lundi 7 septembre 2009

Pourquoi ?

Je reviens sur mon séjour à AIX-EN-PROVENCE. Il m'inspire deux pourquoi ? Le premier est relatif à l'accueil mitigé que la critique parisienne (Le Monde, Le Nouvel Observateur, Libération) a fait à l'exposition Picasso-Cézanne. Je n'ai pas lu ces critiques. Leur teneur générale m'a été rapportée par une habitante d'AIX qui habite juste devant le Musée GRANET où se tient l'exposition. Il semblerait que ces messieurs, qui rédigent sans doute leur papier dans les cafés chics du Boulevard Saint-Germain, aient jugé que l'exposition tenait à un prétexte, que le rapprochement entre les deux peintres était artificiels, etc. Comme ci le rapprochement parisien de PICASSO et des Maîtres anciens ne l'était pas ? En vérité, celui-ci se justifie pleinement. PICCASSO était un grand collectionneur de tableaux de CEZANNE. Il avait acheté le château de VAUVENARGUES et des hectares de terre au pied de la montagne Sainte-Victoire et il proclamait bien fort : "J'ai acheté la Sainte-Victoire de Cézanne" (je cite de mémoire). Et si l'exposition pouvait se passer de quelques dessins ou esquisses, superfétatoires, elle nous donne à voir des chefs-d'oeuvre. De CEZANNE, un arlequin tout de rouge et de pourpre vêtu évoque - au point qu'on peut s'y tromper - un arlequin de PICASSO (qui a eu les honneurs d'un timbre), et un arlequin de PICASSO, dans des couleurs pastel, qui lui fait pendant, est une véritable splendeur. Le portrait de la mère de PICASSO par son fils est saisissant, comme l'autoportrait du peintre au crayon qui est digne des plus grands dessinateurs italiens de la Renaissance. Il y a aussi des portraits de Jacqueline. Un tableau de la Sainte-Victoire, peint par CEZANNE annonce le cubisme. Et, même si je n'aime pas les portraits picassiens torturés de femme, qui nous sont présentés sur les cimaises, je reconnais qu'il y a dans cette décomposition des formes quelque chose de saisissant. Bref une très belle exposition.
Mon deuxième "pourquoi" ? Il porte toujours sur PICASSO. Le Conseil général des Bouches-du-Rhône a eu la bonne idée d'organiser une petite exposition parallèle intitulée "Le geste de PICASSO". On peut y remarquer des céramiques de l'époque de VALLAURIS, mais surtout, il nous est loisible, pendant plus d'une heure d'admirer le film que CLOUZOT fit sur PICASSO en train de créer. Le peintre est derrière sa toile. On ne nous montre les traits et les couleurs animant la toile que par transparence. Le montage est tel que, souvent, on voit les états successifs du travail, états très rapprochés, mais présentés de manière discontinue. Et l'on se dit : "Comment un tel génie, un dessinateur aussi exceptionnel que cet homme, a-t-il pu prostituer son talent aussi bêtement ?". En effet, chaque toile qui naît sous nos yeux, commence toujours par un dessin absolument parfait, jailli en quelques traits. Ainsi, le picador en train de braquer sa lance sur un taureau furieux - est-ce DON QUICHOTTE ? Au loin, on croit distinguer sur la montagne des traces de moulins à vent - est dessiné en 5 à 6 secondes à peine. Et le résultat est prodigieux de proportion, de force, de précision, d'autant que le tout est noir et que, au terme de ce qui paraissait être un simple gribouillis, on voit émerger les silhouettes du brave et de l'animal furieux. Ici encore, la cafetière peinte en trois ou quatre coups, en traits épais de couleur bleu : à coup sûr, il faut la main d'un génie. Et puis tout se gâte. On surcharge, on déforme, on met des couleurs hurlantes, on accumule les repentirs, et au bout du compte, il y a ces productions qui font s'esbaudir l'homme au fait des tendances, mais laissent le petit enfant et ses yeux naïfs, plein de stupeur et qui dit à son papa en train de faire semblant d'admirer de somptueux mais invisibles habits : "Pourquoi le Roi il est tout nu, papa ?".
Voilà donc mes deux pourquoi. Que les admirateurs de PICASSO ne m'en veuillent pas. J'ai dit ce que je pensais.

