vendredi 29 février 2008

Sagesse des Chinois

CONFUCIUS avait défini cinq types de relations sociales : souverain/sujet, mari/femme, père/fils, aîné/cadet, ami/ami. Il ne lui avait pas échappé que la seule de ces relations qui, de son temps, ne fût pas dissymétrique était la relation ami/ami. L'amitié était précieuse et forte aux yeux des Chinois et il est tout à fait intéressant de noter que l'idéogramme qui signifie amitié en langue chinoise représente deux mains se réunissant (cf. Cyrille J.-D. JAVARY. 100 mots pour comprendre les Chinois. Albin Michel, Paris, 2008).
Il me semble qu'il y a là matière à réflexion pour une conscience occidentale ; elle porte sur deux points, la symétrie absolue de la relation, et le rôle de la liberté dans l'engagement en amitié. Nous sommes à des années-lumière de la notion de solidarité qui est fondée justement sur la dissymétrie des revenus (ou des situations sociales) et la contrainte que les pouvoirs publics font peser sur les plus hauts d'entre eux pour les redistribuer aux plus bas. Je ne veux pas dire que c'est inutile ! Bien au contraire ! Il s'agit là du rappel imposée à ceux qui auraient tendance à l'oublier de notre commune appartenance au genre humain (une expression de la "mêmeté"). Mais la liberté n'a pas de part dans la solidarité. Et le jeu de deux pièces rendues solidaires est faible ou nul. Il en résulte que la solidarité, à moins qu'elle ne soit le fruit d'un mouvement de la liberté, ce qui lui fait perdre son caractère essentiel de contrainte, et par conséquent sa dénomination, ne peut être socialement vécue d'une manière positive. Nous sommes aussi très éloignés de la notion de fraternité ; on ne choisit pas ses frères, et la fraternité n'implique ni la symétrie (aîné, cadet ; jeune, vieux, etc.) ni la liberté ; elle n'exclut pas le sentiment, l'affection ou la tendresse, mais on sait aussi qu'il y a des haines fraternelles irréductibles dont CAÏN et ABEL, ou ETEOCLE et POLYNICE offrent les modèles les plus achevés. Il reste dans notre langue deux mots, qui méritent qu'on s'y attache, pour désigner le mouvement du coeur ou de l'esprit vers l'autre : le premier est celui de charité, mais il y a encore de la dissymétrie dans la charité des hommes, et Vincent de PAUL disait fort justement à ce propos, à Louise de MARILLAC : "Ma fille, souvenez-vous qu'il nous faut beaucoup d'amour pour que les pauvres nous pardonnent le pain qu'on leur donne". Pour arriver à son exercice, à une hauteur qui soit celle où la situe Paul de TARSE dans sa première lettre aux Corinthiens, il y faut autre chose que nos simples forces humaines. Mais c'est, selon moi, l'horizon définitif de l'humanité. Le second terme est celui d'amitié. Et c'est un mot si fort qu'il est employé par Thérèse d'AVILA quand elle parle de la prière : "La prière, dit-elle, n'est jamais qu'un commerce d'amitié avec Dieu". On retrouve bien là l'audace de cette femme qui se place sur le même plan que Dieu, mais qui engage toute sa vie et sa liberté dans cette relation. (C'est une expression de "l'ipséité", ce qui fait que suis moi et pas un autre.)
Je n'aurais pas la naïveté de confondre les mots avec la réalité qu'ils signifient. Mais ils ne sont pas venus tout seuls dans notre vocabulaire. Et il me semble que nous pouvons relativement bien nous reconnaître dans ce que je viens de dire.
Voilà pourquoi, et j'en termine, il est aussi important de délivrer une parole à l'homme ou à la femme qui mendie, parfois lamentablement et même indignement, car c'est dans la parole partagée que commence à s'établir une relation symétrique, la seule qui puisse prendre place dans l'expression authentique de la charité, et qui tienne compte à la fois de la mêmeté et de l'ipséité.

jeudi 28 février 2008

Acharnement thérapeutique ?

L'un de mes proches, toujours le même, me demande affectueusement pourquoi je défends avec tant d'âpreté le Président de la République, pourquoi, en quelque sorte, je pratiquerais de l'acharnement thérapeutique sur sa personne.
Je ne défends personne. Je défends simplement la vérité des faits. Je redis ici que disqualifier le message par la disqualification du messager est tout simplement indigne d'un esprit droit.
Pendant trente ans, j'ai consacré une partie de mon temps à la recherche. A trois reprises, je me suis heurté à des faits reproductibles, pourtant incompréhensibles en apparence. En acceptant ces faits, nous avons pu faire avancer la connaissance d'une très grave maladie génétique affectant les neurones moteurs de la moelle épinière. Nos collègues se sont d'abord moqué de nous. Pendant dix ans, nous avons tenu bon. Jusqu'à ce que d'autres laboratoires, par d'autres méthodes que les nôtres, confirment nos travaux. Le refus manifesté par la communauté scientifique (française, pas internationale ; mais nul n'est prophète en son pays) de prendre en compte ces faits (pour d'obscures raisons..., qui, pour moi, ne sont du reste par si obscures que ça, et relèvent de ce que René GIRARD appelle la rivalité mimétique) a fait perdre dix ans à la recherche d'un traitement adapté de l'amyotrophie spinale progressive, puisque c'est de cette maladie qu'il s'agit.
Vous comprendrez donc pourquoi le respect des faits me paraît si important. Que le Président de la République soit petit, grand, bégaie ou parle trop rapidement, qu'il divorce ou se marie, qu'il ait des réparties surprenantes et inappropriées (c'est le moins que l'on puisse dire) aux insultes qui lui sont faites, n'enlève rien, selon moi, à son courage politique et à sa clairvoyante analyse des problèmes de notre pays. L'opposition a bien entendu le droit, et même le devoir, de critiquer ces décisions, mais il faut d'abord qu'elle les analyse, et en suppute rationnellement les possibles conséquences d'une part, et qu'elle propose des solutions alternatives aux problèmes de notre pays, en en supputant de même les conséquences, et en en expliquant les avantages, d'autre part. Mais pour cela, il lui faudrait ouvrir les yeux, et reconnaître qu'il y a des problèmes... Elle les a toujours niés, ou presque toujours, ou plus exactement et d'une manière plus conforme aux faits, elle ne les a jamais présentés dans son programme d'une manière autre qu'idéologique. Nous avons le droit d'exiger d'elle qu'elle ne nous prenne pas pour des imbéciles ou des automates de la pensée unique.

mercredi 27 février 2008

Ringards, les cathos ?

