samedi 10 octobre 2009

René Girard et l'Islam

L'un de mes lecteurs, très attentif et plus que judicieux me dit : Quand vous faites allusion à l'hypothèse de René GIRARD qui dit que depuis Jésus, il n'est plus possible qu'apparaisse une nouvelle religion, comment expliquez-vous la naissance de l'islam, très postérieurement à la crucifixion ? Je vais essayer de lui répondre.
Il y a, me semble-t-il, quatre réponses possibles à cette objection. (a) La première est de dire que René GIRARD se trompe. L'échec de ROBESPIERRE à fonder une nouvelle religion après l'exécution de Louis XVI (échec relevé par Edgar QUINET qui du reste évoque la tentative du conventionnel BAUDOT de remplacer le catholicisme par la religion réformée) indique, au titre du plus récent exemple connu de ce type de tentative, que l'hypothèse girardienne est assez crédible, et que René GIRARD a tout à fait raison. Dans son Voyage d'une parisienne à Lhassa, Alexandra DAVID-NEEL (la nièce du peintre DAVID, curieux homme qui prétendait en ses commencements boire la ciguë avec ROBESPIERRE si celui-ci venait à être attaqué, et finit par être le peintre de NAPOLEON Ier), évoque la curieuse cérémonie de ce Roi émissaire tibétain qui pendant huit jours a tous les droits sur tous les habitants de LHASSA, puis est expulsé de la cité, poursuivi et est en général tué ; elle donne une description absolument saisissante de ce qui a dû se passer quand les hommes tuèrent un innocent pour ramener la paix dans leur communauté ravagée par l'envie, le désir mimétique et les convulsions civiles. Les tibétains contemporains d'Alexandra, bien entendu, avaient perdu la mémoire du meurtre originel de l'innocent sacrifié sur l'autel de la paix. (b) Deuxième réponse : l'islam n'est pas une religion. Inutile de s'engager dans cette impasse. (c) Troisième possibilité, l'islam est une exception. La réponse mérite d'être examinée plus en détail. En effet, l'islam (pour autant que je le sache) n'est pas né à la suite du sacrifice d'un innocent, destiné à ramener la paix dans les communautés de la péninsule arabique en proie aux troubles intestins. Ces troubles ont été concomitants ou postérieurs aux succès de MAHOMET. L'islam n'est pas une religion sacrificielle. On peut même dire que c'est une forme altérée du judaïsme surtout et un peu moins du christianisme ; les musulmans font de la commémoration du sacrifice d'ISAAC par ABRAHAM, l'une de leur plus grande fête (l'Aïd) ; le Coran a sur la Marie des paroles que ne renierait pas un chrétien, et il reconnaît Jésus comme prophète ; quantités de sourates sont des poèmes superbes de tolérance et de bienveillance. Cette nouvelle religion n'est donc nouvelle qu'en partie, et sa nouveauté, me semble-t-il consiste à faire de Dieu, un tout-puissant absolu, absolument unique, et finalement assez éloigné des hommes. (d) Enfin, dans l'optique de la mystique chrétienne, on peut envisager que l'islam est aussi le grand défi religieux porté aux tièdes chrétiens contemporains, et qu'en fin de compte, l'histoire religieuse humaine finira dans la confrontation des rares disciples survivants du Christ aux fidèles du prophète. Il ne faut pas, me semble-t-il toujours, négliger cette dernière perspective. L'Apocalypse parle du combat final, de l'HARMAGEDDON (orthographe non garantie), et le localise dans la plaine de MEGIDDO, sise dans l'actuel ISRAEL.
Voilà ce que je pouvais dire. Que ces explications soient limitées, j'en conviens tout à fait. Elles méritent d'être approfondies, sans aucun doute. Mais elles n'invalident pas l'hypothèse de René GIRARD, qui est même une théorie.

11 commentaires:

olibrius a dit…

Pardon, je demande pardon d'avance car PP ne va pas être content. J'entends bien ce que vous écrivez mais , encore une fois,c'est "asséné"; c'est quand même ce que j'aime le moins. Qu'on le veuille ou non l'islam est une religion et j'abhore les islamostes, j'essaye de respecter les musulmans.
Mais je suis persuadé qu'à un moment - et c'est déjà doucement en route - les islamistes pourriront tous les musulmans pour couper la têt à tous les infidèles - entendons les chrétiens déclarés ou non.
J'espère être trop pessimiste et ne pas voir cette chose.

