samedi 29 novembre 2008

Marcel Gauchet toujours

L'hebdomadaire Le Point publie une interview de Marcel Gauchet dans sa livraison du 27 novembre. L'éminent penseur vient de publier un livre intitulé "Les Conditions de l'éducation", chez Stock. On l'interroge sur ce qu'il a identifié dans ce livre comme un drame philosophique : la disparition de la joie d'apprendre. Et on lui demande entre autre : Comment l'expliquez-vous ?
Voici sa réponse :
C'est un des événements anthropologiques majeurs des dernières décennies. En premier lieu, il s'explique par le fait que nous avons cessé de croire au caractère humanisant du savoir. Depuis le XVe siècle, l'humanisme moderne est fondé sur l'idée que la dignité de l'homme s'établit au travers de la connaissance. Pour devenir un humain complet, accéder à la sagesse et à l'usage réglé de sa raison, il faut se cultiver, pas seulement par l'acquisition de connaissances, mais aussi par celle de la civilité. Les humanistes accordent une très grande importances aux manières, aux moeurs. Or nous devons constater la mort clinique de cette tradition occidentale, tombée sous les coups de l'individualisation, dans la nouvelle acception de ce terme : on est homme d'abord et en naissant l'humanité vous est donnée, elle n'est pas à conquérir. On naît individu - le savoir vous enrichit mais ne change rien à votre humanité. En clair, l'individualisation a frappé d'obsolescence l'humanisme moderne dans sa philosophie la plus fondamentale.
Il me paraît intéressant de souligner ce que GAUCHET dit de la civilité.
On demeure stupéfait, ainsi, qu'un tribunal puisse déclarer que l'utilisation d'une poupée vaudoue à l'image du Président de la République est attentatoire à la dignité de sa personne, ne pas en interdire la vente et demander que la mention "attentatoire etc..." figure sur la boîte proposée aux chalands. C'est un exercice d'une rare hypocrisie.
Le fabriquant se frotte les mains ; il a commandé une nouvelle fournée de figurines. Il va faire des sous, et les sorciers en herbes vont se passer les nerfs sur un ennemi imaginaire. Tout cela découle simplement de l'idéologie ambiante, largement imprégnée, mais pas seulement, de l'idéologie socialiste, de l'idéologie rousseauiste, une idéologie largement fondée sur le ressentiment du "petit" contre le "gros", tel que l'a fustigé NIETZSCHE. La perte de la civilité traduit le sentiment que marquer du respect à autrui, c'est se comporter comme un esclave vis-à-vis de son maître et lui être soumis.
Et c'est ainsi, encore, que la puissance publique a baissé les bras contre les taggeurs (dont l'activité a été déclaré jadis "artistique" par monsieur LANG), que le stade de France est plein quand il y a un concert de rock, que les bibliothèques érudites sont désertes, et que l'on réclame (souvent à juste titre) des postes d'enseignants pour juguler le désordre de classes déclarées surpeuplées, quand il y a 50 ans, un professeur de lycée enseignait sans difficulté à des classes de 40 élèves au moins.

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