dimanche 30 novembre 2008

Vittorio est sous le choc

Pauvre Vittorio. Pensez-donc. Lui, un ex-directeur de publication, être interpellé comme un malfaiteur, chez lui (joli appartement, porte blindée semble-t-il), par des policiers, être conduit chez le juge, menotté par derrière, puis par devant, avoir subi deux fouilles corporelles. C'est, selon France Info (qui toutefois met un point d'interrogation derrière la formule) un dérapage judiciaire.
Plusieurs remarques. Monsieur de FILIPIS s'en défend, mais il semble qu'il n'ait pas répondu aux diverses convocations du juge. Ensuite, bien qu'inhabituelle, la procédure est tout à fait légale. Troisièmement, il est accusé de diffamation publique pour avoir laissé passer sur le site du Journal Libération des propos que leur cible, monsieur NIEL, juge diffamatoires. Sur ce point, on peut légitimement se demander si monsieur de FILIPIS avait la possibilité matérielle de contrôler la totalité des échanges qui se font par le biais du site. Mais la Loi rend le responsable d'une publication toutes les opinions et déclarations faites dans celle-ci.
Là n'est pas le point essentiel. Ce qui me paraît incroyable, c'est la levée de boucliers que soulève cet incident dans le petit monde journalistique de la presse écrite comme parlée. Pourquoi faudrait-il qu'un directeur de publication échappe de par sa fonction aux procédures qui peuvent frapper n'importe quel citoyen ? Lui n'a pas les moyens de mobiliser la presse pour sa défense. A la vérité, ce qui est scandaleux, ce n'est pas le cas particulier de monsieur de FILIPIS, c'est que de telles manières de faire puissent exister dans un pays démocratique où les Droits de l'Homme sont mis à toutes les sauces. Mis à part les cas de justiciables dûment répertoriés comme potentiellement violents ou dangereux, il ne devrait pas être possible d'amener menotté devant un juge un citoyen, quel que soit le chef d'accusation susceptible d'être retenu contre lui. Décidément, nous avons encore des progrès à faire pour réformer la mentalité inquisitoriale de la justice, son côté implacable et mécanique, et son incapacité à s'interroger sur ses dysfonctionnements.

samedi 29 novembre 2008

Marcel Gauchet toujours

L'hebdomadaire Le Point publie une interview de Marcel Gauchet dans sa livraison du 27 novembre. L'éminent penseur vient de publier un livre intitulé "Les Conditions de l'éducation", chez Stock. On l'interroge sur ce qu'il a identifié dans ce livre comme un drame philosophique : la disparition de la joie d'apprendre. Et on lui demande entre autre : Comment l'expliquez-vous ?
Voici sa réponse :
C'est un des événements anthropologiques majeurs des dernières décennies. En premier lieu, il s'explique par le fait que nous avons cessé de croire au caractère humanisant du savoir. Depuis le XVe siècle, l'humanisme moderne est fondé sur l'idée que la dignité de l'homme s'établit au travers de la connaissance. Pour devenir un humain complet, accéder à la sagesse et à l'usage réglé de sa raison, il faut se cultiver, pas seulement par l'acquisition de connaissances, mais aussi par celle de la civilité. Les humanistes accordent une très grande importances aux manières, aux moeurs. Or nous devons constater la mort clinique de cette tradition occidentale, tombée sous les coups de l'individualisation, dans la nouvelle acception de ce terme : on est homme d'abord et en naissant l'humanité vous est donnée, elle n'est pas à conquérir. On naît individu - le savoir vous enrichit mais ne change rien à votre humanité. En clair, l'individualisation a frappé d'obsolescence l'humanisme moderne dans sa philosophie la plus fondamentale.
Il me paraît intéressant de souligner ce que GAUCHET dit de la civilité.
On demeure stupéfait, ainsi, qu'un tribunal puisse déclarer que l'utilisation d'une poupée vaudoue à l'image du Président de la République est attentatoire à la dignité de sa personne, ne pas en interdire la vente et demander que la mention "attentatoire etc..." figure sur la boîte proposée aux chalands. C'est un exercice d'une rare hypocrisie.
Le fabriquant se frotte les mains ; il a commandé une nouvelle fournée de figurines. Il va faire des sous, et les sorciers en herbes vont se passer les nerfs sur un ennemi imaginaire. Tout cela découle simplement de l'idéologie ambiante, largement imprégnée, mais pas seulement, de l'idéologie socialiste, de l'idéologie rousseauiste, une idéologie largement fondée sur le ressentiment du "petit" contre le "gros", tel que l'a fustigé NIETZSCHE. La perte de la civilité traduit le sentiment que marquer du respect à autrui, c'est se comporter comme un esclave vis-à-vis de son maître et lui être soumis.
Et c'est ainsi, encore, que la puissance publique a baissé les bras contre les taggeurs (dont l'activité a été déclaré jadis "artistique" par monsieur LANG), que le stade de France est plein quand il y a un concert de rock, que les bibliothèques érudites sont désertes, et que l'on réclame (souvent à juste titre) des postes d'enseignants pour juguler le désordre de classes déclarées surpeuplées, quand il y a 50 ans, un professeur de lycée enseignait sans difficulté à des classes de 40 élèves au moins.