Il est de bon ton, depuis des lustres, de moquer la ringardise des cathos, et la haine que l'Église catholique a du corps. Voici le petit extrait d'un livre tout à fait intéressant, dont je ne vous donnerai l'auteur qu'après vous avoir imposé cette lecture instructive :
"En fait de mariage ils observent avec un respect religieux une coutume qui nous a d'abord très-fort (sic) choqués tant elle nous parut bisarre (sic) & indécente. Lorsque deux personnes se recherchent, ils ne veulent point qu'elles s'engagent avant d'avoir toutes deux jugé par elles-mêmes des qualités de leur propre corps. En conséquence, une vénérable matrone déshabille la future & la fait voir toute nue à son amant, qui de son côté est présenté à sa maîtresse dans l'état de pure nature par quelque grave et honnête personnage. Nous eûmes de la peine à retenir nos éclats de rire en apprenant cet usage, & nous leur avouâmes franchement que nous le trouvions fort sot et fort impertinent. Mais ils se moquèrent bien de nous & des inconséquences aussi funestes que multipliées que commettent sur cet article les peuples de notre Univers. Quoi, nous dirent-ils, lorsqu'il s'agit de l'achat d'un méchant bidet, vous faites les plus grandes attention à votre marché pour n'en être pas la dupe. [...] Mais à combien plus forte raison devez-vous être attentif au choix que vous faites d'une femme. Songez que c'est uniquement de ce choix que dépend cette volupté délicieuse qui fait le charme de nos beaux jours ou ce dégoût insurmontable qui les remplit d'amertume. etc., etc." [Amant et Maîtresse, au XVIIIe siècle, signifient l'amoureuse et l'amoureux]
C'est un homme politique qui a écrit cela. C'est aussi un saint de l'Église catholique. Il a été assassiné par son souverain qui ne lui trouvait pas l'échine assez souple. Il s'agit de saint Thomas MORE, chancelier d'Angleterre (1478 - 1535), et cet extrait est tiré de son célèbre ouvrage, connu sous le nom de l'Utopie, mais dont le titre exact est légèrement plus long (voir plus bas).
Voici un autre extrait
"L'objet le plus noble & le plus intéressant de toutes leurs questions et de toutes leurs recherches est de savoir en quoi consiste le vrai bonheur de l'homme, si c'est dans une seule ou dans plusieurs choses réunies. La plupart des Utopiens embrassent sur cet article le système d'Epicure ; ils sont persuadés que si la volupté n'est pas entièrement dispensatrice de bonheur, elle seule du moins contribue le plus à nous le procurer. Ce qui va vous étonner sans doute, c'est qu'ils fondent sur la religion même, toute triste & toute sévère qu'elle est, une morale si facile & si douce. Jamais ils ne dissertent sur le souverain bien de l'homme qu'ils n'invoquent le secours de leur religion ; ils déduisent leurs conséquences de ses principes mêmes ; ils mêlent ses maximes aux raisonnements de la philosophie, & pensent que, sans le secours de leurs lumières réciproques, ils feraient pendant toute leur vie des recherches infructueuses pour trouver la félicité."
In
Tableau du meilleur gouvernement possible ou l'Utopie,
de Thomas MORUS, Chancelier d'Angleterre, en deux livres. Traduction nouvelle dédiée à S.E.M. le Comte de Vergennes, Ministre des Affaires Étrangères,
Par M. T. ROUSSEAU.
A Paris, Rue Dauphine, à l'entrée à droite par le Pont-Neuf, Chez Alex. JOMBERT, Successeur de Ch.-Ant. JOMBERT, son Père, Libraire du Roi pour l'Artillerie et le Génie, 1780. (Je possède ce livre dans ma bibliothèque.)
Il y a là, agrémenté d'une précision, d'un humour, et d'une très fine psychologie, un enseignement d'une très rare modernité. Homme politique, Thomas MORE ne crachait point sur la philosophie. Catholique fervent, et rentré en opposition avec Henri VIII, il sait concilier les exigences de la raison, de la nature et de la foi. Pas mal, pour un homme de la Renaissance. Allons, messieurs les hommes politiques, un petit effort de lecture. Vous trouverez bien des choses intéressantes dans ce livre sur l'art de gouverner, et monsieur DRAY pourra peut-être changer d'opinion et renoncer à son antipathie pour "une vision religieuse de la société".
Bonne semaine.

mardi 26 février 2008

Un Prophète

"Les esprits 'réalistes' peuvent bien sourire des rêveurs qui parlent d'une humanité cimentée et bardée, non plus de brutalité, mais d'amour. Ils peuvent bien nier qu'un maximum de puissance physique puisse coïncider avec un maximum de douceur et de bonté. Ce scepticisme et ces critiques ne sauraient empêcher que la théorie et l'expérience de l'Énergie spirituelle se trouvent d'accord pour nous avertir que nous sommes parvenus à un point décisif de l'évolution humaine. [...]
Continuer à mettre nos espoirs dans un ordre social obtenu par violence externe équivaudrait simplement pour nous à abandonner toute espérance de porter à ses limites l'Esprit de la Terre."
In
P. TEILHARD de CHARDIN.
L'Énergie humaine. Oeuvres. Tome 6. Page 161, ss.
Éditions du Seuil, Paris, 1967.
Voilà un texte que tout homme politique devrait méditer et mettre en oeuvre. Au lieu de se déchirer, de s'insulter, de s'anéantir en esprit les uns les autres, de nous précipiter depuis trente dans une guerre civile froide, sans issue, ils devraient pouvoir, dans la légitime expression de leurs différences, trouver ensemble à nos problèmes, essentiellement moraux et spirituels, des solutions qui s'accordent à la nature profonde de l'homme. Et ce voeux s'adresse aussi bien aux gens dits de gauche qu'à ceux dits de droite. Au nom du Ciel, qu'ils cessent de donner de l'homme, de ses fins, et de ses faims, l'image affreuse qu'ils nous renvoient par leur manière d'être. S'ils nous aimaient autant qu'ils le prétendent, ils étendraient leur amour à tout ceux qui ne pensent pas comme eux, et surtout ils comprendraient que rien ne saurait être obtenu par la violence, quelle qu'en soit sa nature (physique, légale, morale, etc.). C'est pourquoi, en dépit que j'en aie, je ne trouve pas monsieur DRAY antipathique, et je ne désirerais qu'une chose : discuter avec lui en adoptant la procédure de dialogue qu'a si bien étudié Jürgen HABERMAS.

lundi 25 février 2008

Pour grand que soient les Rois...

On s'est offusqué dans les média de la réaction inattendue, vive, et... surprenante du Président de la République, aux insultes d'un quidam qui refusait de lui serrer la main, le tutoyait, prétextait avoir été sali par le contact avec lui. Il faut bien comprendre ce que peut représenter pour un homme politique surchargé de responsabilité, quotidiennement attaqué dans sa personne par des journalistes inconséquents qui se moquent comme d'une guigne de l'état de notre pays et n'ont qu'une idée en tête : décharger leur bile, faire suer leur haine d'un homme qu'il déteste, on ne sait pas trop pourquoi ; un homme qui est insulté par le Canard enchaîné, traqué par Le Monde, hebdomadairement brocardé par Jean-François KAHN et Marianne, subtilement contré par France Info et France 3. Jamais, on n'a vu un tel lynchage médiatique. Encore une fois, je ne suis pas un inconditionnel de notre Président. Mais je considère qu'il essaye de trouver des solutions à des problèmes politiques, économiques et sociaux qui pourrissent la vie de notre pays depuis 30 ans, problèmes qu'aucun des Présidents Bouddhas qui l'ont précédé n'a essayé de résoudre, en vertu de l'adage bien connu : "il n'est nul problème qu'une absence de solution ne finisse par résoudre". Je trouve indigne les basses critiques de la plupart des chefs de l'opposition. Et je leur rappelle ce vers du Cid : "Pour grands que soient les Rois, ils sont ce que nous sommes/Et peuvent se tromper comme les autres hommes". En d'autres termes, on ne peut reprocher à un homme insulté de réagir vivement à l'insulte, même si la chose est étonnante de la part d'un Président.
J'ose dire que ceux qui attisent ainsi le feu et la haine prennent le risque de faire assassiner l'actuel Président, en en faisant le réceptacle unique des plaintes, des frustrations, des désirs inassouvis et souvent peu légitimes, du ressentiment, des aigris de tous poils et de toutes les échelles de la société. Je voudrais bien avoir tort. Mais si jamais un attentat était perpétré contre lui (après tout, mis à part le faux attentat contre monsieur MITTERRAND, qui n'était pas encore Président, il y a déjà eu deux tentatives d'assassinat de nos Présidents : l'une contre le général de GAULLE, l'autre contre le Président CHIRAC), vous vous souviendrez que je vous avais mis en garde. A Dieu ne plaise que vous ayez jamais cet effort de mémoire à faire.
PS : Si je fais allusion à un possible attentat, c'est que le risque m'en a été suggéré par une personne que je rencontre régulièrement dans le cadre de l'accueil que l'Association Tibériade, dont je fais partie comme bénévole, offre aux personnes séropositives qui y cherchent écoute, bienveillance et soutien fraternel.

dimanche 24 février 2008

Vous Nous avez faits pour Vous...

"Vous Nous avez faits pour Vous, Seigneur, & notre coeur est inquiet, jusqu'à ce qu'il se repose en vous" dit Augustin d'Hippone dans ses Confessions (Livre I, chapitre I).
L'abbé GROU, un ecclésiastique du XVIIIe siècle, commente ce texte d'une manière qui me semble très pertinente ; j'en extrais ce court passage : "Tant que nous avons fait notre Dieu des richesses, des plaisirs, des honneurs ; tant que nous avons prétendu y trouver notre béatitude, jamais nous ne l'y avons rencontrée. Une voix intérieure nous criait : ton bonheur n'est pas là ; tout cela ne te remplit pas ; tes désirs vont toujours au-delà de ce que tu possèdes ; ton coeur ne cesse de demander ; et tout ce que tu lui donnes, ne fait qu'irriter ta faim. Tu as eu, il est vrai, quelques moments d'ivresse ; mais est-ce dans l'ivresse, dans l'aliénation de la raison, qu'est le bonheur d'un être raisonnable ?"
Il est intéressant de noter qu'au tout début du commentaire, avant l'extrait que je viens de citer, l'abbé GROU dit ceci : "Cette sentence est le premier Principe de la Morale ; & elle rend raison des agitations du coeur humain..."
J'invite monsieur Julen DRAY, dont j'ai vigoureusement critiqué l'appel a combattre "une vision religieuse de la société", à se poser les questions qu'a si bien formulées l'abbé GROU. Trouve-t-il plénitude et sens dans le seul combat politique ? Et s'il lui advenait d'être battu aux élections, comment réagirait son coeur ? N'a-t-il jamais fait, ne fût-ce qu'un instant, l'expérience terrible de la vanité des succès, de la possession, des plaisirs ? Voilà qui me paraît impossible. Et voilà pourquoi il me semble que ces interrogations essentielles doivent porter toute vision, tout projet, toute action politiques. Il n'est pas demandé aux politiques d'y apporter des réponses toutes faites. Il leur est demandé de permettre à leur frères et soeurs en humanité de se les poser. Et ceux-ci ne le peuvent que si les besoins élémentaires de leur nature sont satisfaits. C'est là, la justification fondamentale des exigences de justice sociale : permettre à tout être humain de se poser les vraies questions : celle du sens de sa vie, celle de sa fin, celle de son bonheur. Il ne le peut que si les exigences de sa nature sont satisfaites.
Citations tirées de l'ouvrage ci-dessous :
Abbé GROU.
Morale tirée des Confessions de S. (sic) Augustin.
Tome premier. (Chapitre premier, page 5)
A Paris, Chez Mérigot, jeune, Libraire, Quai des Augustins, au coin de la rue Pavée, 1786. (Je possède ce livre dans ma bibliothèque.)

