mardi 9 juin 2009

La loi, la morale et le surmoi

Un économiste renommé, Marc de SCITIVAUX, va publier dans la collection "A dire vrai", chez Larousse, un essai intitulé Le père de famille, le trader et l'expert. Je n'ai pas encore lu cet ouvrage, et pour cause, puisqu'il sera en vente le 17 juin, mais L'Express en donne sommairement l'argument (je cite) : Seul le comportement individuel, et non des règles collectives, peut protéger contre les emballements.
Le constat s'applique aux responsables des opérations boursières et financières, pour autant que je puisse en juger. C'est, de mon point de vue, exact mais limité. Il est clair qu'il s'applique à tous les domaines de la vie sociale, de la vie dans l'espace public, lieu spécifique du politique, et qu'il s'applique à chacun d'entre nous. Le nouveau, ici, est l'appel qu'un économiste fait à la personne.
Pour vivre en société, à l'abri de la violence et des désordres, l'homme a besoin de règles, c'est une évidence. D'où viennent ces règles ? Qui a posé les lois ? Comment ont-elles fait leur apparition dans la sociétés des hommes ? Nous n'avons pas attendu la Convention et ses crimes, en France, pour placer la loi au centre de la vie politique. Selon moi, les lois ont été progressivement et empiriquement élaborées par un examen des expériences de la vie sociale, et par la nécessité de contenir les violences qui font périodiquement irruption dans les communautés humaines. Il me semble clair que la loi est née d'abord d'une réflexion morale laquelle entendait projeter dans l'espace public ce que la conscience éclairée des responsables politiques avait conclu de l'examen des expériences collectives. Initialement, il me semble que la loi avait l'accord unanime des membres de la communauté à laquelle elle s'appliquait, et qu'elle n'avait pas le caractère contraignant qu'elle a acquis, notamment depuis les Lumières et la Révolution,
Déjà, en 1561, le Chancelier Michel de l'Hospital s'adressait au Parlement de Paris en ces termes : Les magistrats ne doivent point se laisser intimider par le courroux passager des souverains, ni par la crainte des disgrâces ; mais avoir toujours présent le serment d'obéir aux ordonnances, qui sont les vrais commandements des Rois.
Par "ordonnances", le Chancelier entendait "Les règles immémoriales fondant la vie sociale des Français".
De même, Louis XIV reconnaît au Parlement un droit de libre vérification, et ordonne à ses magistrats de lui désobéir, sous peine de désobéissance, s'il leur adressait des commandements contraires à la loi.
Il me semble évident que le fondement de la Loi fut d'abord la Morale, c'est à dire cet art de vivre qui permet de donner une réponse à la seule question qui vaille pour l'homme : Que dois-je faire ?
Les Lumières, puis la Révolution, ont entendu substituer à la conscience individuelle, la seule dont nous ayons vraiment l'expérience, l'abstraction d'une loi censée représentée la volonté du peuple, laquelle est non moins censée être représentée par l'opinion de la majorité des citoyens. De là, selon les aléas des majorités, les fluctuations des Lois qui reposent sur l'opportunisme du moment et des alliances politiques, et non sur une solide conception du bien et du moins bien.
Papa FREUD est venu encore brouiller davantage l'image que nous pouvions avoir de la vie morale, en attribuant au surmoi et au refoulement, toutes les comportements librement acceptés qu'elle impose au sujet.
Et voilà comment on est passé d'une adhésion à des règles vécues comme nécessaires au bien vivre ensemble, à un ensemble de contraintes légales qui nous ligotent de toute part et nous évite la réflexion de choisir dans nos comportements ceux qui sont adaptés au vivre ensemble et ceux qui ne le sont pas. J'attribue le succès des Écologistes aux Élections européennes à l'appel que les responsables de ce mouvement ont fait à la conscience individuelle des citoyens, et à l'affirmation qu'il est possible de changer le cours des choses par un changement des modes de vie de chacun d'entre nous.
Ainsi, les emballements de tous genres peuvent être évités non seulement dans le domaine de la finance, mais dans tous les domaines de la vie publique.

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