samedi 14 mars 2009

Pouvoir et contre-pouvoirs

Tout détenteur d'un pouvoir tend à imposer sa volonté à ceux qui dépendent de lui, et à étendre indéfiniment son champ d'action. Président de la république, PDG, chef d'équipe, policier, gendarme, contremaître... Personne n'échappe à ce qui semble bien être constitutif de la nature humaine.
Le prototype du tout-puissant satisfait, c'est PILATE. Il dit à Jésus : Tu ne réponds rien ? Ne sais-tu pas que j'ai le pouvoir de te relâcher ou de te condamner? Et la réponse jaillit, fulgurante : Tu n'aurais sur moi aucun pouvoir s'il ne t'avait été donné d'en haut.
Cette tendance naturelle de l'homme à la toute puissance avait été très bien analysée par le jeune Etienne de LA BOETIE dans son Discours de la Servitude volontaire. Il s'étonnait de voir combien les hommes ont tendance à devenir esclaves de maîtres qui engagent pourtant leur vie et leurs biens, et il constatait qu'il suffisait de ne point obéir à ces tyrans pour que ce pouvoir sans limites cesse d'exister. LA BOETIE oubliait cependant que l'homme est un animal politique, et qu'à ce titre, il est nécessaire qu'il y ait dans toute société, une hiérarchie, le sommet ayant pour fonction de diriger la communauté pour son plus grand bien, et non pour le sien propre.
Dans toute société libre, il est donc nécessaire d'avoir des contre-pouvoirs. Sous l'ancien régime, ce rôle était rempli par les nombreux corps intermédiaires : les parlements, corporations, jurandes et confréries, par les édiles communales. Rien ne venait limiter l'autonomie de ces groupes humains très souvent naturels. J'ai déjà eu l'occasion de faire état de l'amertume de Louis XV qui ne parvenait pas à imposer sa volonté aux Parlements, et un auteur du XVIIe siècle, dont j'ai malheureusement oublié le nom, disait expressément (je cite de mémoire) : Aucune loi ne peut être tenue pour reçue dans le Royaume si elle n'est enregistrée d'abord par le Parlement.
L'illusion de la démocratie à la française vient de ce que la Révolution a détruit tous les corps intermédiaires (cf. Les Origines de la France contemporaine d'H. TAINE), qu'elle a inventé un concept dépourvu de tout ancrage concret, celui de la souveraineté du Peuple, laissant à celui-ci, dans la réalité, l'obligation de devoir se soumettre à des lois qui vont contre la volonté de la société. Il n'y a plus de corps intermédiaires, il n'y a plus de ces petites sociétés naturelles vivant de privilèges qu'aucun pouvoir, pas même royal, pas même ecclésiastique, n'avait possibilité de transgresser. Car ces privilèges n'étaient pas des avantages indus ; ils étaient l'expression d'une privata lex, d'une loi privée, étymologie du mot privilège, d'immémoriale existence (cf. BERNANOS. La France contre les robots).
Dans la démocratie à la française, on ne veut voir qu'une seule tête. Les conséquences de cette "caserne philosophique" (cf. TAINE) sont évidentes ; il n'y a pas de contre-pouvoirs et le seul moyen de manifester son existence devant le pouvoir reste la violence douce des grèves, des idéologies fumeuses, des systèmes, qu'ils aient nom libéralisme ou socialisme. L'idéalisme des Lumières est passé par là. Puis est venu HEGEL, puis est venu MARX, et cette idée furieuse qu'il faut nier l'existant, pour que du nouveau, du mieux survienne. Voilà qui justifie les Révolutions, la violence, les meurtres, l'horreur des guerres. Sur ces monceaux de cadavres, sur ces terres imbibées du sang des innocents, bondit le cheval blême de l'Esprit ou de la société sans classe, selon messieurs HEGEL ou MARX
Dans la réalité, et je crois que tout un chacun peut le vérifier sur lui-même, ce qui rend mieux compte de la réalité, c'est la notion de substance, de ce par quoi une chose existe par elle-même, et dure. Elle n'est pas obligée de se nier pour devenir meilleure, la substance ; il lui suffit de modifier les "accidents" qui viennent l'habiller, sans rupture ni conflit interne. Nous ne pouvons ainsi nier que nous nous sentons chaque matin et tout au long du jour identique à nous-même : c'est cela la substance ; mais nous savons que nous changeons progressivement non seulement physiquement, mais aussi psychiquement, avec l'âge : c'est cela l'accident. Et même le bouleversement qu'est une conversion (quelle qu'en soit la nature) n'est qu'un accident plus incisif, plus brutal, qui vient habiter une substance identique à elle-même dans le temps et l'espace.
Dans leur haine du passé, les manuels d'histoire, les programmes de philosophie, avec un total manque de probité intellectuelle, prétendent nous imposer une vérité officielle, en nous cachant l'histoire réelle de notre patrie, l'évolution des idées, et l'apport intellectuel inégalé des grands philosophes du moyen âge.
Le temps de d'honnêteté intellectuelle n'est pas encore venu dans notre enseignement. Viendra-t-il un jour ? Je ne sais. Essayons tout de même de réfléchir. Ensemble si possible.

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