samedi 23 février 2008

Morale et laïcité

Lors de son discours à Saint-Jean-de-Latran, monsieur SARKOZY avait déclaré : "Dans l'apprentissage de la différence entre le bien et le mal, l'instituteur ne pourra jamais remplacer le curé et le pasteur". Une telle affirmation a suscité de nombreuses réactions de la part des rangs laïques. Les unes sont de pures circonstances, et (comme le disait monsieur de TALLEYRAND), étant excessives, sont de nulle importance ; c'est très certainement le cas des opportunistes politiques du type Julien DRAY, dont j'ai parlé hier. Mais, je le dis tout net, c'est faire injure à des milliers d'enseignants laïques que de les croire incapables de dispenser cet enseignement. J'en connais beaucoup, pour les avoir interrrogés lors de l'enquête que l'Institut pour la Promotion du Lien Social de Strasbourg (dont je fus le président pendant trois ans) a conduite dans 20 % des Collèges du Bas-Rhin, sur la prise en charge des élèves en difficultés. Je n'ai rencontré que des personnes remarquables, dévouées, pénétrées de l'importance leur mission, et parfaitement capables de faire ce discernement du bien et et du mal. Et c'est tant mieux, et c'est indispensable, et ça jette à terre tous les beaux arguments de monsieur DRAY. Car il existe une morale dite naturelle, transhistorique, transspatiale, qui est le socle inébranlable sur lequel peuvent s'édifier les sociétés. Qu'elle soit à compléter, à affiner, nul n'en disconvient. Que selon les systèmes religieux dans lesquels elles se développent, elles prennent des couleurs spécifiques, ou manifestent une sorte d'idiosyncrasie culturelle, c'est bien normal. Mais elle indique simplement que l'homme où qu'il soit, d'où qu'il vienne, sait bien ne pas pouvoir faire n'importe quoi, ni pour lui, ni pour les autres, ni pour la société, contrairement aux visions utopiques qu'ont certains "penseurs" sur l'homme nouveau. Et il me semble qu'une réflexion sur l'existence de la morale naturelle peut conduire à une saine conception de ce qu'est l'homme. Elle conduit aussi à se poser la question de son origine. Paul de TARSE n'excluait point qu'il y ait eu une révélation originelle. Si l'on admet la valeur explicative de l'évolution darwinienne, je ne vois pas pourquoi on dénierait à l'hypothèse de Paul la même valeur d'explication. Ainsi, c'est dans un dialogue respectueux entre tenants de la laïcité ouverte (heureusement les plus nombreux) et les responsables des diverses églises ou religions, dialogue réalisé dans l'espace publique, dialogue par essence politique, que l'on pourra trouver une sorte d'harmonie sociale, prémices d'une prise de conscience indispensable à l'établissement de la justice, et au partage équitable des biens matériels et culturels entre tous les hommes.
On peut toujours rêver, mais pas comme monsieur DRAY.

jeudi 21 février 2008

Pain de sucre ou étron de chien ?

Outre qu'elle était fort belle, ma grand mère était une femme pleine d'humour. Toutes les fois qu'elle voyait les esprits s'enflammer pour des babioles, elle nous disait avec un merveilleux sourire : "D'un étron de chien, vous faites un pain de sucre". Cela suffisait à nous calmer. Ainsi en est-il de la polémique Chantilly montée par les biens pensants (on se comprend...) contre Emmanuelle MIGNON.


Monsieur Julien DRAY, une grande figure intellectuelle, tolérante, ouverte, et tout et tout, invite le camp laïc à se "mobiliser contre la vision religieuse de la société". Il est nécessaire d'analyser ce propos tout simplement stupéfiant, qu'il délivre à l'occasion du procès en sorcellerie fait à cette pauvre Emmanuelle MIGNON (ce qui est tout de même assez paradoxal pour un a-religieux). Monsieur DRAY ne dit pas "contre l'invasion de la société par les religieux ou les religions". Non ! Il dit "contre la vision religieuse de la société". Que l'homme, à tort ou à raison, ait été depuis la nuit des temps un animal religieux, ne semble guère l'émouvoir. Que des milliards d'êtres humains croient en un dieu créateur et suprême pas davantage. Monsieur DRAY a définitivement tiré un trait sur ces vieilles lunes. Il a dû passer des nuits entières à étudier l'anthropologie religieuse, à lire le Rig Veda, l'Avesta, les Entretiens de Confucius, le Tripitaka, le Coran, l'Ancien et le Nouveau Testament, etc. sans aucun doute. Il en a tiré pour sa vie des conclusions. Il veut nous les imposer. Il ne lui échappe pas, pourtant, que ces textes donnent tous une analyse relativement convergente des obligations de la vie en société, et notamment que des principes supérieurs, et extrinsèques à la simple volonté humaine, sont nécessaires à son développement harmonieux. (Je me place ici du point de vue des structuralistes, et des structures mentales révélées par ces textes). Monsieur DRAY nous impose sa religion à lui, qui est celle du laïcisme, dont nous ignorons les principes moraux, et le nom de celui ou ceux qui les inspirent, à l'exception de MARX, de PROUDHON, de SAINT SIMON, de FOURIER, de Ségolène (peut-être ; j'en suis moins sûr), de Julien DRAY soi-même, et de ses amis. Il rêve d'un homme nouveau, il ne pense pas l'homme actuel, réel, concret. C'est pourquoi c'est un homme dangereux pour la paix civile ; il a le profil idéal du persécuteur. Je n'ai pas envie de devenir l'homme rêvé par monsieur DRAY, je ne désire pas davantage que mes enfants et mes petits enfants le deviennent. Et je forme des voeux ardents pour que monsieur DRAY n'ait jamais de responsabilités ministérielles. Je me sentirais dans l'obligation de lui désobéir. Mais je lui reconnais le droit d'exprimer dans l'espace public ses idées sectaires, comme je me sens le droit de donner dans ce même espace une vision de la société que je tiens de la Tradition, de mes pères, de mon éducation, et, j'ajoute, surtout d'une très longue réflexion personnelle. Je ne désire pas imposer ma vision. J'exige d'avoir le droit de l'exposer, pour autant qu'elle ne viole pas les lois et qu'elle ne lèse personne. Monsieur DRAY accepterait-il un débat avec Emmanuelle MIGNON, ou pourquoi, pas avec moi ?
Petit détail supplémentaire : Emmanuelle MIGNON est une catholique fervente. Il était donc nécessaire de la dégommer et l'on utilisera pour cela les mêmes et ignobles moyens que ceux qui ont eu raison d'Hervé GAYMARD, lui aussi catholique fervent, et père de huit enfants, ce qui est éminemment condamnable pour ceux qui ne parlent que de contraception, d'IVG et de planning familial.