mercredi 26 novembre 2008

Une question de fond

Je vous disais dans le dernier billet que je parlerais du livre sensationnel de Marcel GAUCHET, Le désenchantement du monde. Je n'ai pas la prétention de le résumer en cinq lignes. La pensée en est tellement dense, riche, subtile, qu'il faut ruminer chaque page, s'en laisser imprégner.
Quand même, je voudrais indiquer que, selon Marcel GAUCHET, la naissance de l'Etat (qu'il ne cherche pas à expliquer comme le ferait un René GIRARD) a introduit l'autre et l'altérité dans le monde visible, au coeur de la société. La hiérarchie, puis la domination, puis l'expansion conquérante ou désir conquête ont transformé le rapport de dépossession initial entre l'univers des vivants et son fondement posé comme extérieur à lui, en un rapport de dépossession autre, qui passe par la différenciation sociale. Expulsant ainsi le sacré originel, fondamentalement conservateur et reproducteur de l'identique, la création de l'Etat a rendu possible la transformation du monde, la création des religions (ça c'est moi qui l'ajoute ; c'est la conclusion logique, voir ci-après) mais aussi l'instauration de rapports sociaux qui permet à certains - les chefs, les rois, les empereurs, les présidents - de se poser comme dépositaires de la norme sacrée, et s'arroger le monopole du principe d'ordre collectif (cette expression est de l'auteur). Il n'en allait pas ainsi dans les sociétés primitives d'avant l'Etat. Nul ne pouvait se prévaloir d'un quelconque pouvoir ; il était tout donné d'en haut, de l'extérieur. L'égalité des membres du grouoe était absolue en face du fondateur. Le développement du système étatique à abouti à "la mort de Dieu", en tant qu'extérieur au monde des vivants-visibles, et la prise en compte exclusive du fait humain-social constituant.
Il m'apparaît intéressant de rappeler ici que Simone WEIL, dans La pesanteur et la grâce a fustigé le gros animal social. Avait-elle la préscience ou l'intuition des ravages que le système allait faire chez les hommes ? Et n'est-ce pas cette raison qui l'a poussé à épouser pendant près d'un an la condition ouvrière, groupe humain privé de tout pouvoir normatif sur la société ? Et n'est-ce pas encore cette intuition obscure qui en a fait une très grande mystique ?
Je trouve aussi qu'il y a une très grande complémentarité de la thèse de Marcel GAUCHET avec celle de rené GIRARD. Leur complémentarité permet du reste, selon moi, de trouver une issue au dilemne de nos civilisations occidentales contemporaines. En schématisant, on peut dire que René GIRARD dit de Jésus-Christ qu'il est venu détruire toutes les religions. En ce sens, le christianisme a contribué à démythifier la société. Il est venu remplacer les religions par une parole qui ne vient pas détruire le fait social, bien au contraire, mais, séparant le domaine de César de celui de Dieu, réaffirme le droit de tout être humain à placer l'obéissance à Dieu au-dessus de l'obéissance aux hommes, souligne la nécessité de tenir son prochain pour un égal de soi-même, et vient déposséder par conséquent le politique de son pouvoir d'établir une norme sacré. Le disciple est dans le monde ; il n'est pas du monde.
Voilà le résultat de mes premières réflexions.
Je termine en vous citant les premières lignes du livre de Marcel GAUCHET :
Existe-t-il quelque chose comme une fonction religieuse, subdivision de la fonction symbolique, organisant à côté de la parole et de l'outil, notre rapport à la réalité, et constituant le détour par l'invisible en pivot de l'action humaine. Y-t-il un lien consubstantiel entre dimension religieuse et fait social, l'altérité sacrale fournissant au groupe le moyen de se fonder, ou bien exprimant et instituant à la fois la supériorité d'essence de l'être collectif vis-à-vis des composantes individuelles ?

mardi 25 novembre 2008

Que dire ?

Le chômage menace, la crise financière n'en finit pas de faire des victimes, la crise économique est à nos portes, des familles entières de par le vaste monde se demandent si elles pourront encore se nourrir ou se chauffer ou se loger. Mais au PS, tout cela n'est que broutille. On se chipote, on s'insulte, on brandit du papier bleu, on anathématise, on assigne, on suspend les "travaux" (!!!) de la commission dite de récolement (qui est loin d'être de recollement). Tout cela est dérisoire, ridicule, malsain, et terrible pour la démocratie. Ce n'est que résultat d'une très longue histoire commencée avec un homme d'une remarquable rouerie, et qui a su fédérer des tendances politiques fondamentalement inconciliables en vue de prendre le pouvoir. Le mitterrandisme, c'est fini. Tant mieux. Il faudra à notre pays des décennies pour se remettre de cette politique tordue, inspirée par un homme ô combien talentueux en politique, mais qui, selon moi, ne fut pas un homme d'état.
Que faire, que dire, vers qui se tourner pour trouver de l'espoir ? J'ai en tête le verset du prophète Jérémie : "Malheur à l'homme qui met sa confiance en un homme". Et pourtant, il nous faut bien admettre la nécessité d'un État, d'un responsable du tout. Il me semble que nous sommes victimes de notre conception de l'histoire ; une conception dialectique qui ne peut imaginer l'avènement de l'harmonie - toujours provisoire - sans exiger le résolution nécessairement violente préalable du conflit entre la thèse et l'antithèse. Alors qu'il serait si simple d'examiner les propositions de la majorité, de proposer des amendements qui corrigent ce que l'on croit être des erreurs ou des voies en impasse. On peut critiquer monsieur SARKOZY pour les mesures plutôt "socialistes" qu'il a prises en vue de combattre la crise. Son attitude est tout simplement pragmatique. On voit la différence entre l'idéologie (on applique aux faits un système d'analyse et une grille de décisions préétablis) et la politique qui est un art tout d'exécution, de pratique et de courage.
L'esprit public français est formaté par l'exaltation de la Révolution. Il en résulte que nos jeunes élites politiques ne peuvent imaginer de progrès sans rupture dans les idées. Mais comme le peuple de France, peuple de paysans, vieux peuple de surcroît, malicieux et frondeur, ne peut supporter l'immémoriale contrainte d'un État impuissant, les mesures imaginées et prônées par nos diplômés de Sciences. Po. ou de l'ENA, sont tout simplement contournées aussitôt que pondues par leurs cervelles pleines d'imaginaires, car les Français sont conservateurs, et ils n'attendent des politiques que des mesures propres à conforter leur situation présente.
Voilà. J'aurai l'occasion de vous citer bientôt quelques passages du livre de Marcel GAUCHET, "Le désenchantement du monde". Difficile d'accès en raison de sa langue à la fois elliptique et hermétique, et de son style plein de phrases incises et d'appositions incidentes, ce livre doit être lu deux fois. Une première pour débrouiller le fil de la pensée et cerner les passages essentiels du raisonnement, une deuxième pour comprendre finement l'argumentation. Mais il explique lumineusement les raisons de l'évolution de la pensée politique depuis l'apparition de l'état dans la société des hommes.
C'est tout pour aujourd'hui.