1 commentaire:

Geneviève CRIDLIG a dit…

Pourquoi ?
Quelques réactions en vrac :
Culture de vie, culture de mort.

Le trajet du pinceau de Picasso n’est-il pas celui de notre société fin XX è - début XXI è ?
J’ignorais son cheminement. Quelle transparence !
L’élan, l’harmonie, l’enthousiasme et la conviction d’entrer dans une ère de progrès suivie peu à peu de doutes, de déformations dans les champs divers de l’économie, de la culture etc. Et puis tout se gâte… plus rien ne va : les traits deviennent tordus, inconnus. Les couleurs hurlent, la musique hurle, les enfants hurlent. A mon sens, c’est le génie de Picasso d’avoir transcrit cette douleur de la désarticulation dans son art au départ si lisse, si beau selon les canons anciens.
Cela ne préjuge pas de mon goût personnel : je ne me déplacerai pas pour voir une de ses œuvres.

Dans un discours interprétatif, je dirais que porter un jugement négatif sur cette peinture en le résumant ainsi : ‘tout se gâte’ correspond à votre appréhension personnelle mais comme je regrette que vous ne voyiez pas combien elle est juste dans sa transcription du réel : d’un réel tout ce qu’il y a de plus exact, vrai et historiquement prouvé.

*Au fait qu’est ce que le réel ?
Le réel est ce qui nous résiste dites-vous. Qu’est-ce que cela veut dire ? Voudriez-vous me donner des exemples ? *

 Pour moi, le problème se situe dans le changement de notre approche des objets que nous avons fabriqués. Le grand écart. Que les jeunes d’aujourd’hui ne vivent pas : ils sont déjà de l’autre côté.
Tout ce qui est sorti de la main de l’homme était destiné à son bien : machines, voitures, inventions etc. Nous avions confiance dans nos objets et ils concouraient à notre bonheur et, sûr, cela ne ferait que croître. Vivre dans une atmosphère de croissance générale : ce que j’ai vu et vécu dans ma jeunesse, c’était une expérience de foi en tout, en soi, en l’autre, en l’avenir - que les jeunes ne peuvent imaginer. Ils sont nés durant le déclin, dans des bateaux qui flottent un peu de ci de là et parfois sombrent. Les idéologies ont quitté les partis, tous – et pas que la gauche.

(NB. Ce qui est bien dans ces déménagements, c’est qu’on a aussi déménagé le Dieu moral. On l’a quasiment expédié dans les oubliettes et tant mieux. Place nette. )

A présent ces objets ont changé de nature et même d’identité : ils sont devenus dangereux, nocifs, nuisibles envers ceux qui les ont mis au jour : des ennemis à abattre sinon à étouffer. C’est eux ou nous. Sinon on va crever.

Alors on se met à en inventer d’autres (exemple les éoliennes ou les voitures électriques)) qui soient moins porteurs de morts mais le doute préside à leur naissance et non plus la flamme de la découverte : sont-ils vraiment meilleurs? Alors on s’envoie des argumentations en faveur ou en défaveur mais le fond est devenu un terreau d’angoisse.
Moi, je reste dubitative devant tous ces discours : j’ai été si souvent trompée et par des gens ‘bien’ et par des discours ‘ bien’. Il me faudrait peut-être l’assistance d’« une cellule psychologique » pour discerner, non le réel de l’imaginaire, mais le vrai du faux.…

- Et puis la vie du loft s’est propagée. Une vie? Vraiment?

- Et puis le virtuel est devenu le réel de nombre de personnes.

>>> Ma question devant tout ça: où donc est passé le réel ?