pas quantitatif, mais qualitatif. Et je doute fort qu'un enseignant incapable de maîtriser une classe de 35 élèves y réussisse mieux avec une classe de 25.
Troisième fait. Nos jeunes ont des comportements tout à fait nouveaux, auxquels les enseignants ne savent pas faire face. Jean-Marie PETITCLERC, du reste, écrit dans un livre remarquable (Enfermer ou éduquer. Les jeunes et la violence. Dunod, Paris, 2004) ceci : Il m'arrive souvent d'être invité par des enseignants ou des éducateurs me demandant de les aider à réfléchir sur les évolutions des comportements des jeunes. J'aime leur dire : 'Et si nous commencions par réfléchir à l'évolution des comportements des adultes, qui leur a fait perdre toute crédibilité auprès des jeunes'. Il identifie avec clairvoyance la triple crise de la société : une crise de l'autorité qui rend difficile la transmission des repères ; une crise de projection dans l'avenir, qui rend difficile la mise en projet ; une crise de l'apprentissage de la socialisation qui se manifeste par des difficultés croissantes dans le rapport à la loi.
On voit bien, selon moi, que cette triple crise est le fruit amer (a) de l'individualisme induit par le règne sans partage de l'idéalisme des Lumières, (b) de l'attaque incessante conduite contre la religion en vertu du principe sacralisé de la laïcité qui a produit une crise du sens, et (c) de la relativisation de la morale et du relativisme philosophique qui en est le support, voulu par les médias et les marchands du temple qui font argent de tout, et notamment du sexe, de la violence et de la pornographie.
Plus que jamais PLATON est d'actualité. Permettez que je vous rappelle ce qu'il disait dans La République :
Lorsque les parents s'habituent à laisser faire leurs enfants ; lorsque les enfants ne tiennent plus compte de leurs paroles ; lorsque les maîtres tremblent devant leurs élèves ; lorsque finalement les jeunes méprisent les lois parce qu'ils ne reconnaissent plus rien au-dessus d'eux, l'autorité de rien ni de personne, alors c'est en toute justesse le début de la tyrannie.
Oui ! La jeunesse n'a que du mépris pour ceux de ses maîtres qui s'abaissent à les suivre au lieu de les guider.
Oui ! PLATON par mort !

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