samedi 22 novembre 2008

Ségolène Aubry ou Martine Royal ?

Le Parti Socialiste donne à ses adhérents et à l'opinion publique une pitoyable image de la politique. La lutte entre les deux personnalités qui aspirent à prendre la tête du PS est terrible. Elle a certes des fondements dans les rivalités d'ego. Mais résumer à ce phénomène la lutte actuelle est un peu court. Les divergences sont idéologiques, et chacun croit avoir une idée et des solutions pour reprendre le pouvoir. A la vérité, il n'y a pas d'autres issues pour le PS que de tirer les conséquences du déchirement. D'un côté les socio-démocrates, de l'autre les socio-marxistes. Si les responsables de ces courants tenaient compte de ces divergences idéologiques - je vous en parle depuis des mois - ils dissoudraient leur parti et créeraient, les uns, un Parti Social-Démocrate, les autres, un Parti Socialiste Populaire. Mais il y a fort à parier, hélas, que, passé ces moments fratricides, les pots cassés seront recollés. Il y a aura des baisers Lamourette, on confondra ces dames au point d'interchanger les prénoms. Et même, je parie qu'au moment des élections présidentielles, on nous parlera de Marlène et de Ségoltine.

jeudi 20 novembre 2008

Qu'est-ce que la démocratie ?

Il est tout de même curieux de constater que la définition la plus précise des caractères de la démocratie ait été donnée par LI SHENZI, un oriental.
Je vous ai parlé il y a quelques jours de ce penseur chinois, et vous ai donné l'opinion qu'il avait du socialisme. Mais dans l'article auquel je faisais alors référence, il y avait quantité de remarques, toutes plus judicieuses les unes que les autres, et en particulier une énumération exhaustive des caractéristiques d'une vraie démocratie. Je vous les énumère ici brièvement pour compléter ce que je disais hier sur l'attitude scandaleuse d'une partie des élus de gauche qui refusent d'appliquer les lois régulièrement votées par la majorité, en invoquant des motifs futiles qui ne sont que des prétextes.
(a) Un pouvoir démocratique, dit LI SHENZI, tire sa valeur de sa capacité à garantir les droits des individus, les droits de l'homme. Ces droits incluent tous ceux qui sont inscrits dans la Déclaration des Droits de l'homme de l'ONU (liberté d'expression, d'édition, liberté d'association, etc.).
Il est donc tout à fait acceptable que l'opposition critique les mesures de la majorité.
(b) Le principe qui consiste à appliquer les décisions de la majorité n'implique nullement la soumission du parti minoritaire au parti majoritaire. Un parti minoritaire se doit d'exécuter les décisions du gouvernement tout en gardant la liberté d'opinion qui lui est garantie par la constitution.
Il est inacceptable que l'opposition refuse d'appliquer les mesures prises par la majorité. Dans l'affaire du service d'accueil minimum, il n'y a qu'a regarder qui refuse d'appliquer la mesure : exclusivement des municipalités tenues par la gauche. Dans une ville comme Marseille, avec un maire de droite, le SMA est assuré dans les arrondissements tenus par la droite ; ceux qui le sont par la gauche ont des maires qui prétendent ne pas pouvoir assurer cet accueil. Cherchez l'erreur.
(c) Un gouvernement démocratique est forcément respectueux des lois. Rien ne peut surpasser la Constitution. La mission de l'ensemble des fonctionnaires politiques, qui sont de fait les moins nombreux, consistent à faire appliquer les mesures prises par le gouvernement.
Que signifient dans ces conditions les pétitions, remarques, gloses, critiques et manifestations de ces 534 magistrats qui exigent des excuses publiques de leur ministre ? Celui-ci ne s'est pas occupé de jugement. Il a simplement contrôlé, à NANCY, le fonctionnement d'un service qu'il a mission de diriger. Je ne sache pas que les syndicats de magistrats aient présenté des excuses aux accusés d'OUTREAU, ni que monsieur LESIGNE ait démissionné de ses fonctions après avoir laissé se dérouler une procédure manifestement biaisée dans cette affaire, ou que le Greffier et le Président du tribunal qui ont signé un arrêt aboutissant, par erreur matérielle, à libérer un suspect, sans doute coupable de viols répétés, aient manifesté le moindre regret. Il revient aux syndicats de discuter avec leur ministre. Ils sont là pour ça. Mais ce n'est pas le rôle des fonctionnaires détenteurs du pouvoir judiciaire quand ils agissent "intuitu personnae".
(d) La séparation des trois pouvoirs, exécutif, législatif et judiciaire est une nécessité absolue.
Il faut bien reconnaître ici la propension du pouvoir exécutif à se mêler du fonctionnement du pouvoir judiciaire, ceci sous tous les gouvernements. Mais je crois que c'est le propre de tout pouvoir que de vouloir agrandir encore son champ de compétences. On rappellera ici les écoutes téléphoniques, les Irlandais de Vincennes, l'affaire Clearstream et tant d'autres, où l'exécutif s'est mêlé de judiciaire...

