samedi 24 mai 2008

Esprit droit et esprit faux : Anquetil et Voltaire

ANQUETIL-DUPERRON est un savant français à qui l'Europe doit d'avoir découvert l'Avesta, le livre sacré des zoroastriens, et les deux langues, l'avestique et le pehlvi, dans lesquelles ce texte nous est parvenu. Fasciné par un document qu'il avait vu chez un orientaliste parisien, un calque des feuillets encore indéchiffrés du Vendidad d'Oxford, ANQUETIL, alors élève à l'École des Langues Orientales, décide de donner à sa patrie les livres de ZOROASTRE et leurs traductions. Encouragé par le savant abbé BARTHELEMY, et par le Comte de CAYLUS, ANQUETIL s'impatiente d'attendre la mission promise et les subsides afférents. Âgé de 21 ans, il embarque le 24 février 1755 à LORIENT, armé d'une Bible et d'un Montaigne. Il arrive aux Indes, à SURATE exactement, le 28 avril 1758 après des péripéties de toutes sortes. SURATE est une des patries des Parsis de l'Inde. Les Parsis, on s'en souvient sont les descendants des zoroastriens de Perse qui ont fui leur pays en raison des persécutions musulmanes, quelques siècles auparavant. Après avoir appris les langues sacrées de la bouche même de quelques Parsis fervents, collectionné de précieux manuscrits de l'Avesta, ANQUETIL embarque à SURATE le 15 mars 1761. Il va directement à OXFORD pour comparer ses manuscrits à celui du Vendidad de la Bibliothèque Bodléienne. De là il rentre à Paris le 15 mai 1762 ET LE LENDEMAIN DE SON ARRIVEE, IL DEPOSE A LA BIBLIOTHEQUE ROYALE 180 manuscrits en avestique, en pehlvi, en persan et en sanscrit. Vous entendez bien, le lendemain de son arrivée. En 1771, paraît sa traduction de l'Avesta. Elle a une énorme répercussion dans le monde savant.
Brocardé (dans un pamphlet écrit en français) avec esprit mais sans aucun recul critique par un obscur anglais du nom de JONES (alors qu'ANQUETIL avait dédié son travail aux François et aux Anglois), notre savant doit subir les coups les plus durs de la part de VOLTAIRE, vous savez, cet esprit qui se déclarait positif, ennemi de tous les systèmes (sic !) et faisait grande profession d'objectivité (resic !) : On ne peut lire deux pages de l'abominable fatras attribué à ce Zoroastre sans avoir pitié de la nature humaine. Nostradamus et le médecin des urines sont des gens raisonnables en comparaison de cet énergumène (Dictionnaire philosophique ; article Zoroastre). JONES, quant à lui, se couvrit de ridicule en acceptant l'authenticité du livre saint d'une secte théosophique, (rédigée dans une langue de pure convention), alors qu'il avait nié celle de l'Avesta, VOLTAIRE eut droit à un Boulevard, à un Lycée (j'y ai passé l'oral de la deuxième partie de bac en, allez, il y a assez longtemps...), et à une foule d'admirateurs empressés. Pensez-donc, VOLTAIRE ! Jusqu'au jour où des savants étrangers, allemands en l'occurrence, KLEUKER et TYCHSEN, prouvent de manière définitive et sur des fondements scientifiques, essentiellement philologiques, la bêtise de ces pauvres esprits forts. On célèbre toujours VOLTAIRE, on a oublié ANQUETIL.
Cette anecdote résume à elle toute seule l'esprit faux des Lumières. ANQUETIL est un homme droit, courageux, désintéressé, un homme de l'Ancien Régime ; VOLTAIRE est un écrivain de talent, instrumentalisé par la mode, sans réelle profondeur, qui annonce par son système toutes les horreurs engendrées au XIXe S. par les philosophies idéalistes. Il part de ses idées, et non point des faits. En un mot, c'est un esprit faux. Du reste, je vous invite à lire le dictionnaire philosophique ; vous y découvrirez par exemple l'antisémitisme forcené de celui qui chez nous passe pour un parangon de tolérance.
Je ne peux pas m'empêcher de rappeler ici ce logion évangélique : La lampe de ton corps c'est ton oeil. Lorsque ton oeil est sain, ton corps tout entier est aussi dans la lumière ; mais dès qu'il est malade, ton corps aussi est dans les ténèbres.
VOLTAIRE appartient bien à ce siècle qui porte si mal son nom : on devrait l'appeler le siècle de l'Enténèbrement. Et l'obscurité se fit sur la terre...

1 commentaire:

hors landau a dit…

Ma réalité est que les textes zoroastiques sont d'une bêtise crasse!Et voltaire, ça lui est arrivé, avait raison! certes, ce n'est pas pire que le kalachakra tibétain, mais c'est d'une imbéécillité rare! Lisez donc! Depuis anquetil-duperron, il y a eu d'autres travaux, dont certains de membres de ma famille... Et l'on a dû se résoudre à la trist réalité: ça tombe des mains!