vendredi 25 septembre 2009

Véronèse a tout faux

Je suis allé voir la superbe exposition du Louvre intitulée "Titien, Tintoret, Véronèse... Rivalités à Venise". Bien évidemment, ce sont là trois génies de la peinture. Mais il y a à dire et à redire. sans aucun doute.
Titien est le maître du portrait. Ses patriciennes et ses aristocrates sont extraordinaires de vie ; leur yeux notamment, sont saisissants d'intensité. Véronèse a peint aussi quelques très beaux portraits : les portraits en pied de la Comtesse Livia de Porto Thiene et de sa fille, et celui du Comte de Porto et de son fils sont délicieux.
Les choses se gâtent avec les scènes religieuses. Là, Véronèse a tout faux. C'est particulièrement visible dans Les Pèlerins d'Emmaüs. Le tableau ne compte pas moins de 19 personnages principaux, sans compter, dans le lointain à gauche, deux autres personnages secondaires. Parmi ces personnages, sept enfants ou adolescents (au moins, car on pourrait rajouter un jeune homme dans cette catégorie), et un bébé, sans compter deux chiens. On est loin de l'Evangile. Emmaüs est très certainement un village de la campagne profonde de Judée. Que vient faire cette ville immense dans les lointains ? L'évangéliste nous décrit une scène intimiste : le soir tombe, les deux disciples - la tradition rapporte que c'était Marc et Cléophas - invitent l'inconnu à rester avec eux pour dîner. On allume sans doute une lampe à huile, et on sort un pain du bisac. Rien de tout cela dans le tableau de Véronèse. Il y a trois serviteurs. L'un des disciples est assis sur un siège somptueusement sculpté. Deux petites filles, certes délicieuses, assises devant la table, jouent avec un chien. Il n'y a pas le moindre atome de compréhension de ce qui s'est joué ce soir-là. Où est le coeur brûlant des disciples qui viennent de se faire expliquer les Ecritures ? Où est le pain que Jésus va rompre ? Tout est faux, maniéré, prétexte, et pour moi, absolument dépourvu de toute émotion. C'est très bien peint, les couleurs sont superbes, mais ce n'est pas une scène religieuse.
Tout change avec le Tintoret et Bassano. Leurs "Déposition du Christ" mettent en lumière l'atmosphère dramatique de ce moment, ou Marie, Marie-Madeleine, le tout jeune Jean, Joseph d'Arimathie et Nicodème vont porter Jésus dans le tombeau tout neuf que Joseph a fait creuser. Quelle douleur chez la Marie du Tintoret, quelle affliction chez le Jean de Bassano. Là, la lumière vient d'une bougie placée au centre, un peu au-dessus, qui illumine les visages quand ils sont placés sur le chemin de ses rayons (ce n'est pas le cas de Jean, dont le visage est placé dans l'ombre). Voilà des peintres qui méditaient et priaient.
Voilà. J'ai tout dit, ou presque, de cette première visite. Car j'y retournerait encore deux ou trois fois, tant ces peintres sont fascinants. On est loin des barbouillages des rapins ! Si vous avez le temps, ne ratez pas cette exceptionnelle exposition.

10 commentaires:

olibrius a dit…

c'est quoi un "rapin"?
Je vous trouve, cher PP, un peu dur avec Véronèse, qui sait ce qu'il vivait lorsqu'il a peint ce tableau?
Mais j'apprécie beaucoup la peinture, mais plus dans la gare de l'autre côté de la Seine resqu'en face du Louvre, mais à condition que l'on me l'explique. Quelles beautés que ces impressionnistes. N'^tes-vous pas llé voir Courbet?
Et puis si je vais à Paris pour visiter l'un ou l'autre musée, je vous prierai d'être mon guide. Chiche?

Philippe POINDRON a dit…

Bien sûr ! Je le ferai avec plaisir. Je suis un fan des impressionnistes, et j'aime beaucoup le musée d'Orsay (il y a des choses inégales), mais il ya Renoir au Grand Palais en ce moment.

Pour Véronèse, je suis dur seulement pour les scènes religieuses. C'est bien évidemment un peintre immense. Mais pourquoi faut-il qu'il en rajoute quand ce n'est pas nécessaire ?

A bientôt, avec joie. Bien amicalement.

olibrius a dit…

mais c'est quoi un "rapin"?

olibrius a dit…

cher PP, ca réagit aussi dans les autres billets, on attend votre réponse!

Philippe POINDRON a dit…

Un rapin est un jeune peintre attaché à un atelier de peinture. Gauguin, quand il était en Polynésie a écrit un petit livre charmant : Racontards de rapin. L'ouvrage est aujourd'hui introuvable. Mon père, qui était un passionné de peinture, un vrai connaisseur, peintre lui-même (dans le genre "naïf", avec un don exceptionnel de coloriste), possédait ce livre, et je l'ai lu dans ma jeunesse.

Philippe POINDRON a dit…

Rectification orthographique : lire "racontars" et non pas "racontards" bien sûr !

Michel Georges a dit…

Cher Philippe,
Je pense aller à Paris début Novembre, j'irais voir ces immenses maîtres de la Peinture et je me pencherai un peu sur les scènes religieuses de Véronèse.
Peux tu te rendre sur mon blog , j'ai une surprise et j'attends avec impatience tes commentaires. J'ai loupé certain ou plus exactement certaine de nos collègues. Et pourtant je ne suis pas un rapin...
Amicalement.

Philippe POINDRON a dit…

Cher Georges, fais-moi signe quand tu es là. Je propose de revoir avec toi cette exposition. On ira prendre un verre ou un lunch dans les restaurants du Carroussel. C'est très sympathique.
Je vais de ce pas sur ton Blog.
Bien amicalement.

Roparzh Hemon a dit…

Cher auteur,

puisque vous parlez de rectification orthographique ... Il y a un H à l'"Hubris" des grecs (vous
l'avez transcrit ce mot en l'ayant uniquement entendu, n'est-ce pas?)

Bien cordialement,

E. D.

Philippe POINDRON a dit…

Cher lecteur, vous avez tout à fait raison. Et je ne me pardonne pas la faute car je connaissais l'orthographe du mot. Je vais tout de suite rectifier cette erreur. Merci pour votre remarque. Amicalement.