mercredi 19 novembre 2008

A un proche

Un proche m'envoie un poème plein d'humour dans lequel il s'étonne de mon apparente volte-face d'opinion sur madame Ségolène ROYAL, et de mes piques dirigées exclusivement contre "la gauche".
Je tiens à mettre ici les choses au point. Je persiste à croire que madame ROYAL n'a pas les compétences politiques requises pour jouer un rôle de premier plan dans notre pays. Mais je suis bien obligé de constater que ses remarques d'hier ou d'avant-hier font appel à des valeurs qui me sont chères et que j'ai toujours défendues depuis l'ouverture de ce Blog : l'honneur et la fraternité. Je trouve parfaitement pertinent les critiques qu'elle porte sur le décalage entre la volonté politique affichée de ses compétiteurs : instaurer une société plus fraternelle, et leurs pratiques qui sont tout sauf fraternelles. Il y a là une contradiction difficilement dissimulable. Quant au ralliement de monsieur DELANOE à madame AUBRY, il s'est négocié selon toute vraisemblance contre le retrait de madame PENINOU, partisan de madame AUBRY, devant monsieur FERAUD, ami du maire de PARIS et candidat aux élections de secrétaire de la section socialiste parisienne, aux fins de remplacement de monsieur BLOCHE. Monsieur DELANOE semble avoir vu plus loin que le bout de son nez dans cette affaire où, de toute façon, il avait perdu la partie nationale.
Quant à ma critique concernant la non application des lois, revendiquée par des élus de gauche, elle ne porte pas sur le fait qu'ils sont à gauche - c'est un constat - mais sur le fait qu'il est difficile de revendiquer la démocratie quand on se refuse à l'appliquer. Les lois, votées par une majorité élue démocratiquement, s'imposent à tous dans l'espace public. J'ai déjà eu l'occasion de dire, et je le redis ici, que les consciences des citoyens sont infiniment plus violées par les lois sur l'avortement qu'elles ne le sont par celles qui instaurent le service minimum d'accueil. Ces lois, il est vrai, respecte la conscience des praticiens, et aucun d'entre eux n'est obligé de pratiquer des avortements s'il réprouve ces actes.
Il en ira de même, je l'espère, si par malheur la loi légifère sur le droit à mourir. (Petite remarque annexe : J'ai longuement fréquenté le milieu médical, et je puis vous dire que les médecins veulent la vie et non la mort, le soulagement et non la souffrance ; ils sont tout simplement d'accord pour ne pas pratiquer un acharnement thérapeutique qui ne prolongerait que de quelques heures les jours de leurs patients sans alléger leurs douleurs, et peu d'entre eux approuve la pratique de l'avortement, hormis cas d'inceste ou de viol, il faut le ici dire par honnêteté.)
A dire vrai, nous ne savons plus penser. Nous réagissons comme des automates à la moindre contrariété ou dissentiment politique. Nous ne sommes pas capables de faire le crédit de la bonne foi à nos contradicteurs ou à nos adversaires politiques. Au lieu d'argumenter en raison, on ostracise ; madame AUBRY a été remarquable dans cet exercice hier soir sur France 3. Si elle est élue premier secrétaire (on ne m'en voudra pas d'utiliser un masculin, signe de l'intensif dans la langue française), on risque d'entendre souvent des condamnations de Nicolas SARKOZY et un minimum de propositions ; elle a affirmé qu'il y en avait aux difficultés que traverse la France, mais elle s'est bien gardé de nous dire lesquelles : la semaine de 10 heures et la retraite à 35 ans peut-être ? Tout cela est assez peu responsable.
La solution n'est pas uniquement dans l'augmentation du pouvoir d'achat, même si ce point est sensible pour nombre de français et doit être traité par les pouvoirs publics, ni dans le renforcement des "luttes sociales" ; la solution est dans un changement de paradigme social. Il ne passe ni par l'individualisme forcené, ni par la collectivisation. Le désir de posséder, dans tous les cas reste le même. Car l'homme est ainsi fait. Il passe par une vigoureuse promotion de la fraternité, par le développement d'entreprises de plus petites dimensions, conduites par des entrepreneurs responsables, par une analyse socio-économique rigoureuse des dangers de l'industrialisation outrancière, par un réaménagement complet des modes de transport, d'alimentation, de production et d'utilisation d'énergie, par un regard plus fin porté sur la publicité et les petites manies journalistiques (les connotations des discours des journalistes de droite comme de gauche ne trompent pas un lecteur attentif). Bref par un retournement complet de l'anthropologie telle que l'envisage le monde politique et économique. Il y faudra des années, des décennies, des siècles peut-être, mais ce nécessaire changement est inscrit dans la nature même des méfaits de notre civilisation.

mardi 18 novembre 2008

Toujours des remarques diverses

A propos de l'honneur et de la fraternité.