mercredi 20 février 2008

Habiter sa vie

Le Révérend Père Alexandre SCHMEMANN fait ce constat d'une justesse et d'une profondeur saisissantes : "Aussi étrange que cela puisse paraître, c'est la paresse et le découragement qui remplissent notre vie du désir de dominer.[...] En rendant notre vie vide et dénuée de tout sens, ils nous obligent à chercher une compensation dans une attitude radicalement fausse envers les autres". (Je ne puis, hélas, donner la référence de l'ouvrage où figure cette citation).
Deux remarques, l'une terre à terre et de nature politique. L'autre de portée générale.
Première remarque. Il me semble que si monsieur FILLON monte dans les sondages, c'est précisément parce qu'il ne manifeste pas ce désir obsédant, éclaboussant, de domination. Il agit, avec discrétion, et donne l'image d'une homme équilibré, qui habite sa vie, et trouve dans ses proches, sa famille, ses enfants, ses amis, l'ancrage et l'équilibre nécessaires à la conduite de son projet.
Deuxième remarque. Je suis très frappé de voir combien les contempteurs du "christianisme" se trompent de cible. Jésus n'est pas venu fonder une religion. Il est venu les démolir toutes. Il parle du Royaume, et il énonce clairement les douloureuses conditions qui permettent d'y rentrer. Elles passent par l'oubli de soi. Ce qui caractérise les disciples de Jésus, c'est justement le refus de toute volonté de pouvoir. "Les nations appellent leurs princes 'Bienfaiteur', mais vous n'agissez pas ainsi - dit-il à ses amis - Que le plus âgé soit comme le plus jeune ; que celui qui commande soit comme celui qui sert". Là est tout l'esprit, tout le souflle, toute l'inspiration de l'homme qui désire servir son pays, et non point s'en servir. Il ne le peut pas de lui-même. Il lui faut autre chose, mais hélas, cet autre chose a déserté l'espace public depuis bien longtemps. Je ne suis pas certain que nous y ayons gagné.
Pour habiter sa vie il faut se recevoir d'un Autre et de soi. Jamais de l'un seul. D'un Autre exclusivement, et c'est la dérive intégriste ; de soi seul, et c'est la dérive totalitaire. La condition humaine est telle que l'homme doit appliquer sa liberté à faire ce qu'il doit faire, et ce devoir n'est ni anodin, ni quelconque, mais le remplir est indispensable au bonheur. Ainsi pouvons-nous aller vers la fin qui nous est due, ainsi les responsables politiques peuvent-ils nous y conduire.

mardi 19 février 2008

Toute nue, la vérité sort du puits (bis)

Pas de grands discours aujourd'hui, mais des petites remarques (qui me font du bien) et qui fort opportunément viennent moduler la désinformation distillée par la plupart des média.
Mémoire de la Shoah et écoliers. Simone VEIL s'était élevé avec force contre l'initiative du Président SARKOZY. Elle y voyait "une proposition inimaginable, insoutenable et injuste". J'ai eu l'occasion hier de dire le respect que j'avais pour madame VEIL. Je n'en suis que plus heureux de constater qu'elle accepte de participer à une mission chargée de réfléchir aux modalités d'application de ce projet (information délivrée par la Fondation pour la mémoire de la SHOAH). Cette acceptation est capitale ; elle signifie en effet que des éclaircissements, justes et très certainement nécessaires, ont été donnés à madame VEIL et qu'elle a modifié quelque peu son opinion après avoir reçu et des assurances et ces explications. Le propre des belles intelligences est de faire descendre dans leur coeur ce qui est dans leur tête.
Jérôme KERVIEL et la société générale. Dans son édition d'hier, le Financial Times indique que le FIMAT, filiale de courtage de la Société Générale, aurait ouvert dès septembre dernier, une enquête interne sur monsieur Moussa BAKIR, l'un de ses courtiers, lequel aurait exécuté quatre transactions aux volumes particulièrement importants, des transactions suspectes. Or Monsieur Moussa BAKIR a été entendu comme témoin assisté dans le cadre de l'enquête conduite dans l'affaire KERVIEL. Il a été relâché. Monsieur KERVIEL est en prison. Peut-on croire sérieusement que le cadre de la FIMAT qui a diligenté l'enquête n'a pas averti sa maison mère ? Et cette mise au courant, n'explique-t-elle pas pourquoi ledit monsieur BAKIR a été entendu ? Ils nous prennent pour des crêpes ces grands de la finance de la Soc. Gen. Ils se moquent de nous, font emprisonner celui qu'ils n'ont pas su, pas pu, ou pas voulu contrôler efficacement. Et si le trou est trop grand, on fera comme en Grande Bretagne pour une banque à la dérive : on nationalisera temporairement la Société Générale, les contribuables (comme dans le cas du Crédit Lyonnais) paieront les pots cassés, et monsieur BOUTON aura la Légion d'Honneur (elle se porte en effet à la boutonnière).
Médiatique ou médiatisé : à propos de la descente de police à Villiers-le-Bel. J'aime bien le journal gratuit Métro. Mais que diable, pourquoi titre-t-il Raid médiatique pour parler de l'opération de police à Villiers-le-Bel ? En quoi cette opération est-elle médiatique. Si les mots ont un sens en français, et les affixes une admirable précision sémantique, il faut comprendre avec ce terme que cette opération est belle, digne d'être regardée, propre à nourrir les media, telle Adriana KAREMBEU et la Croix-Rouge. Car Adriana est incontestablement médiatique. Or madame ALLIOT-MARIE, ministre de l'Intérieur, tout en se félicitant du résultat de l'opération, déplore avec justesse "que des fuites aient conduit à une médiatisation importante", au risque de compromettre la sécurité des gendarmes, des policiers, des magistrats dit fort à-propos l'UNSA. C'est effectivement le mot médiatisé qu'il fallait utiliser, c'est à dire commenté, illustré, promu, monté en épingle par les media. Une question par conséquent se pose : qui a prévenu la presse, la télévision, les journalistes en mal de copie ? Très franchement, je n'en sais rien. Mais si le ministre désirait la discrétion, il paraît difficile de lui imputer cette divulgation massive, pas plus qu'à ses proches collaborateurs. Ou alors quelqu'un qui voulait faire du zèle ? Ou enfin, et encore, un de ces petits acteurs de l'ombre, pleins de ressentiment, qui ont une ligne directe avec le Canard Enchaîné, et ne songent qu'à nuire à celui qu'ils considèrent comme leur ennemi, et qui a lâché le morceau ?
Sans doute serez-vous intéressé d'apprendre que parmi les personnes arrêtées figure le propre frère de l'un de ces pauvres adolescents morts dans l'accident de moto. Il serait impliqué dans le vol et l'incendie du véhicule du commissaire Jean-Claude ILLY qui a été lynché lors des émeutes. On peut comprendre que l'émotion porte à l'égarement, mais à ce point-là, voilà qui n'est pas acceptable et qui doit être puni, si la chose est avérée.
C'est tout pour aujourd'hui

