vendredi 24 avril 2009

Que la loi doit reposer sur la morale naturelle

Les animaux consentent à de très nombreux sacrifices pour satisfaire aux exigences de leur nature : se nourrir, se reproduire, protéger leur progéniture le temps qu'il lui est nécessaire pour devenir autonome. Des fauves passeront des heures, immobiles, sous un soleil de plomb, à guetter une proie, des guenons défendront bec et ongle leur petit, les animaux de la savane déploieront des ruses inouïes pour s'abreuver aux maigres mares qui la parsèment tout en échappant à leurs prédateurs.
Il n'en va pas de même pour l'homme. Toute l'histoire de l'humanité peut se résumer aux efforts accumulés par les générations multiples pour diminuer sa peine et ses efforts et augmenter ses plaisirs. Les outils, la vie en société, la spécialisation des fonctions dans les communautés humaines n'avaient d'autres fins que cette volonté d'amélioration, fondement de la culture. Cette tendance, avec le développement prodigieux des techniques, n'a fait que prendre de l'ampleur, au point qu'aujourd'hui toute difficulté à agir, tout frein à l'accomplissement des désirs, tout retard dans l'accaparement des fruits, sont perçus, par ceux qui les vivent, comme une injustice. Chaque individu réagit dans le seul but de diminuer sa peine et d'augmenter ses plaisirs.
De tous temps, pour empêcher que cette tendance humaine à accaparer le fruit et négliger l'effort, ne perturbe la vie sociale, il y a eu des lois dont la fonction est de réguler les comportements humains, et de tempérer le foisonnement des passions individuelles ou collectives. La loi est donc nécessairement contraignante. Mais - et ceci a très bien été étudié et démontré par Michel CROZIER dans un ouvrage très remarquable, L'acteur et le système, - la tendance des êtres humains et des sociétés auxquelles il appartient, est de réagir à la contrainte par un contournement de ses exigences. (Je voudrais ici illustrer ce point par les propos d'un responsable syndical de la police ; il critiquait les mesures prises par les pouvoirs publiques contre les casseurs-manifestants porteurs de cagoule qui, jusque-là, échappaient à la loi en dissimulant leur visage pour ne pas être identifiés ; il énonçait lui-même, à grands renforts de détails, les moyens de contourner cette loi [porter une capuche, un casque de moto intégral, etc.], la jugeait inutile pour le motif qu'elle pouvait être aisément anéantie dans ses effets par l'habileté des casseurs et de leurs avocats). Mais plus la loi est transgressée, et plus on a tendance à la durcir. Comment lutter contre cette atteinte qui, effectivement, pourrait en fin de compte, être jugée comme insupportable ?
Je ne vois personnellement qu'un moyen. On me trouvera naïf, utopique, rêveur. Tant pis. La loi, pour être applicable, ne doit pas blesser la morale naturelle. On peut la résumer par la Règle d'Or formulée négativement : "Ne fais pas à autrui ce que tu ne voudrais pas qu'il te fasse". Ne le tue pas, car tu ne voudrais pas qu'il te tue, ne le vole pas pour la même raison, ne convoite pas ses biens non plus que sa femme, etc. Il faut donc, très tôt et à l'école, enseigner ce qu'est la morale naturelle, et ne rien édicter par la loi qui aille contre : car l'esprit humain est très prompt à détecter les contradictions et les failles d'un discours.
C'est pourquoi, en vertu de la proscription absolue du meurtre, je demeure résolument opposé à l'avortement (hormis quelques très rares cas où il apparaît comme la solution du moindre mal : viol ou inceste, comme ce fut le cas récemment de la petite brésilienne). On voit bien ici que la loi ne vient pas protéger la vie, mais alléger ou supprimer la peine ou les douleurs d'une grossesse non désirée, tout en augmentant les possibilités de prendre du plaisir, celui du sexe. Elle n'a là aucune considération pour l'avenir de l'espèce, ou la protection du faible. Pour la même raison, je suis absolument opposé à la peine de mort, et je ne vois aucune exception possible à cet interdit fondamental. Supprimer le pire des criminels, c'est lui ôter la possibilité d'une rédemption, c'est le croire incapable d'être sujet d'un salut. On pourrait multiplier, pour chaque interdit de la morale naturelle, des exemples qui montrent combien, de nos jours, la loi, offense cette morale naturelle, la seule à laquelle une conscience droite peut obéir sans avoir l'impression d'y être contrainte.
Mais pour qu'il y ait conscience droit, il faut qu'il y ait conscience éclairée. Cela ne se peut, dans notre société laïque, que par un enseignement très rigoureux, très constant, de la morale naturelle, et une étude approfondie des conséquences personnelles et sociales de ses violations.
Je rêve...

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