J'ai écouté avec beaucoup d'attention les réponses que madame Ségolène ROYAL a donné aux questions que lui posait hier soir la présentatrice du journal télévisé de France 3. Je les ai trouvées très justes, et je dois dire que mon opinion sur cette personnalité s'en est trouvée modifiée. Qu'a-t-elle dit en vérité? Deux choses qui me paraissent évidentes. La première est que l'honneur consiste à tenir la parole que l'on a donnée. Madame ROYAL visait sans aucun doute monsieur DELANOE qui a eu beaucoup de mal à justifier (en bredouillant) sa volte-face. Avant-hier, il ne donnait pas de consigne de vote à ceux des militants qui soutenaient sa motion ; hier, il leur demandait de voter massivement pour madame AUBRY. Que s'est-t-il passé en 24 heures qui justifie sur le fond ce ralliement ? La seconde, et celle-là est imparable, est qu'un parti qui prétend vouloir instaurer la fraternité dans la société n'a aucune crédibilité quand ses chefs ne cessent de s'adonner entre eux au jeu des petits mots assassins et des coups de Jarnac plus tordus les uns que les autres. Contrairement aux journaux qui parlent de "guerre des ego" ou de "guerre des trois" entre mesdames AUBRY, ROYAL et monsieur HAMON, je pense que cet affrontement féroce tire son origine de causes plus profondes, qui tiennent aux conceptions que chacun d'eux de fait du socialisme. Madame AUBRY, sans le dire, croit à la lutte des classes, et elle l'a laissé entendre. Il faut soutenir les conflits sociaux, voire les alimenter, travailler avec les syndicats (dont la fonction principale, selon moi, est de souffler sur les braises du mal-être de leurs membres en feignant de croire qu'il n'a d'autres origines que l'injustice sociale, alors qu'il s'agit d'abord de la crise du sens qui ronge notre société matérialiste). Monsieur HAMON veut s'ancrer à gauche. Que veut dire ce slogan ? Quel contenu lui donner ? Lutte des classes, nationalisation, poursuite de la politique dite laïque, redistribution à tout va ? Collectivisation totale des pratiques sociales ? Voilà bien un mode de fonctionnement qui disqualifie ceux qui le mettent en oeuvre : des mots, des mots, des mots. Tout compte fait, madame ROYAL est d'une autre trempe morale que ses compétiteurs. Elle leur est très certainement supérieure. Je confesse que je me suis trompé sur elle. Je la préfère finalement aux deux autres
Service minimum, respect des lois, démocratie.
Le nouveau maire de TOULOUSE veut se donner une belle posture de résistant à la "politique de droite", en refusant de mettre en oeuvre ce que la Loi exige de lui : le service minimum d'accueil des enfants les jours de grève des enseignants. Le Tribunal administratif vient de lui enjoindre de l'appliquer. Et c'est tant mieux. En Charente, une quinzaine de maire ont envoyé une pétition pour expliquer que cette mesure était inapplicable et qu'ils n'obéiraient pas à la Loi. A COLOMIERS, un professeur des écoles déclare qu'il ne suivra pas les directives de monsieur DARCOS. Etc. Je note que dans tous les cas ces initiatives viennent de personnalités de "gauche". Elles jouent avec le feu. Quand les citoyens se mettent à juger les lois en fonction de leur humeur du jour ou de leur idéologie, il n'y a plus de démocratie. Il ne faudra pas s'étonner si - au cas pour l'instant improbable - la "gauche" revenant au pouvoir, une partie des citoyens (les minoritaires) se mettent à ergoter, à contester, à refuser d'appliquer les mesures votées par la majorité. Ceux qui réprouvent en conscience l'avortement auraient de plus sérieuses raisons de déduire de leur impôt une somme, fut-elle minime, représentant le coût de cette mesure pour la collectivité nationale ; ceux qui défendent la possibilité de toute personne de conduire sa vie professionnelle comme elle l'entend, en travaillant autant qu'elle veut, pourraient contester les mesures restrictives en cette matière, etc. A dire vrai, quand la Loi ne viole pas les consciences par la contrainte, elle doit être appliquée. Sinon, il n'y a pas de vivre ensemble possible. Apprentis sorciers, quand le comprendrez-vous ? Vous êtes en train de tuer la démocratie. Et le peuple est prêt, hélas, à subir votre dictature molle.

lundi 17 novembre 2008

Une opinion de spécialiste

LI SHENZI est considéré, aussi bien par ses pairs que par les chercheurs occidentaux en sciences sociales, comme un des grands penseurs de l'après-communisme. Né en 1923, il rejoint MAO dans les années 1940, joue le rôle de conseiller diplomatique de ZHOU ENLAI, puis il est disgracié en 1957, persécuté pendant la Révolution Culturelle, avant d'être réhabilité par une promotion à la fonction de Vice-recteur de l'Académie des Sciences Sociales de Chine vers le milieu des années 1980. Mais il démissionne de cette fonction après les événements de la place TIEN ANMEN. C'est donc un spécialiste du communisme ; il a connu de l'intérieur le mode de fonctionnement du Parti. Voici ce qu'il écrit dans une revue dissidente, Le Printemps de Pékin, dans un article intitulé : Objectif démocratie.
Bien que l'expérience socialiste en tant que système social se soit soldée par un échec historique, le socialisme appliqué à la formation d'États démocratiques ou à la définition du programme du parti au pouvoir a encore de beaux jours devant lui. Il s'agit là précisément du socialisme autocratique tel qu'il est appliqué par les partis de gauche au pouvoir dans les pays occidentaux.
Dans plusieurs billets déjà anciens, j'avais souligné que le socialisme est totalitaire par essence, dans sa volonté de nier la personne. Je ne connaissais par encore LI SHENZI (mort en 2003) qui sait de quoi il parle. Le totalitarisme socialiste est imputable à la volonté - parfaitement idéologique - explicitement proclamée de ses militants - de réformer par la seule Loi le fonctionnement social, sans évoquer le moins du monde le rôle du libre arbitre dans le choix de tel ou tel comportement des citoyens. En d'autres termes, il ignore la dimension morale des conduites humaines.
Je tiens ces renseignements d'un ouvrage collectif dirigé par Marie HOLZMAN et CHEN YAN, intitulé Écrits édifiants et curieux sur la Chine du XXIe siècle. C'est un recueil d'articles de chercheurs chinois (sauf un), publiés en chinois ou en anglais, parus en Chine ou dans d'autres pays, et traduits de ces langues. (Éditions de l'Aube, La Tour d'Aigues (84240), 2008. Achetez-le de toute urgence. Il est remarquable.

dimanche 16 novembre 2008

Dramatique ou ridicule ?