lundi 18 février 2008

Lynchage médiatique

Quoi que fasse le Président de la République, quoi qu'il suggère, quoi qu'il dise, il se trouvera toujours quelques journalistes, quelques éléphants socialistes perdus dans la savane politique, quelques responsables de syndicats, surtout de syndicats enseignants d'ailleurs, pour le critiquer, le démolir, le ridiculiser, déformer ses propos, faire des procès d'intention. Un des moyens les plus pervers de saper toutes ses initiatives consiste à délivrer sur elles des informations prétendument contradictoires. Il arrive cependant que ces petites tricheries soient tellement visibles qu'elles en deviennent ridicules.
Ainsi du Journal du Dimanche qui publie un dossier sur l'initiative qu'a prise monsieur SARKOZY de confier la mémoire d'un enfant français victime de la Shoah à un écolier de 10 ans. La parole est donnée à Emmmanuelle MIGNON, directrice de Cabinet du Président qui a joué un rôle moteur dans l'élaboration de ce projet et qui bien entendu défend le projet ; elle est donnée indirectement à madame Simone VEIL, et directement à madame Annette WIEVIORKA. Toutes ces personnalités sont éminemment compétentes dans leurs domaines et respectables à bien des titres.
Que retiennent les lecteurs cependant ? Que le projet est défendue par un proche du Président, et que cette approbation par conséquent est partisanne et dépourvue de valeur. L'allusion à madame Simone VEIL qui a été présidente du Comité de Soutien du candidat Nicolas SARKOZY est oblique et terrible, car cette grande figure, issue des rangs de la majorité, condamne (et elle le fait en des termes très sévères) le projet. Elle a eu à subir dans sa chair les horreurs des camps nazis, et je peux comprendre son émotion. Je me garderai bien de condamner ses propos jaillis d'une sensibilité à vif. Quant à l'interview de madame Annette WIEVORKA, connue pour ses opinions de gauche, mais pour laquelle, je le dis d'emblée, je professe le plus grand respect quand elle fait de l'histoire, elle est détaillée, présentée avec des intertitres qui en souligne l'articulation mais en force l'esprit. Je vais revenir sur son contenu. Le JDD ne parle absolument pas de l'approbation inconditionnelle de Serge KLARSFELD à l'initiative du Président.
Madame WIEVORKA est historienne. Tout le monde lui reconnaît une grande compétence dans le champ qui est le sien, l'histoire, et tout particulièrement l'histoire de la deuxième guerre et de la Shoah. Ce qui ne va pas, c'est son incursion dans des domaines qui ne sont pas les siens : quelle est sa compétence en psychologie des enfants (premier paragraphe faussement intitulé "Un cadeau ? Ce terme est insultant"). Pourquoi dit-elle "Il faut bien mal connaître les enfants pour faire une telle proposition, tout à fait indécente" ? Tous les enfants de 10 ans auraient-ils la même psychologie, la même maturité, la même éducation ? Les enseignants seraient-ils incapables d'assurer avec délicatesse la transmission de la mémoire des petites victimes ? Je préfèrerais que madame WIEVORKA utilisât son talent pour combattre la violence à la télévision, la pornographie sur internet, et la publicité en photos que font les ONG des squelettiques enfants du Darfour ou de l'Inde mourant de fin. Maxima pueris reverentia debetur certes, mais dans tous les domaines, et surtout dans ceux que je viens de citer.
Madame WIEVORKA, dans le troisième paragraphe intitulé "Il n'y a pas de risque d'oubli", explique que beaucoup de choses sont faites pour parler de la Shoah aux enfants, "la littérature, les visites des survivants dans les classes, des films autant qu'on en veut" etc. Mais pourquoi ces moyens seraient-ils excellents et mauvais celui de donner à un enfant de 10 ans le soin d'honorer la mémoire d'un enfant sacrifié ? La charge émotionnelle des moyens énumérés par elle est tout aussi forte, sinon plus, notamment dans le cas des films. C'est donc l'initiateur du nouveau moyen qu'elle démolit à travers sa critique, et rien d'autre. L'argument est un argument ad hominem dissimulé dans les plis défraîchis d'un douteux manteau de sagesse.
Madame WIEVORKA, dans le quatrième et dernier paragraphe qui, bigre ! porte le titre de "Dangereux pour la démocratie" (sic) nous joue le couplet du "les enseignants n'aiment pas l'incursion du politique dans leurs classes". Et elle dit ça sans rire ! Mais ils n'arrêtent pas d'en faire de la politique, les enseignants, par leurs grèves, par leurs manifestations, par la teneur même de leurs enseignements. Je sais de quoi je parle, ayant été Vice-Président d'une grande université scientifique française.
"Avec [Nicolas SARKOZY], l'Etat se mêle trop de l'enseignement de l'Histoire." dites-vous, madame. Mais madame, si vous aviez été cohérente sur ce point, vous auriez dû condamner sans appel la loi qu'a voté sur le négationisme un parlement dominé par les socialistes. Cette loi est excellente dans ses intentions, mais désastreuses dans ses effets : elle donne à penser qu'il y a une vérité officielle (je crains qu'en matière d'histoire de France, il n'y en ait une : regardez comment on raconte les guerres de Vendée aux Lycéens ; on se garde bien de leur dire que les armées républicaines du sinistre général TURLOT ont jeté vivants des femmes et des enfants dans des fours brûlants, pour "faire cuire le pain de la République" ; et je vous mets au défi, madame, de me dire que cela n'a pas eu lieu), elle donne à penser, disais-je, qu'il y a une vérité officielle, et elle soustrait à la raison critique l'examen des faits, empêchant ainsi les consciences droites de mesurer l'horreur de ces crimes, et jetant le discrédit sur toutes les condamnations qu'on peut porter sur eux car elle rend leur narration suspecte d'un travail de mythification. Cette loi est insane et elle a fait plus de mal que de bien dans la prévention du retour du racisme. Votre critique aurait eu plus de portée si elle s'était bornée à poser de légitimes questions, au lieu d'asséner des vérités sorties tout droit de votre cerveau, c'est à dire de votre idéologie. Je ne disconviens pas avec vous qu'il faut travailler sur les moyens à utiliser pour alerter les jeunes consciences, mais de là à déverser ce torrent de jugements péremptoires, il y a un pas que je me garderai bien de franchir.

dimanche 17 février 2008

Ils ont des yeux...

"Ils ont des yeux et ils ne voient pas, des oreilles et ils n'entendent pas". Voilà ce qui me vient à l'esprit aujourd'hui...

Le Kosovo s'apprête, en effet, à proclamer son indépendance et nous, comme d'imbéciles moutons ("sottes espèces" disait notre bon La Fontaine), nous nous apprêtons à la reconnaître au mépris de l'histoire, au mépris de l'amitié que les Serbes ont toujours eue pour la France, et sans mesurer les conséquences que peuvent avoir pour l'équilibre de l'Europe la création d'un nouvel état musulman indépendant. (Le cas de l'Albanie est tout à fait particulier, car le nord de ce pays est majoritairement catholique ; mère Thérésa en était originaire). Folie pure, aveuglement. Il y avait bien des manières de laisser aux Kosovars la gestion de leurs affaires courantes. Cette aspiration est tout à fait légitime. Mais que dirions-nous, si l'armée de libération de la Bretagne, prenant par la force à Rennes, à Quimper ou à Brest, le pouvoir, proclamait l'indépendance de cette région et qu'elle fût reconnue par nos amis belges, italiens ou allemands ? Vous me direz que nous n'avions pas persécuté les Bretons. Là, je ne m'avancerais pas trop, car depuis l'abbé GREGOIRE, Paris n'a cessé de pratiquer l'intolérance culturelle, de tuer les langues et cultures régionales, et de tenir pour un ensemble de demeurés un peuple qui vivait en Gaule bien avant que les Francs et autres envahisseurs n'en prissent possession. C'était de la persécution molle. Et les chouans des guerres de Vendée ne sont plus là pour réclamer justice à la République sanglante d'alors.
Encore une fois, nous voyons combien la méconnaisance de l'histoire et l'abyssale inculture des hommes politiques conduisent à des décisions dont nous n'avons pas fini de mesurer les conséquences. Nous sommes décadents, tout simplement ; sans vigueur, dépourvus de cette sève qui fait les grands peuples et leur assure un avenir. La France n'est plus la France ; nous la voyons agoniser en buvant du Coca-Cola au Parc des Princes ou en bouffant une raclette en haut des pistes de Courchevel. Jusques à quand ? Jusques à quand ?

samedi 16 février 2008

Bravitude, alambiqûre et tarabiscotations

Jean DANIEL, avec beaucoup de bravitude, et d'inénarrables tarabiscotations, déclare dans un éditorial du Nouvel Observateur, que l'hebdo a eu tort de faire état du SMS prétendument envoyé par le chef de l'Etat à son ex-épouse. Mais, comme pour se reprendre de son éclair de lucidité, il ajoute, ce qui annule la valeur de l'aveux, que Nicolas SARKOZY a "jeté lui-même sa vie privée en pâture" et que "c'est parce qu'il faisait tout pour nous entraîner dans son univers qu'il ne fallait pas s'y laissé conduire".
De deux choses l'une : ou bien ce SMS est authentique, et la moindre des réflexions morales devait interdire à celui qui en était le connaisseur, de le jeter en pâture (je retourne à monsieur DANIEL la formule) à l'opinion publique. Il fallait se demander ce que la diffusion de cette information pouvait apporter au débat politique, à la grandeur de notre pays, à la dignité de la fonction présidentielle ; ou bien il est faux, ce qui me semble l'évidence, et c'est encore plus condamnable sur le plan moral. C'est bien un charognard inélégant, un Jérôme KERVIEL de l'information, qui a cru se faire une réputation de fin journaliste, en faisant état de ce texte. Bien entendu, on ne saura jamais qui le lui a transmis : c'est, paraît-il, une règle absolue de la "déontologie" (? !!!) journalistique que de ne jamais donner le nom de sa ou de ses sources. Ainsi, les dites sources (un très beau mot pour désigner l'abjection) peuvent diffuser n'importe quoi, n'importe comment, n'importe où. Le mal est fait et il est irréparable.
N'est-ce pas, monsieur de VILLEPIN ? Vous qui avez peut-être lancé l'affaire Clearstream pour abattre votre rival, et qui signez aujourd'hui avec monsieur BAYROU, plus je ne sais quel éléphant socialiste, plus monsieur DUPONT-AIGNANT (dont j'espérais mieux), et d'autres, un appel "à la vigilance républicaine" pour lutter contre les "dérives monarchiques" imputées au Président. (Si c'est le cas, vite, agissez, et destituez constitutionnellement le monarque abusif !)
Je voudrais en revenir aux faits : oui ou non, le Président demande-t-il aux médias de rapporter les faits et gestes de sa vie personnelle ? Oui ou non, démande-t-il à vérifier avant publication le contenu des informations qu'ils diffusent sur sa vie privée ? Oui ou non, convoque-t-il les journalistes à partager ses vacances, et à épier ses déplacements familiaux ou personnels ? Nul ne contraint les journalistes à obéir à ces supposées injonctions. Nul ne les contraint à publier des nouvelles banales qui concernent ces faits anodins. Alors de grâce, qu'ils ne mettent pas sur le dos d'un seul homme la responsabilité de leur nullité politique, de la vacuité de leur pensée, de l'ampleur de leur immoralité, et de l'alambiqûre de leur démarche.
Suggestion mitterando-socialiste : le Président SARKOZY devrait peut-être mettre sur écoutes téléphoniques ceux qui s'intéressent de trop près à sa vie privée. Ah mais !
PS : Je reviendrai plus tard sur l'affaire de NEUILLY qui effectivement est d'une autre gravité et suscite bien des interrogations.

