mardi 8 septembre 2009

Le ridicule risque de tuer plus que la grippe


Je me demande vraiment si le ridicule ne risque pas de tuer plus que la grippe. Le Journal Libération publie une pétition de chercheurs, médecins, hommes politiques, responsables syndicaux, qui s'élèvent avec vigueur contre la "gestion liberticide" de la probable ou éventuelle pandémie. Il y a de quoi en effet s'inquiéter pour les libertés publiques. Mesurez avec moi l'ampleur des atteintes. Elles sont considérables. Le Maire du GUILVINEC (bourg de notoriété internationale, on en conviendra) vient de prendre un arrêté municipal interdisant que l'on s'embrasse dans les écoles et dans la rue ; les responsables d'une banque veulent rendre obligatoire la vaccination (que leur établissement prendrait à sa charge, du reste). Le Syndicat de la Magistrature dénonce un plan secret de la chancellerie pour assurer la continuité de la justice en cas de pandémie. Le Journal Libération en publie les grandes lignes (on se demande comment il s'est procuré le document) : huis clos, juge unique, absence de débat contradictoire, prolongation des détentions provisoires sans audience ni débat, mineurs jugés en correctionnelle, délais de prescription suspendus etc. Des mesures prises par voie d’ordonnance et qui relèvent, selon les signataires de la pétition, d’une "justice d’exception". Il est clair qu'il vaudrait beaucoup mieux que tout fût bloqué, que les juges, les gardiens de prison, les prévenus, les avocats fussent contaminés, égrotants, cloués au lit par la fièvre, de façon que, tous étant égaux devant la loi , mais surtout devant la maladie, il y ait une paralysie totale de la justice.


Parmi les signataires de ce poulet ridicule, on note avec regret la présence madame Françoise BARRE-SINOUSSI, Prix Nobel ; il y a bien entendu les habituels pétitionnaires "de gauche" (ah ! Fourmi, ça me démange...) Martine AUBRY, Noël MAMERE, Cécile DUFLOT, Marie-Georges BUFFET, François CHEREQUE (habituellement mieux inspiré), Olivier BERNARD (Médecins du Monde), Rony BRAUMAN (Samu social, dit la dépêche ; moi, je croyais que le fondateur de ce mouvement était monsieur Xavier EMMANUELLI).


Et comme le style de ces hautes personnalités est beau comme l'antique, la pétition se termine par un appel à "préserver la démocratie dans la gestion de cette crise" et "à mettre au premier plan de la riposte collective, la solidarité". Solidarité dans la contagion sans doute.


Ah, je vais vous dire ce que BERNANOS pensait des intellectuels dans La France contre le robots : Les imbéciles sont capables de discuter indéfiniment sur n'importe quelle question, mais ils se garderont bien de la poser d'une telle manière qu'ils soient forcés d'y répondre.
Et il ajoute, un peu plus loin : L'expérience m'a montré que l'imbécile n'est jamais simple, et très rarement ignorant. L'intellectuel devrait donc nous être, par définition, suspect ? Certainement. Je dis l'intellectuel, l'homme qui se donne lui-même ce titre, en raison des connaissances et des diplômes qu'il possède. [...] Oui, dussè-je, une fois de plus, perdre en un instant tout le bénéfice de mon habituelle modération [sic], j'irai jusqu'au bout de ma pensée. L'intellectuel est si souvent un imbécile que nous devrions toujours le tenir pour tel, jusqu'à ce qu'il nous ait prouvé le contraire.
Et je ne puis m'empêcher d'ajouter à cela ce que dit Marcel DE CORTE, dans son remarquable ouvrage L'intelligence en péril de mort que j'évoquais dans mon précédent billet : L'idéalisme attire tous les esprits qui renâclent devant l'effort à déployer pour épouser le réel et qui prétendent, malgré leur démission ou à cause de leur démission même, offrir une solution à tous les problèmes humains, fût-ce au prix de la suppression de tous les problèmes et de leur caractère humain. Il va comme un gant à tous ceux qui sacrifient les leçons de l'expérience et de la tradition à leurs propres leçons.
Alors tous ces gens qui pétitionnent, s'agitent, glosent, discutent, supputent, ont-ils perdu la mémoire, eux qui, au moment de la canicule critiquaient le ministre de la santé, monsieur MATTEI, parce qu'il avait traité la question de son lieu de vacances ? Ainsi, d'un côté, ils se plaignent que l'Etat ne soit point intervenu comme il convenait, et de l'autre ils combattent les mesures que les autorités prennent au nom d'un principe, le principe de précaution, dont ils sont les inventeurs. Masques et Tartuffes, un peu plus de pudeur s'il vous plaît.