Philippe POINDRON a dit…

Cher Olibrius, non, ce n'est pas asséné. J'exprime quatre explications possibles de ce que l'émergence de l'islam ne contredit pas la thèse de René GIRARD. J'en privilégie une, et j'en repousse une autre. Celle que je privilégie est l'idée que l'islam n'est pas une religion sacrificielle, et qu'il y a en lui des éléments de l'ancien et du nouveau testament. Celle que je repousse est que l'islam ne serait pas une religion. C'en est une et je doute fort que beaucoup de français sachent combien les musulmans sont respectueux de Marie et de Jésus. Enfin, à titre d'hypothèse, j'émets la possibilité d'une émergence providentielle de l'islam, comme religion susceptible de réveiller les rares chrétiens qui acceptent d'être nommés de ce beau nom. J'évoque aussi la possibilité, dans l'optique d'une interprétation mystique de l'histoire humaine, que la fin des temps soit marquée par une lutte impitoyable entre l'islam devenu fou, et les quelques chrétiens subsistants. Rien de tout cela n'est asséné. Et chacun de mes lecteurs est libre de choisir la solution qui lui convient. L'objet central de ce billet est donc de vérifier que l'intuition de René GIRARD n'est pas invalidée par la naissance de l'islam longtemps après la venue de Jésus.
Tout cela, j'en convient, n'est pas imbibé d'humour. Je tâcherai de faire mieux pour le prochain billet. Amitiés.

olibrius a dit…

mais restez comme vous êtes, si je voulais vous imioter je dirais "vous êtes merveilleux". Je ne le pense pas totalement mais en grande partie. Néammoins je dois relever ce que j'appelle (mais me trompe-je!) votre nazïveté quand vous affirmez que l'islam respecte Jésus et Marie. Peut-être une trés toute petite minuscule minorité parce que l'on trouve l'une ou l'autre référence dans une sourate, mais je n'ai jamais rencontré un musulman mele dire (ce qui ne veut pas dire que cela n'existe pas).
Un pêtit témoignage: une église locale a mis à disposition de musulmans son foyer paroissial pendant toute la durée du ramadan. Cadeau (si ce n'est que la ville defraye la paroisse de ses frais). Ces gens ont fait venir un imam d'Angleterre pour précher chaque jour. Lui a été hébergé au presbytère: cadeau; personne n'a demandé si cela avait un coût et l'on s'est aperçu que cet imam dormait dans la salle du foyer... un endroit chrétien serait-il trop dangereux???

Philippe POINDRON a dit…

Cher Olibrius, il y a dans le Coran des sourates qui parlent de Jésus et de Marie en des termes que ne renierait pas un chrétien. C'est un fait. Que les musulmans accordent prière et culte à Marie (Myriam) et à Jésus (Issa), certes c'est discutable, puisqu'ils ne prient qu'Allah. Mais ils ont un sens de la transcendance tout à fait respectable.
Je pense aussi que l'islam est conquérant et qu'il sera la seule force religieuse dressée contre la Croix, dans un avenir que nous ne pouvons pas prévoir mais qui pourrait se révéler plus proche que nous ne le croyons. Il faut être prêt à la persécution et ne pas avoir la naïveté de croire que les valeurs auxquelles nous adhérons sont universelles. C'est faux ! C'est une illusion que nous devons à ROUSSEAU et à tous ses séides. Il y a à dire...
Ce que vous dites de la complaisance du clergé vis-à-vis des musulmans (et non de l'islam dans le cas précis) m'interroge. La charité nous oblige à accueillir le différent (voir le Samaritain et le blessé juif de l'Evangile), mais il serait plus judicieux d'aller évangéliser les nombreux musulmans vivant sur notre sol. Qui s'en soucie ? Pas grand monde. Or l'accueil que nous avons pratiqué à Tibériade vis-à-vis de tous et toutes a amené certains de nos amis originaires du Maghreb au baptême et à la foi la plus vive. Comme quoi la charité sans prosélytisme peut aider l'Esprit Saint à transformer des coeurs disposés à l'accueillir.
Amitiés.

olibrius a dit…

Je pense (sans connaître) que ce que vous dites par rapport à Tibériade est complètement vrai. D'autre part, je n'ai rien dit de la "complaisance" du clergé; je pense que c'est un acte de reconnaissance multireligieux, mais que l'on respecte clairement ce qui est fait.
Je sais que l'auteur Olivier Legendre n'est pas un phylosophe, mais c'est quand même dommage que vous n'ayez pas lu les "Confessions d'un cardinal"; mon Dieu comme l'on pourrait se mieux comprendre...