L'issue du 75e congrès du parti socialiste ne faisait aucun doute. Tout simplement parce que grâce au génie politicien de François MITTERRAND, le PS avait réussi à agglomérer en un parti unique, des individualités de talents divers mais de références idéologiques absolument opposées. J'ai déjà eu l'occasion de dire que les militants et hommes politiques socialistes appartiennent à deux familles de pensée : la première, qui a pour père fondateur et maître Jean JAURES, est celle d'une sociale-démocratie humaniste. Je n'hésite pas à dire, pour avoir lu quelques unes des contributions majeures de JAURES, qu'il s'agit là d'un vrai penseur, qui a de l'homme une idée assez juste, et qui propose des solutions concrètes et équitables aux problèmes sociaux. Je rappelle encore que JAURES fut professeur de philosophie morale à l'Université de Toulouse. Il n'a jamais opposé une "classe sociale" à une autre "classe sociale".

La deuxième tendance est celle d'un socialisme marxiste et matérialiste, qui croit à la lutte des "classes" et à l'instauration des "rapports de force" pour faire triompher ses idées ; ce socialisme-là, toutefois, se refuse à la violence.

A la première tendance s'identifient Ségolène ROYAL, Michel ROCARD, Manuel VALLS, entre autres personnalités. A la seconde Benoît HAMON, Jean-Luc MELANCHON (qui vient de quitter le PS), sans doute Martine AUBRY.

Il serait inutile et vain d'imputer à de seules rivalités personnelles les antagonismes qui se sont fait jour au Congrès de Reims. Les causes en sont bien plus profondes, et il faudra bien que le PS en tire les conséquences. Les oppositions tirent leur virulence de leurs profondes divergences idéologiques. Les uns veulent bien d'une alliance avec le MoDem (première tendance), les autres préfèrent Olivier BESANCENOT (la seconde).

Je n'ai rien d'autre à rajouter pour l'instant, sinon qu'une clarification des idées aiderait grandement à rendre crédible l'opposition socialiste. La situation du socialisme français n'est pas ridicule, elle est dramatique.

mercredi 12 novembre 2008

Les élites n'ont toujours pas compris

Selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements de cour vous rendront blanc ou noir disait déjà notre bon La Fontaine. Rien n'a changé depuis l'époque où le fabuliste, fin observateur de la vie sociale, mettait en vers son indignation cachée.
Le Président d'un directoire, un haut responsable par conséquent, peut si mal surveiller son entreprise qu'il lui ait fait faire 751 millions d'euros de perte, démissionner (c'est le moins qu'il ait pu faire) de son poste, et retrouver quelques temps après un poste analogue dans une filiale de l'affaire qu'il avait si mal gérée. Ainsi, monsieur Charles MILHAUD, est-il devenu Président du directoire d'Oceor, une filiale de la Caisse d'épargne pour l'outre mer et l'international. Je trouve cela scandaleux et indigne. Scandaleux de la part des responsables de cette Banque. Ils se protègent les uns les autres, et prouvent par cette nomination qu'ils entendent continuer à profiter, quelles que soient les circonstances, de leur fauteuil doré. Indigne de la part de monsieur MILHAUD qui n'aurait jamais dû accepter d'occuper ce poste. On imagine l'autorité qu'il pourra avoir dans ces conditions.
Il se peut que monsieur MILHAUD n'ait aucune responsabilité factuelle directe ou indirecte dans l'histoire des traders véreux de sa banque. Mais enfin il était responsable, et en ces périodes de crise, où toute spéculation était hautement risquée, il aurait dû redoubler de vigilance, renforcer les systèmes de contrôle, demander des rapports quotidiens sur l'évolution de la situation de son entreprise. J'ai lu quelque part que si la position risquée avait été dénouée le premier jour qui a suivi la découverte du trou, celui n'eût été "que" de 180 millions d'euros. Le déficit s'est creusé de jour en jour, faute d'avoir été pris en compte à temps.
Aucune conscience droite ne peut accepter une telle irresponsabilité, et son incompréhensible récompense. Combien de mises à pied, d'avertissements, de révocations pour des transgressions autrement plus bénignes, dans des usines ou des centres commerciaux ? Quand donc les élites comprendront-elles que leurs privilèges et leurs revenus ne se justifient que par l'assomption inconditionnelle de leur responsabilité ? Il ne faut pas s'étonner de voir grandir l'irritation, la révolte des "petits", devant de telles différences de traitement.
Il est loin le temps ou dans les geôles de la Convention, tel marquis, ou tel comte pouvait dire au moment de l'appel des condamnés à mort : "Souffrez, marquise, que pour une fois, je passe avant vous", et prendre une place qu'on ne lui réclamait pas. Ainsi en a-t-il été lors de l'appel de la dernière charrette de la Terreur. Cela s'appelle l'esprit aristocratique, et, voyez-vous, je le préfère à l'esprit petit-bourgeois qui se répand comme une peste dans la société contemporaine. Bon appétit tout de même, monsieur MILHAUD !