1 commentaire:

Geneviève CRIDLIG a dit…

A Philippe Poindron:

*Je reconnais que ce pauvre ‘pot de yaourt périmé’ ne fleurait pas très bon. Ce n’était pas une trouvaille relevée, en tout cas pas à la hauteur.

** N’empêche qu’une certaine incompréhension règne de nouveau : je n’ai jamais pas dit que vos exemples n’étaient pas pertinents : ils l’étaient tous, sauf celui de Picasso. C’est ce que j’ai relevé et j’avoue que j’ai été étonnée par votre refus de le faire entrer dans votre illustration. Il me semble que vous vous arrêtez dans votre cheminement logique à son évocation et que vous ne comprenez pas du tout ce que j’ai dit à ce sujet. Pour moi, sa peinture exprime au plus haut point la résistance d’un réel vrai. Vous tenez plus à votre idée, une certaine conception préalable de Picasso que vous n’acceptez pas, que vous n’aimez pas. Alors vous le pliez à votre idée. Du moins c’est ainsi que je vois le fil de votre raisonnement.

*** Surtout sentez-vous bien libre dans votre expression au sujet de votre choix d'une transcription du mot Gauche. Le principal, c'est qu'elle vous rejoigne. Je n'ai fait qu'exprimer mon sentiment. Loin de moi la volonté de donner un ordre auquel il faudrait se plier. Idem pour Olibrius. Chacun est libre de s’exprimer comme il le pense. Les interlocuteurs le sont aussi dans leurs réactions.

**** NB.1 Pour vous suivre il me faudrait alors, lorsque le sujet porte sur certains catholiques qui me paraissent branchés, écrire tous les mots comprenant des "r" en les roulant – par exemple : « la prièrrrrrrre – ou le Pèrrrrre etc > une diction qui me monte au nez lorsque je l’entends aussi bien dans des rencontres qu’à la télé. Ca semble exprimer une piété plus vraie, plus profonde. Et la contagion s’étend. Dans ces cas-là, si je le peux, je m’en vais ou j’éteins le poste. Parce que je crois m’étaler dans du plaqué ou du moins de l’exagéré. Prêtez l’oreille au cas où vous ne l’auriez pas remarqué.

***** NB 2. Je profite de cette occasion pour donner « mon sentiment » sur une autre expression qui m’agace plus que prodigieusement. Et depuis des années. C’est un invariant. Mais qu’on ne peut transcrire dans l’écriture.

Quand l’intonation, la mélodie, le phrasé qui s’élèvent pratiquement chaque fois qu’un prêtre (ou un religieux ou une religieuse mais j’ai constaté que pour les femmes ce pb était moins étendu) prend la parole, c’est la catastrophe du point de vue adhésion souvent inconsciente à un style vocal identique qui traverse tout l’hexagone, presque toutes les cérémonies, presque toutes les émissions, presque toutes les homélies. « Ils » parlent presque tous de la même manière – un ton copié collé dès qu’ils parlent à un micro.
Car dès cet instant, ils me donnent l’impression de ne plus parler à quelqu’un ou à un auditoire mais d’utiliser un mode oratoire identique, une sorte de modèle groupal qui suscite un sentiment lancinant de « faux » même si leur intention est bonne et juste.

 Au point que je ferme aussitôt les écoutilles : c’est comme ça que je me suis « absentée » de quantités d’homélies et de discours pieux. Ca ne me démange plus, ça ne me donne plus de boutons parce qu’ils n’existent pas. Dommage pour ces ratés de communication.
 Par contre, quand j’en entends un qui parle ‘naturellement’, comme tout le monde, quel bonheur ! Enfin !