lundi 16 mars 2009

Légisme ou moralisme en politique ? A l'attention de messieurs les Députés qui me feraient l'honneur de lire ce billet

QIN SHIHUANGDI, le Premier Empereur, avait imposé dans ses états, le système du Légisme. Il avait fait édifier par ses conseillers tout un système de Lois très rigides, très sévères, applicables à tous, et dont la transgression entraînait de terribles châtiments, y compris des châtiments collectifs. Il n'y avait pas le moindre souci moral dans cette conception, mais celui de l'efficacité politique. La dynastie des QIN fut rapidement chassée du pouvoir par une révolte populaire. Vinrent les HAN.

Tout à l'opposé, CONFUCIUS, lui, prétendait faire coïncider une morale privée - dont il énonçait soigneusement les composantes - à une morale sociale, l'une et l'autre étant le reflet de la parfaite humanité, de ce qu'il appelait le ren. Sa vision était tout à la fois philosophique et politique mais il n'imaginait pas qu'un gouvernement puisse agit d'une manière coupée de la morale. Il ne semble pas avoir eu beaucoup de succès dans sa tentative d'unifier les deux aspects, personnel et social, de la vie humaine, dans l'esprit des Gouvernants, et il semble, si l'on en croit SIMA QIAN, son biographe, qu'il ne parvint jamais à occuper une position importante dans l'Etat de LU, dont il était originaire, ni dans ceux de QI ou de WEI, où il tenta pourtant sa chance.

Il m'apparaît que la vérité se tient entre les deux. La Loi ne peut pas se couper de la morale ; mais les transgressions de la loi doivent être sanctionnées par la loi. Il est alors possible d'échapper à cette schizophrénie qui coupe l'individu de la collectivité, et de réintégrer la personne dans la société des hommes. Il suffit de la considérer comme ce qu'elle est : un sujet social.

Là encore, LANZA del VASTO, relayé un peu plus tard par Jean-Claude GUILLEBAUD, dit des choses on ne peut plus justes et qui permettent de prendre la mesure exacte du problème :

La socialisation est une action méanique et rationnelle pour forcer dans certaines limites ce qui naturellement déborderait. Les contraintes extérieures croissent à mesure que la discipline intérieure diminue, et si tu ne te gouvernes pas toi-même, on va te gouverner pour limiter les dégâts. (Entretiens avec LANZA del VASTO avec René DOUMERC.)

Dans ce texte, LANZA suggère, sans le dire explicitement, que l'éducation morale (ce qu'il appelle la discipline intérieure) est nécessaire à la liberté qui ne peut être que limitée par la loi et les contraintes quand elle est inexistante.

Jean-Claude GUILLEBAUD dit ceci que je crois vérifié par l'expérience et qui est identique à ce que dit LANZA :
Que n'a-t-on pas écrit, combien n'a-t-on pas gesticulé au sujet du retour de cet ordre moral qui menacerait nos sociétés de se recroqueviller dans je ne sais quelle ringardise archaïque, etc. [...] Tenir ce discours sur l'ordre moral, avec forces gesticulations avantageuses, c'est-à-dire résister à l'envie de rétablir la règle minimale, la limite, c'est encourager indirectement la pénalisation de notre société, puisque - c'est une constante - moins il y aura de règles morales, éthiques, partagées délibérément, démocratiquement, plus il y aura de règles pénales. Ainsi, quand on emploie tant d'énergie à dénoncer l'ordre moral, cela signifie en fait qu'on prend son parti d'un renforcement de l'ordre pénal. Et pourtant, tout devrait nous inciter à préférer, à tout prendre, un ordre moral bien compris à un ordre pénal face auquel les libertés ont le plus craindre.
Messieurs les Députés, si d'aventure vous prenez connaissance de ce billet - et j'ai quelques raisons de croire qu'en ce moment vous le faites - réfléchissez à deux fois avant de railler cet ordre moral et tenez-en compte dans vos délibérations et vos votes.

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