Philippe POINDRON a dit…

Je vais lire ce livre. Vous en parlez fort bien.
Amicalement.

Philippe

NORMAN a dit…

Dans un autre registre que l'excellent billet sur "René Girard et l'islam" j'ai trouvé cette réponse du journal de gauche "Le Monde" a la réaction bien légitime de ses lecteurs, sur l'affaire Polanski Voici la réponse de son rédacteur en chef Alain Frachon : « Vivement attaqué pour des positions... qu'il n'a pas prises !notre quotidien s'est en effet gardé de tout jugement [...] Tel n'est pas l'avis des lecteurs qui ont vu dans nos pages un parti pris pro-Polanski et nous le reprochent d'abondance. [...] D'abord surpris par ces reproches, nous avons relu nos pages à la loupe. Nos lecteurs, de fait, n'ont pas tout à fait tort. Il suffit d'un mot de trop, voire de points de suspension inutiles ("un mandat d'arrêt émis en... 1978"), pour exprimer un sentiment entre les lignes et sortir de la neutralité voulue. Ajoutons un titre maladroit, une opinion, certes extérieure mais sans contrepoids, une référence discutable et des réactions déséquilibrées (même si elles l'étaient sur le moment), l'ensemble finit par faire sens. Cette connotation pro-Polanski ne traduit pas, en l'occurrence, une prise de position hypocrite, mais un certain manque de distance par rapport à l'événement. [...]"Sous le coup de l'émotion, nous avons eu un réflexe plutôt pro-Polanski qui a pu marquer notre présentation. [...]
"Le Monde" vient de décrypter ses propres méthodes de désinformation. Si tous les lecteurs pouvaient continuer à decrypter toutes les autres informations, la presque totalité de la presse serait rapidement en faillite, ou changerait de registre. Ne rêvons pas !
Il faudra boire le vin jusqu'à la lie.

olibrius a dit…

je suis peut-être naïf (ca y est PP déteint sur moi, mais c'est un bon, PP) mais j'ai du mal à croire que l'on fasse de la désinformation volontairement. On peut avoir un avis trés "sur" sans pour autant vouloir manipuler à chaque coup, n'est-il-pas?

Philippe POINDRON a dit…

Je crois, en effet, que les journalistes du Monde désinforment, (presque tous) de bonne foi. N'oublions pas l'enquête à laquelle j'ai fait allusion dans un commentaire de commentaire. Plus de la moitié des journalistes se sentent investis d'une mission !
L'analyse du Monde sur ses propres pratiques est confondante de justesse ! Oui, le discours du Monde est connoté. Oui le discours du Monde est idéologique. Oui le discours du Monde, quand bien même il ne le voudrait pas, est partial. Car le propre de l'idéologie est de "naturaliser" à des fins de pouvoir ce qui est de l'ordre de la "culture".
J'entends bien vos objections : pourquoi les "ordres" de l'ancien régime seraient-ils plus acceptables que les "classes" sociales de MARX. Je vais vous le dire. Dans le premier cas, le système ne repose ni sur la haine ni sur la lutte violente, il unit plus qu'il ne divise, puisqu'il repose sur une conception organique de la société. C'est pour avoir perdu de vue cette conception, que la noblesse de cours (pas celle de province) a scié la branche sur laquelle elle était assise ; elle a installé par son engouement pour les philosophes (Diderot, Voltaire, Rousseau, Condorcet)des haines inexpiables dans le corps de la Patrie et elle est responsable de la survenue non de la Révolution, mais de la Terreur. Je reviendrai là-dessus dans un billet.
Merci à Norman pour son très important commentaire.
A tous amicalement.

NORMAN a dit…

Ah que c'est bien dit! La philosophie aussi de l'ancien régime est à découvrir. Et si Olibrius pouvait ouvrir ses yeux, mais de SA propre initiative, comme moi je l'ai fait il y a quelques années, alors c'est lui qui nous ferait découvrir l'ombre. Je pense que P.P serait très heureux.

olibrius a dit…

Pour Norman
Je veux bien ouvrir les yeux, maus sur quoi et comment?