vendredi 15 février 2008

Ca bouillonne dans ma tête

L'actualité n'est pas avare de petites phrases, de croches-pieds, de petits faits qui révèlent le climat dans lequel nous sommes plongés depuis quelques semaines. Devant ce flot de ragots boueux et puants, je suis comme saisi de vertige et de crainte ; alors je reviens aux auteurs que j'aime, qui bercent mes rêves éveillés et, je l'espère, inspirent quelque peu mon action. Je vais pour cette raison vous faire partager une page de mon cher LANZA del VASTO. Car ça bouillonne trop dans ma tête.
"Devant ces colonnades, j'ai demandé
Quel est ce Temple ?
On me répond : c'est la Bourse des Valeurs.
Que nous sommes loin du lien entre Travail et Richesse, Vertu et Fortune, Bénédiction Divine et Prospérité. Nous regardons de haut ces naïves justifications, quand nous regardons [les] sommets de la Connaissance-du-Bien-et-du-Mal.
Mais comme nous serrons de près la vraie nature de la Possession ! "Malheur aux riches" est-il écrit sans distinctions ni ménagements et sans explications.
[...]
L'Homo oeconomicus (orthographe et typographie sic) est une nouvelle race d'envahisseurs barbares. Doù vient-elle ? Ni de l'Est ni de l'Ouest, elle sort de sous terre, espèce de nains astucieux et tordus.
Dès qu'ils s'abattent sur un riche pays, c'est comme les sauterelles sur la moisson, c'est comme l'incendie de la guerre qui ne laisse que noir et cendres. Mais tandis que, la guerre passée, les blés aussitôt regagnent et les ruines se relèvent, là où l'Homme économique a étendu sa conquête, l'herbe ne repousse plus. Le grignotement du lucre est une désolation définitive. Et dans l'invisible comme dans le visible."
J'avais déjà parlé de l'Homo economicus dans nombre de mes billets, et je ne pensais pas trouver dans LANZA une confirmation aussi éclatante de ce que je vous avais dit. Ce que LANZA condamne sans appel, ce n'est pas la prospérité, - il le dit très clairement du reste, et la voit comme une bénédiction divine -, c'est l'esprit de lucre qui fait argent de tout, depuis les sacs de plastique qu'on nous vend maintenant dans les supermarchés (pour des motifs prétendument écologiques ! mais on en vend tout de même), jusqu'aux stock-options, en passant par les faux soldes, les six minutes quotidiennes d'habillement, la revente au noir de tickets pour tel ou tel événement sportif, la publicité "sponsorisante", la location des espaces d'un Blog pour de la publicité, la retransmission des matchs de foot-ball par les chaînes payantes, j'en passe et des meilleures. Vous pouvez, vous devez ajouter à la liste. Je vous en supplie, pour que nous puissions contempler ensemble l'ampleur de notre déchéance.
Jusques à quand allons-nous supporter cette foire d'empoigne, ce tout économique, ce tout argent ? Quand les hommes politiques affirmeront-ils, en accord avec toute saine anthropologie, qu'il faut à l'homme suffisamment de pain pour subsister, mais qu'il ne vit pas que de lui. On nous parle de pouvoir d'achat, de salaires, de retraites, d'allocations, de prestations, de subventions. Qui nous parle d'amour ? De fraternité ? Il n'y a pas foule dans ce registre de sentiments. Tout de même, j'ai eu l'immense satisfaction de voir gravée sur le fronton d'un beau bâtiment, rue Toudic à Paris, cette raison sociale : Association Fraternelle des Employés et Ouvriers des Chemin de Fer Français. Elle n'est pas toute jeune cette association ; elle reste le témoignage d'une époque où l'on regardait son voisin avec un peu plus de compassioon et un peu moins de convoitise. Elle date d'avant la guerre.

jeudi 14 février 2008

Républicains, les Français ?

Le chef de l'Etat a puissamment aidé les média dans leur entreprise de démolition systématique. Je vois au secours inespéré qu'il apporte à nombre de charognards journalistiques une raison majeure. Loin d'être macchiavélique, comme le fut le général de GAULLE ou le président François MITTERRAND (qui fut un modèle du genre - qu'on se rappelle comment il a descendu Michel ROCARD en propulsant Bernard TAPIE), monsieur SARKOZY est naïf. Il a cru qu'il était un homme comme tout le monde. J'avais été frappé et touché de l'entendre dire lors d'un de ses tout premiers interviews : "Je suis un homme comme tout le monde. J'ai une famille, etc." C'était oublier une constante du caractère français : depuis la Révolution, les Français aiment les monarques. Il est devenu le peuple le plus monarchique du monde. Ses modèles sont Louis XIV et Napoléon, ce ne sont pas Paul DESCHANEL ou Félix FAURE. Le français a besoin d'admirer, de se complaire dans une dévotion sacrée pour l'homme qui a sur lui des pouvoirs considérables, si bien analysés par le tout jeune Etienne de LA BOETIE dans son Discours de la servitude volontaire. (J'aurai l'occasion de revenir sur ce texte politique qui vaudrait aujourd'hui à son auteur d'être accusé de subversion.) Contrairement à ce que disent nos actuels analystes du passé, le roi de France supposé être le dépositaire d'un POUVOIR ABSOLU au (contre)sens où nous l'entendons aujourd'hui, devait cet absolu du pouvoir à son statut particulier : celui d'être investi d'un pouvoir venu de Dieu. Il n'y a plus de Dieu dans l'espace public aujourd'hui, mais il y a tout un panthéon de divinités qui ont nom argent, sexe, prestige, luxe, confort, etc. Et l'on veut bien que le chef de l'Etat les adorent, pas comme les vulgaires que nous sommes le font, mais avec discrétion, et ne les encensent que dans les obscures cella, les Saint des Saints, des temples de la République. Le pouvoir se nourrit de mystère, de secret, de distance, et, paradoxalement, de NON AGIR. (C'était la manière suprême que les empereurs chinois avaient de gouverner. C'était même une règle absolue, sans cesse rappelée par les censeurs et les ministres à leur maître). C'est pour avoir agi, et pour s'être comporté en homme ordinaire que le Président de la République est sanctionné par les sondages : je vous l'ai dit, le peuple français est, de tous les peuples européens, le plus monarchique. Il n'est pas le plus juste, et c'est sans doute l'un des plus versatiles.