lundi 10 novembre 2008

Des vérités qui dérangent

Lu, ce week-end, dans la lettre de saint Jacques ceci qui me fait réfléchir :

Eh bien, maintenant ! vous qui dites : "Aujourd'hui ou demain nous irons dans telle ville, nous y passerons l'année, nous ferrons du commerce et nous gagnerons de l'argent !". Vous qui ne savez pas ce que vous deviendrez demain : vous êtes une vapeur qui paraît un instant, puis disparaît. [...] Eh bien maintenant les riches ! Pleurez, hurlez sur les malheurs qui vont vous arriver. Votre richesse est pourrie, vos vêtements sont rongés par les vers. Votre or et votre argent sont rouillés, et leur rouille témoignera contre vous : elle dévorera vos chairs ; c'est un feu que vous avez thésaurisé dans les derniers jours ! Voyez : le salaire dont vous avez frustré les ouvriers qui ont fauché vos champs, crie, et les clameurs des moissonneurs sont parvenues aux oreilles du seigneur des Armées. Vous avez vécu sur la terre dans la mollesse et le luxe, vous vous êtes repus au jour du carnage. Vous avez condamné, vous avez tué le juste. Il ne vous résiste pas (Jc, 4, 13 - 5, 6).
Il se peut que ces paroles prophétiques déplaisent. Mais on ne peut pas annuler la Parole. Et on ne peut oublier que l'argent a été déclaré TROMPEUR par le Verbe de Dieu. Trompeur ! Vous avez bien entendu. Il est dit après qu'il faut se faire des amis avec cet argent trompeur. et ceci signifie qu'il convient de le partager, bien qu'il soit trompeur, avec des amis, plutôt que de le thésauriser.
En ces temps de crises financière, économique, morale, vraie crise de civilisation, il est indispensable de garder en mémoire ces terribles paroles, et de les mettre en pratique soi-même, sous peine d'être menteur si l'on se dit disciple de Jésus. Ceux qui ne le sont pas peuvent toujours les méditer, tenter d'en voir la justesse, et les appliquer de même.

jeudi 6 novembre 2008

Chronique du genre et de l'espèce, ou la louange de la philosophie spéculative

Si la pensée moderne avait la moindre connaissance de la philosophie spéculative, illustrée tout particulièrement par Thomas d'AQUIN au Moyen-Âge, les journalistes censés la représenter ne se seraient point lancés dans des dithyrambes sur l'élection de Barak OBAMA. La couleur de peau de monsieur OBAMA est à l'homme ce que l'espèce est au genre. Le Président élu appartient au genre humain, que je sache, et les Américains ne s'y sont pas trompés qui, en le portant triomphalement au pouvoir, ont reconnu en lui un homme remarquable, certainement hors du commun. Je ne prétends pas ici parler de ses idées politiques, mais simplement de son talent, de ses talents.
Nous végétons sur les décombres de la pensée des Lumières. Elle a mis le sujet au centre de tout, et de sujet, l'homme est devenu peu à peu un individu, un atome social. Le courant prétendument nommé néolibéral a surfé sur cette idée saugrenue. Conscient de cette imposture, le courant marxiste a privilégié la collectivité (et non point la communauté) en négligeant le sujet, et, bien entendu, l'individu. Nos socialistes français font le grand écart. Ils se réclament de VOLTAIRE (entre autre), et endossent l'héritage délétère de cette pensée qui hypertrophie le "Je", mais ils adoptent partiellement les solutions collectivistes de MARX. C'est le mariage de la carpe et du lapin. Et on le voit bien, quand on analyse d'un peu près les motions présentées aux suffrages des militants socialistes. Il n'y a rien de commun entre les propositions de monsieur DELANOE, qui se réclame plutôt de la social-démocratie humaniste de JAURES, et celles de monsieur Benoît HAMON, un homme qui invoque la bonne vieille idéologie des socialistes du XIXe siècle.
Et si l'on en revenait à la notion de genre et d'espèce, qui renvoie nécessairement au statut de sujet social qu'est l'homme, n'aurait-on pas fait un grand pas ? Celui que justement les Américains, plus mûrs et plus lucides que nous, n'ont pas hésité à faire. Le rôle du politique, je le recrie sur les toits, est de conduire les citoyens à la fin qui leur est due, et en tant que sujet capable de dire "Je", et en tant que membre de la communauté humaine (ce groupe qui - comme son nom l'indique, ce que ne fait pas le mot collectivité lequel renvoie à une collection - met dans un genre unique des sujets qui ont quelque chose en commun, et donc quelque chose à partager), capable de dire "Nous".
Non ! Il ne faut pas crier "Au secours VOLTAIRE, ils sont devenus fous !" Il faut mettre VOLTAIRE là où il doit être, au rayon des écrivains superbes, des esprits subtils et pleins d'humour, mais certainement pas à celui des penseurs politiques ou des philosophes.

mercredi 5 novembre 2008

Leçon de démocratie

Le peuple américain vient de donner au monde en général et aux Français en particulier une gigantesque leçon de démocratie, en élisant au pays de Martin Luther KING, un Président d'origine partiellement africaine. Je ne porte pas de jugement sur la politique qu'entend conduire le Président élu. Mais je me demande si nous aurions voté pour Léopold SENGHOR, agrégé de grammaire, membre de l'Académie Française, français ET sénégalais s'il s'était présenté aux élections présidentielles chez nous. J'en doute fort. Et je crois que nos préventions l'auraient emporté sur nos convictions politiques. Et ceci, au pays des Droits de l'Homme, le pays champion des donneurs de leçons.
Bien entendu, il est trop tôt pour mesurer les effets de ce qui est tout de même un vote historique. Mais il y a une chose certaine. Les Etats-Unis vont reprendre dans le monde une place qu'ils avaient perdue pour toute sorte de raisons : une politique étrangère aventureuse notamment, des compromissions avec le monde de la finance, un échec économique par l'application inconsidérée de l'idéologie dite néo-libérale (alors que c'est tout simplement un dévoiement du capitalisme industriel), et par-dessus tout un matraquage invraisemblable de la presse politiquement correcte.
Bonne chance aux Etats-Unis.

