mercredi 7 mai 2008

Service minimum

Monsieur Xavier DARCOS a raison de poursuivre l'expérience du service minimum d'accueil (SMA) des enfants scolarisés, lorsque les enseignants font grève. Il est tout à fait instructif d'entendre les raisons pour lesquelles l'opposition et les syndicats d'enseignants fustigent avec une rare véhémence cette mesure incitative et non point coercitive, laquelle consiste à faire accueillir les écoliers par des fonctionnaires municipaux, rétribués pour l'occasion avec les retenues sur salaire des grévistes.
Les raisons ? Elles sont lumineuses. Accueillir les enfants, c'est jouer les briseurs de grèves. Ainsi monsieur MOINDROT déclare d'abord que ce service minimum est un mode de garderie. Il invoque des problèmes de sécurité et déclare : Les agents territoriaux n'ont pas forcément les qualifications requises. Il faut aussi des équipements adaptés. A ce point du raisonnement, on constate que l'opposition de monsieur Gilles MOINDROT est une opposition de forme et non de fond. On peut en effet envisager que des municipalités forment quelques uns de leurs agents à cette fonction d'accueil et fassent aménager adéquatement des locaux. Monsieur MOINDROT lèverait-il alors cette objection ?
Continuons l'examen des critiques de cet éminent syndicaliste du SNUipp, et voyons comment fonctionne un esprit formé à la dialectique. Dans le deuxième volet de son argumentation, il affirme que C'est à l'Education Nationale de résoudre ses problèmes. Mais le même, en tout cas je le suppose, n'hésiterait pas à faire appel à la solidarité des fonctionnaires et des salariés pour faire triompher ses idées. Quand il y a des grandes manifestations unitaires de fonctionnaires (et nous en avons connu cette année), ira-t-il dire que c'est à la SNCF de résoudre ses problèmes et que lui s'occupe des problèmes de so n ressort ? Que non, il ira Place de la République, chaussé idoinement pour arpenter de longues heures le trajet qui conduit à la Place de la Nation et proclamer bien haut l'identité des difficultés que rencontrent ses frères de misère.
Enfin, et c'est en réalité la pointe de son argumentation, le SMA dit-il, s'en prend au droit de grève des enseignants. Monsieur MOINDROT suppose donc que, correctement mis en place, le SMA annulerait ou diminuerait fortement la gène engendrée par la grève auprès des familles, et par conséquent, ou bien il lie l'efficacité de cette dernière à l'ampleur des difficultés qu'elle suscite pour les parents des enfants scolarisés, ou bien, faisant peser sur eux des contraintes souvent insupportables, il espère que leur exaspération les amènera à les soutenir pour s'en libérer.
De son côté, monsieur DELANOE, par la bouche de son adjoint aux affaires sociales, monsieur Pascal CHERKI, a réagi : "Il n'y a pas de raison que des fonctionnaires municipaux brisent un mouvement de grève de fonctionnaires nationaux". Il s'agit là d'une formule vide de sens, qui ne donne aucune des raisons pour lesquelles des fonctionnaires municipaux, payés avec les deniers des contribuables locaux, ne devraient pas en alléger les peines et les travaux. Monsieur DURON, le nouveau maire de CAEN, interrogé par des journalistes de télévision, déclare qu'il ne renouvellera pas l'expérience du SMA qu'avait tentée son prédécesseur à la mairie. Aucune autre raison que politique ne vient éclairer sa très pauvre intervention.
Nous voilà donc au terme du parcours, celui qu'avait prévu HOBBES, la lutte de tous contre tous.
Fort heureusement, il y a des esprits un peu moins idéologues, qui, comme le Bonhomme Chrysale vivent de bonne soupe et non de beau langage. Madame Cathy SOULES, secrétaire générale de la PEEP dit avec bon sens qu'il ne faut pas pénaliser les familles qui n'ont pas les moyens de payer une nounou. Elle ajoute : on amalgame le fait de proposer une solution aux familles avec celui d'être contre la grève ! Or ça n'a rien à voir. C'est dommage de politiser ce qui pourrait être une vraie aide aux familles. Elles s'en fichent, elles, que le ministre soit UMP ou PS ! Avec un bon sens malicieux, elle indique que beaucoup de communes ont des centres de loisirs et des animateurs qualifiés. Elles peuvent les ouvrir les jours de grève. C'est vrai, ça représente un surcoût. Mais c'est aux communes de gérer leurs budgets selon leurs priorités. Les fédérations de parents d'élèves, toutefois, ne sont pas toutes sur la même longueur d'onde. Monsieur Jean-Jacques HAZAN, secrétaire général de FCPE, connue pour soutenir la gauche, proclame avec une rare élégance de vocabulaire que Monsieur DARCOS [...] essaye de faire passer la pilule avec une simple garderie. Quelle différence d'avec le ton de madame SOULES. Pour celle-ci, un esprit concret et pratique, pour celui-là un esprit de système déconnecté des réalités.
La vérité, me semble-t-il, est que les français ont perdu le sens de l'utilité sociale de leur travail. Ils ne voient plus dans celui-ci qu'un moyen de gagner leur vie pour profiter au maximum des plaisirs et des facilités de notre civilisation technique. Mais cette poursuite du bonheur matériel que promeut avec acharnement l'esprit de gauche finit par vider de sens leur existence, accroît leur frustration, et suscite la violence. Nous n'avons pas fini de payer notre mépris de la vertu et des qualités supérieures.

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