lundi 11 février 2008

Morale et politique : un renfort de poids

Désespérant de pouvoir trouver un sujet intéressant pour le billet de ce jour, j'ai parcouru au hasard le troisième tome d'un ouvrage dont je vous donnerai tout à l'heure la référence. Il est au XVIIIe siècle -avec toutefois moins de génie - ce que les Intuitions préchrétiennes de notre grande Simone WEIL sont au XXe. (L'auteur commente les pensées de Pline. Par pensées, il faut entendre la totalité de l'oeuvre, dont l'auteur analyse la philosophie qui l'inspire). Voici ce que je lis dans la Préface de ce que l'auteur appelle Traité des sources de la Morale qui constitue la dernière partie de l'ouvrage (je respecte scrupuleusement l'orthographe) :
"La morale a du raport (sic) non seulement à la Politique, mais aussi à la Religion parce qu'elle est absolument nécessaire au but de l'une & de l'autre ; & par cette raison, il n'y a point de science dont l'étude soit plus importante. En effet, il n'est pas possible de nous bien conduire ni dans la Société civile que nous avons avec les autres hommes, ni dans la société que nous pouvons avoir avec Dieu par la Religion, si nous n'avons pas une connaissance suffisante de nos devoirs.
Sur ce principe, les Législateurs n'ont pas laissé les hommes dans toute leur liberté, mais ils les ont assujettis à un grand nombre de Loix (sic), selon qu'ils l'ont jugé à-propos (sic) pour le biens des Sociétés qu'ils formaient. Dieu lui-même, le premier, & le souverain Législateur, en a usé d'une manière semblable. [...]
A parler proprement, les instructions que la Parole de Dieu nous donne sur ce sujet, (virgule sic) sont suffisantes pour notre salut. Cependant, comme ces Loix ne sont pas fondées uniquement sur le Commandement (singulier sic) de Dieu, mais qu'elles ont leurs sources dans la Nature, il serait fort utile de découvrir ces sources, car on se soumet plus facilement à la Loi, quand on en connaît la raison. [...]
Il faut faire attention à la Nature de Dieu & à la Nature de l'homme, mais il ne faut y considérer que ce que les hommes sont capables de connaître. Si par cette voye (sic), on peut établir des principes [moraux] faciles, certains, & féconds, qui par un enchaînement aisé & nécessaire, nous fassent trouver les raisons & les fondements de tous nos devoirs dans la Nature de Dieu et la Nature de l'homme, ou ces principes seront la vérité même, ou ils s'en approcheront beaucoup & et pourront aider à la découvrir."
On admirera sans réserve la beauté de cette langue, la sagesse de l'auteur qui nuance à chaque instant son propos ("une connaissance suffisante", "Ces Loix ne sont pas fondées uniquement sur le Commandement de Dieu", des principes "qui s'approchent" de la vérité), et qui par un sain recours à la raison a bien intégré les progrès utiles que la philosophie avaient accumulés depuis PASCAL, DESCARTES et les Philosophes des Lumières. On aimera le pluriel dans "les sociétés qu'ils formaient", car la Société est une notion abstraite et dépourvue de toute réalité ; les sociétés sont les groupes humains, les corps intermédiaires.
Je trouve dans ce texte l'expression exacte de ce que je crois être vrai : une anthropologie juste, qui considère l'homme comme un sujet religieux, la Nature conçue comme une source d'enseignements utiles à la vie politique et religieuse, une morale qui se fonde sur la celle-ci et sur la Parole de Dieu, laquelle ne peut être en contradiction avec elle. La Nature humaine sur laquelle il ne faut pas faire d'erreur d'analyse. Bref, une position équilibrée, et très moderne finalement.
C'est bien parce que la Nature réagit aux influences humaines que le mouvement écologiste est né ; c'est en raison du rejet par l'Occident de la religion dans l'unique sphère privée que naissent des mouvements soi-disant religieux, comme l'Islamisme ou le nationalisme hindouiste, ou les élucubrations sectaires, millénaristes, et new age, qui négligent la sagesse des anciens, y compris celle des philosophes païens, qu'ils soient grecs, latins, indiens, iraniens, arabes ou chinois, ou en font un magma syncrétique inconsommable.
L'homme-individu créateur de sa propre vérité, la tentation de tel ou tel individu d'imposer par la force sa propre conception de la vérité, la politique affranchie des devoirs moraux, le viol permanent de la Nature dont on veut négliger les enseignements (je connais des philosophes, certains très bons qui me touchent de près, qui rient quand je parle des enseignements de la Nature), voilà où nous conduisent ces fourvoiements magistraux de la pensée. Décidément, je ne regrette pas d'avoir ouvert ce livre.
In
Mr FORMEY.
Le philosophe payen (sic) ou Pensées de Pline. Avec un Commentaire littéraire & Moral (majuscule sic).
Tome troisième. Traité des sources de la Morale. Préface. (page 309 ; cette Préface n'est cependant pas paginée).
A Leide, de L'Imp. d'Elie Luzac, Fils, 1759.

samedi 9 février 2008

Bassesse journalistique

Où la haine ne va-t-elle pas se cacher ? J'avais décidé de ne point m'étendre sur la vie privée des personnels politiques, mais l'imprudente, impudente et scandaleuse publication par le site du Nouvel Observateur, d'un SMS supposé avoir été envoyé par le Président de la République à son ex-épouse est ignoble. Pourquoi l'avoir fait ? Je me perds en conjectures, et ne vois qu'une explication. Pour faire bouger l'opinion publique, les media de l'opposition, les plus nombreux, doivent renvoyer de leur adversaire (pour ne pas dire ennemi) une certaine image. Peu importe qu'elle ait un rapport avec la réalité. Ce qui compte c'est l'effet produit dans le public. Il faut donc ciseler peu à peu les contours d'une personnalité qu'ils n'aiment pas, qu'ils ne connaissent pas, et qu'ils finissent par imaginer conforme à leur propre fantasme. Un esprit droit ne peut accepter cette façon de faire.
Les bonnes questions de l'opposition consisteraient, par exemple, à se demander si les mesures prises par le pouvoir produisent les effets escomptés. Je n'étais pas personnellement certain que les mesures fiscales en faveur des plus grandes fortunes soient, à l'heure actuelle, des plus pertinentes, ou plutôt, je me suis rendu compte qu'elles n'avaient aucun impact sur la croissance. Mais le bilan de l'action entreprise reste impressionnant : (a) autonomie des universités, saluée de manière presque unanime par tous les présidents d'université ; (b) service minimum dans les transports ; (c) réforme des régimes spéciaux ; (d) réforme fondamentale, en accord avec les syndicats, du contrat de travail ; (e) traité simplifié ; (f) libération des infirmières bulgares ; (g) partenariat stratégique avec la Roumanie (assez peu salué, malheureusement) ; (h) création d'une base militaire maritime à Bahrein ; (i) réforme de la carte judiciaire, etc.
Très honnêtement, est-ce nul ? Et gouverner, n'est-ce pas voir l'intérêt général, avant l'intérêt particulier ou la somme des intérêts particuliers comme a su le faire un défunt président dont je tairai le nom ?
Ceux qui critiquent l'autonomie des universités, au motif qu'elle va créer une compétition entre ces institutions, entraînant des inégalités supposées insupportables, sont bien entendu les adeptes les plus inconditionnels du darwinisme, donc de la lutte pour la vie, et de l'élimination des faibles par les forts. (note marginale : le darwinisme est une théorie qui n'est pas susceptible de vérification expérimentale et, à ce titre, n'a pas de statut scientifique, ce qui ne lui ôte pas sa valeur du reste). Ceux qui critiquent le service minimum (dont la version actuelle me paraît bien édulcorée) n'ont sans doute pas à se taper la galère des encombrements, des levers au petit matin, des compartiments bondés. Ceux qui critiquent la réforme des régimes spéciaux de retraite en sont les principaux bénéficiaires directs (agents des services publics) ou indirects (et dans ce cas, je veux parler des politiques qui par démagogie soignent leur clientèle électorale). Ceux qui critiquent le traité simplifié, en ayant d'abord poussé notre pays à dire NON au traité constitutionnel sont des apprentis sorciers, qui se moquent de l'influence que peut avoir la France dans le monde et en Europe, tout comme s'en moquent ceux qui jettent le doute et la suspicion sur la libération des infirmières bulgares, passent sous silence nos succès diplomatiques en Roumanie ou dans la péninsule arabique. Rien ne trouve grâce à leurs yeux. Ce qui leur importe c'est le SMS, la montre, les vacances, le mariage du Président. Tout cela est bien vil. Je ne suis pas un inconditionnel du Chef de l'Etat, tant s'en faut, mais l'élémentaire honnêteté consiste à reconnaître ce qui est bien, et à critiquer rationnellement ce qui est douteux en faisant des contre-propositions concrètes. On est loin du compte. Et il est des victoires électorales annoncées ou escomptées qui pourraient bien être des victoires à la Pyrrhus.