lundi 3 novembre 2008

Pour une vie nouvelle

Je faisais hier matin quelques petites courses dans un magasin de bricolage. L'hôtesse de caisse avec qui je discutais tout en réglant mes achats, me disait que depuis la crise, les clients sont devenus hargneux et exigeants.
Il est intéressant de s'interroger sur le pourquoi de cette attitude. Crainte de l'avenir ? Mais quel type de crainte ? Celle de perdre son emploi ? Celle de ne plus pouvoir consommer à volonté ? Celle de ne pouvoir réaliser ses projets ? Inquiétude aux fondements mal connus et qui traduit simplement le mal être des hommes dans une civilisation qui les ignorent délibérément ? Un peu tout cela à la fois, me semble-t-il.
L'argent ne fait pas le bonheur, dit un adage populaire. Cela est vrai pour ceux qui en ont assez pour vivre et ne trouvent pas le sens de la vie dans la consommation frénétique. Il y a, dans cette constatation, deux données absolument liées. Il ne suffit pas d'avoir de quoi vivre : se loger, se nourrir, fonder une famille, éduquer ses enfants, avoir une vie relationnelle et culturelle riche. (Il y a bien de nos contemporains qui ont plus que cela et qui pourtant ne cessent de courir après l'argent qu'ils amassent à ne pas savoir qu'en faire. Et c'est bien cette avidité-là qui nous a conduit au bord du gouffre.) Il faut encore trouver du sens à sa vie, c'est-à-dire apaiser par des actes cette tension intérieure qui habite tous les hommes et qui est sans doute liée à notre sentiment de finitude confronté à notre désir d'éternité.
Je plaide donc pour une refondation de notre société. Dans plusieurs directions d'ailleurs. Le magasine Marianne titre - et je crois, hélas, qu'il a raison - Les élites n'ont toujours pas compris. Les élites, ceux qui trouvent dans leur travail une reconnaissance sociale, du prestige, un accomplissement de leurs virtualités, doivent - c'est une nécessité sociale absolue - réfréner leur désir de toujours plus. Par conséquent, pas de réclamations d'avantages en nature démentiels (voiture de fonction de luxe, frais de représentation, repas d'affaire). Il leur faut rentrer dans la sobriété vécue. Pas d'exigences salariales inconsidérées. Un regard ouvert et juste sur la situation des salariés qu'ils ont sous leurs ordres. Une acceptation réfléchie de la solidarité par l'impôt (et cela ne les exonèrent pas de l'exigence de fraternité, qui est d'un autre ordre). Bref, il leur faut cesser de se regarder le nombril, de créer de toutes pièces une Association des Adorateurs Mutuels, et de défendre farouchement tous leurs privilèges : il en est certes de justifiés (BERNANOS justifiait brillamment cela) ; il ne doit pas y en avoir d'indus. Regarder du côté des primes des Hauts Fonctionnaires, par exemple... Et un peu moins d'ostentation dans le luxe, pour ceux des riches qui ne peuvent se passer du paraître, en attendant qu'ils changent leur regard sur eux-mêmes, ce qu'ils feront inévitablement quand ils arriveront aux portes de leur propre mort. Qu'ai-je fait de ma vie, diront-ils. Qui viendra essuyer leurs larmes quand ils en verront le vide ?
Ceux de nos concitoyens qui n'ont pas la chance de faire partie des élites et ont des revenus moindres peuvent trouver du sens, comme les riches d'ailleurs, dans le tissage de liens sociaux vécus. Là encore, un petit exemple, qui date de ce matin. A une bouche de métro, un distributeur de journal gratuit, propose aux passants un numéro de son quotidien. Il a un sourire éclatant. Et il n'essuie que des rebuffades de gens maussades, qui font un geste de dénégation. Et ces passants ne font pas partie de l'élite, de ces gens qui peuvent se déplacer en voiture et bénéficier d'un parking sur leur lieu de travail. Ils font partie de ces Français moyens qui travaillent dur pour gagner leur vie. Je plaide ici pour que ce refus d'accepter - il peut être motivé - soit assorti d'un petit mot, d'un petit sourire, d'un bonjour. Restaurer du lien social, voilà l'urgence du moment.
En effet, et je conclus, l'homme se construit (devient un sujet) dans la relation à l'autre. Les spécialistes des sciences humaines (anthropologie, sociologie, psychologie) l'ont amplement démontré. Sans relations (sans liens intersubjectifs), il n'y a pas d'homme ni d'humanité. Hélas, qu'il est triste de voir dans le métro, plus d'un voyageurs sur deux rivé à son portable ou à son MP3, clos dans un univers strictement virtuel absolument indifférent à la gêne que sa conversation ou sa musique fait subir à ses voisins. Les lecteurs de journaux ou de livres, sont moins fixés à leur objet, et ils balbutient de temps à autre un "excusez-moi je descends à la prochaine", ou quelque chose comme cela.
Pour une vie nouvelle, ouvrons les yeux sur l'autre, ayons pour lui un sourire ou une parole aimable. Cela, certes, ne peut résoudre les problèmes de revenus, mais il est plus facile de trouver des solutions à plusieurs que d'essayer de s'en tirer tout seul. Et pour ce faire, il faut rentrer en relation.