mercredi 15 avril 2009

Ne rangez jamais votre bibliothèque

Ne rangez jamais votre bibliothèque. Vous aurez des surprises. Je l'ai fait ce matin, en partie. Et j'ai retrouvé un petit papillon coincé entre les pages de garde d'un livre que j'avais relié. C'est une manie chronophage certes, mais, quand je lis, je note sur des petits papiers tout ce qui me paraît digne d'intérêt, ou qui a retenu mon attention et sollicité ma réflexion. Ce papillon, donc, était resté là et n'avait jamais été recopié (je le fais toujours dans un cahier spécial).
Je donnerai le nom de l'auteur après.
L'homme n'a saisi qu'un aspect de la réalité. Sur l'arbre de la science, il a cueilli le fruit défendu ; mais ce fruit n'était pas mûr ; il nous donna la connaissance de toute chose à l'exception de nous-même. La science fit l'inventaire du monde matériel ; elle en organisa l'exploitation systématique. La technologie nous apporte la richesse, la santé, le confort, toutes facilités de l'existence ; elle nous permet de créer un nouveau paradis terrestre. [...] [Mais] au lieu d'établir nos institutions sur des concepts scientifiques, c'est-à-dire sur la réalité concrète, nous les modelâmes d'après les idéologies. Ainsi s'édifia un monde qui est incapable de satisfaire à nos vrais besoins et où nous resterons éternellement des étrangers.
L'histoire de notre émancipation morale et de notre abandon du sens du sacré se confond avec celle de la désobéissance aux lois essentielles de notre nature. Considérer, par exemple, le profit comme le but spécifique de l'existence a rétréci arbitrairement le champ des activités humaines. Il n'est pas possible de limiter nos efforts à la poursuite exclusive d'avantages matériels, sans rétrécir notre personnalité. L'Homo aeconomicus est une invention du marxisme et du libéralisme, et non pas de la nature. L'être humain n'est pas construit uniquement pour produire et consommer. Depuis le début de son évolution, il fait preuve d'amour de la beauté, du sens religieux, de curiosité intellectuelle, d'imagination créatrice, d'esprit de sacrifice, d'héroïsme. Réduire l'homme à son activité économique équivaut donc à l'amputer d'une partie de lui-même. Le libéralisme et le marxisme violent donc, l'un et l'autre, des tendances fondamentales de la nature.
Alexis CARREL.
Réflexions sur la conduite de la vie. Quinzième mille.
Librairie Plon, Paris, 1950.
Je trouve tout à fait troublant d'avoir dénicher ce billet après que j'avais rédigé celui que j'ai intitulé : Le réel, l'idéel et le virtuel. J'entends d'ici le choeur des effarouchés. Quoi ! CARREL, ce nazi, ce défenseur de l'eugénisme, ce réactionnaire. L'objection ne me trouble pas. Je regarde d'abord ce qu'il dit, et je réfléchis. Ma conclusion est qu'il a raison. Comme par ailleurs les détracteurs de ce très grand savant sont probablement les mêmes qui approuvent les travaux sur les cellules souches, la procréation médicalement assistée avec réduction embryonnaire consécutive à un diagnostic génétique préimplantatoire, l'avortement, quelles qu'en soient les circonstances, je me dis que ces effarouchements sont de peu d'importance.
Donnez-moi votre avis sur cette question.
Merci à ceux qui ont réagi à mon avant-dernier billet.

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