vendredi 8 février 2008

En mémoire des anges

Un foetus né sans vie (quelle litote pour dire "mort" !) peut désormais être déclaré à l'Etat civil, quel que soit son niveau de développement. Décision inattendue, certes, mais bien compréhensible. Il n'en a pas fallu plus pour que les associations de défense du "droit à l'avortement" s'inquiètent. Madame Chantal BIRMAN, par exemple, membre de l'Association nationale des centres d'interruption de grossesse craint qu'une telle décision "ne serve le mouvement de régression en Europe sur l'IVG depuis quelques mois". Le Mouvement français pour le Planning familial (drôle de famille qu'une famille amputée des enfants qui ne sont pas nés) déclare que cette décision "ouvre une brêche ; on va finir par déclarer un embryon dès sa conception". Fort heureusement, il est des Associations plus humaines, comme l'Association pour les droits à la vie. Elle dit de cette décision qu'il s'agit "avant tout de reconnaître aux parents endeuillés par la perte accidentelle d'un foetus, le droit de le nommer, de l'inscrire à l'état civil et de l'inhumer".
Pourquoi reconnaîtrait-on le droit à l'avortement et pas celui de donner un nom à l'enfant mort in utero ou à la suite d'un interruption médicale de grossesse ? On peut légitimement se le demander. Je connais une femme qui a avorté à trois reprises, en a conçu une culpabilité terrible et n'a pu guérir de ce traumatisme qu'en nommant ses enfants non nés. Ceux qui dans le droit fil d'une modernité parfois dévoyée reconnaissent avec les psychanalystes l'importance de la Parole et de l'Enonciation devraient avoir suffisamment de compassion pour ne point s'offusquer d'une mesure de bon sens qui ne heurte que leur coeur endurci, transitoirement je l'espère.
C'est bien le moins que la loi pouvait faire : donner le droit de célébrer la mémoire des anges.

jeudi 7 février 2008

Gogos ter

La Cour des Comptes vient de publier son rapport annuel. Edifiant. On y apprend que la privatisation des sociétés d'autoroute ne s'est pas accompagnée de clauses qui eûssent protégé l'usager contre les hausses abusives des tarifs. Le patrimoine immobilier de l'Etat, dont il semble impossible de faire un inventaire exact, a été géré "au fil de l'eau". Mais le pire est encore dans le constat que fait la cour sur la manière dont les "actifs douteux hérités du Crédit Lyonnais, du Gan et du Crédit Foncier de France dans les années 1990" ont été liquidés ; la liquidation aura coûté aux contribuables, tenez-vous bien, 20 milliards d'euros, plus que le trou de la Sécu. On peut donc gloser sur les dérives des banques privées dont la Société Générale. Alors nationalisées, les institutions sus-nommées n'étaient pas mieux gérées, et ce ne sont pas les actionnaires qui ont eu à en pâtir, mais les contribuables qui n'en pouvaient mais et n'avaient pas leur mot à dire dans les décisions stratégiques prises par leurs dirigeants. (Ce qui, d'un point de vue de la philosophie politique, soulève la question de la délégation du pouvoir par le peuple en démocratie.) Ainsi, ce n'est pas la forme, publique ou privée d'une banque ou d'une compagnie d'assurance, qui prémunit contre l'appât du gain ou la passion du jeu ; ce qui motive collectivement et individuellement les professionnels de la banque, c'est tout simplement le goût du pouvoir, de l'argent et du prestige. Mais cette motivation est inconsciente et inhérente au métier même. On ne peut faire de procès à ces femmes et ces hommes qui travaillent souvent d'arrache-pied et avec une compétence redoutable dans ces métiers. Il faut donc renvoyer dos à dos les tenants des deux formules (public versus privé), et imposer une nouvelle manière d'envisager les fins pour lesquelles les banques ont été créées : pour aider les entreprises et les particuliers dans leurs projets d'investissement moyennant une rétribution du service rendu. (Il y aurait bien des choses à dire sur ce service ; il me semble que ce sont les clients plus que les banquiers qui rendent service ; qu'ils prêtent ou qu'ils empruntent, ils permettent à ces banques de placer leurs liquidités, et font des emprunteurs des courtiers.)
Il ne faut tout de même pas nous prendre pour des gogos (ter) ! J'ai bien conscience d'être utopique, et de ramer à contre-courant du siècle qui se vautre dans l'argent, comme des laies dans la boue. Mais nous devons prendre conscience de ces dysfonctionnements pour y remédier résolument.

mercredi 6 février 2008

Sagesse des anciens

Du poète HORACE, cette ode qu'il dédia à son ami DELLIUS

"Souviens-toi, cher DELLIUS, de conserver une âme toujours égale, qui ne s'altère point dans l'adversité, et qui ne s'enivre point d'un fol orgueil dans la prospérité : car tu mourras, soit que tu aies consummé ta vie dans la tristesse, soit qu'aux jours de fête, couché à l'écart sur le gazon, tu aies noyé tes soucis dans un Falerne (NDT : un vin réputé) du fond du caveau. [...]
Il faudra quitter ce parc, formé de tant d'acquisitions réunies, ce palais, cette maison de campagne que le Tibre vient baigner de ses eaux dorées ; il faudra les quitter ; et ces richesses accumulées seront la proie d'un héritier. Que tu soies riche, issu de l'antique INACHUS, ou que, pauvre et du sang le plus vil, tu n'aies sur la terre d'autre abri que les cieux, il n'importe : regarde-toi comme une victime dévouée à l'impitoyable Achéron (NDT : une déité des enfers). Nous courons tous vers le même terme ; le sort des mortels s'agite dans l'urne fatal ; tôt ou tard, il doit en sortir, et nous embarquer pour un exil éternel."
[In
HORACE.
Odes. Livre II, IIIe ode. A Dellius.
Traduction par M. René BINET.
A Paris, chez DETREZ, Neveu et successeur de M. COLAS, Libraire, place Sorbonne (sic), n°4, 1816. (Je possède les deux volumes de cette très belle traduction.)]
Le traducteur, fort justement, met en titre de cette ode "Que l'idée de la mort doit nous attacher à jouir des biens de la vie sans nous y attacher".
HORACE a de la vie une vision assez mélancolique. Il y manque en effet l'espérance qui donne tant de force aux paroles de Jésus. Mais tout de même, il y a bien du vrai dans ce message désabusé. Il me semble qu'il a une grande portée politique et qu'il devrait conduire à la modération tous ceux que brûle le désir de posséder, d'accumuler, de gagner de l'argent, et à la fermeté d'âme jointe à l'exigence de la justice, tous ceux que la pauvreté accable, qui crient famine, cherchent un toit, veulent pouvoir loger leur famille, et gagner dignement leur vie par leur travail. Oui, il me semble que l'antique poète nous invite à rentrer en nous-même pour qu'enfin notre coeur connaisse la vanité de tous ces hochets, d'un côté, et la nécessité de partager nos richesses avec ceux qui n'ont rien de l'autre. Et s'il parvient à plus encore, que je ne dirai pas, alors son passage sur terre n'aura pas été inutile.

lundi 4 février 2008

Gogos bis

On continue de taper sur le bouc émissaire idéal que serait le jeune trader Jérôme KERVIEL. C'est paraît-il un génie de l'informatique, qui a pu bluffer quelques centaines de personnes attachées au contrôle des opérations de compensation et d'investissement sur les produits dérivés.
Mais tout de même il faut savoir qu'un autre trader de la Société Générale avait mis fin à ses jours en 2007 après avoir perdu plusieurs millions d'euros dans des opérations qu'il avait entreprises sans l'aval de sa hiérarchie. Dès juin 2007, par conséquent, l'attention des dirigeants et des contrôleurs devaient être attirées par ces errements. Si elle l'a été sans qu'aucune mesure n'ait été prise ultérieurement pour empêcher de telles dérives, on peut l'expliquer de deux façons : (a) les responsables de la banque espéraient se refaire une santé dans des opérations spéculatives qu'ils jugeaient juteuses financièrement ; (b) les responsables de la banque n'ont pas pris les dispositions utiles pour renforcer les contrôles.
Mais tout de même, dès novembre 2007, EUREX, une filiale des opérateurs boursiers allemand Deutsche Börse et suisse SWX aurait mis la Société Générale en garde sur ses positions particulièrement spéculatives prises sur ces marchés lesquels justement était le champ de travail de Jérôme KERVIEL.
Comme le dit un dirigeant chrétien d'entreprise : "Parce qu'elle privilégie à l'excès le profit, les rémunérations individuelles, l'économie financière provoque parfois une perte de repères". Personnellement j'aurais supprimé les mots "à l'excès" et "parfois". Il n'est tout simplement pas possible de traiter l'argent comme une marchandise. Quand un spéculateur gagne, il y a nécessairement un perdant quelque part, lequel peut être ruiné par les manoeuvres tordues d'un combinard. Et cela n'est pas admissible. Le seul argent honnête est celui que l'on gagne par son travail, ou en rétribution du service que constitue l'investissement de ses économies personnelles dans une entreprise. Le capitalisme ne se justifie que si les titres sont au nom du porteur et qu'ils demeurent incessibles définitivement ou en tout cas pendant une durée raisonnable et qui ne peut être inférieure à quelques années. Espérer gagner de l'argent en spéculant à court termes sur les actions est immoral. Point. Je sais que je risque de peiner quelques uns de mes lecteurs. Là n'est pas mon but. Il est de faire réfléchir sur les conséquences économiques de ses choix.