vendredi 31 juillet 2009

En Chine

Les médias, hormis Le Monde, n'ont pas parlé d'un événement très grave survenu récemment en Chine, le lynchage d'un cadre d'une usine sidérurgique (Tonghua and Steel, dans la Province de JILIN [Chine du Nord]). Le nouveau Directeur venait d'annoncer aux salariés une vague de licenciements, après la fusion de son établissement avec une autre entreprise de production d'acier. Il a été battu à mort, après avoir menacé de se débarrasser de 30.000 ouvriers dans le cadre de cette fusion. Le rachat de l'usine et la fusion ont été annulés. La production d'acier est considérée comme stratégique en Chine ; elle est étroitement contrôlée par l'Etat chinois, c'est à dire le Parti Communiste.
Plusieurs remarques. D'abord la manière dont Le Monde annonce l'événement est assez curieuse, et montre combien l'Occident prend des gants avec le géant asiatique quand il s'agit de parler business ; la présentation de ce lynchage est faite en effet dans un entrefilet de 15 lignes, ayant pour titre Sidérurgie : La vente d'une usine chinoise annulée après la mort d'un cadre. L'entrefilet est publié dans la page Économie. On aurait pu imaginer qu'il fût placé en page Politique, et qu'il portât un autre titre, par exemple : Un cadre lynché par des ouvriers chinois en colère après l'annonce de 30.000 licenciements. Non. Vous n'y êtes pas. Un cadre est mort. On annonce l'annulation de la fusion. Quelle neutralité de ton ! Mais le même journal glosera très longuement sur le suicide d'un employé du Pôle Emploi, surmené par le travail. Différence de traitement : Vérité en deçà des Pyrénées...
Cet événement aurait pu être l'occasion, pour le journal, de faire le point sur les pratiques sociales d'un des derniers États communistes du Monde. Il aurait pu faire état du livre de CAI ZHONGGUO, ou de Thierry WOLTON (je vous en ai déjà parlés), ou encore de celui de Marie HOLZMAN et CHEN YAN (Ecrits édifiants et curieux sur la Chine du XXIe siècle). Il aurait pu inciter les lecteurs à plus de discernement dans leurs pratiques de consommation. Il ne faut pas acheter de produits chinois, selon moi ; ils sont fabriqués dans des conditions sociales épouvantables qui auraient provoqué chez nous une Révolution. Nous n'avons pas à cautionner ces pratiques d'un autre âge. Mais l'argent n'a pas d'odeur.
Il aurait pu aussi pousser à une réflexion plus approfondie sur les conséquences nécessaires de l'industrialisation, si bien analysées par Simone WEIL dans ses Réflexions sur les causes de la liberté et de l'oppression sociale.
Le journal Le Monde se pique de penser à gauche et de faire réfléchir ses lecteurs. Il convient de lui rendre hommage pour avoir pris le (très faible) risque de porter à notre connaissance ce lynchage, et de lui demander de poursuivre sa réflexion en portant à notre connaissance les multiples exactions, exploitations, réductions en esclavage d'une main d'oeuvre paysanne, taillable et corvéable à merci. Dans de prochains billets, je vous décrirai quelques unes de ces monstrueuses pratiques que nous feignons de ne pas voir, alors qu'en Chine même, des défenseurs des pauvres risquent leur vie pour les défendre.

jeudi 30 juillet 2009

Condorcet, démocratie et souveraineté du peuple, un mirage

Monsieur AYRAULT, le président du groupe socialiste à l'Assemblée Nationale, utilise un bien mauvais argument pour dénoncer le projet de redécoupage des circonscriptions électorales. Il argue, bien à tort, que, sur la base des dernières élections législatives et de ce nouveau découpage, la majorité aurait eu trente députés de plus.
Cet argument me paraît faible. Faire dépendre une majorité d'un découpage territorial me paraît, certes, tout à fait anormal. Mais enfin on ne voit pas comment une majorité maîtresse de cette opération pourrait la réaliser à son détriment. Et s'il suffit de sortir quelques communes ou quelques cantons d'une circonscription pour faire basculer une majorité, alors il fait s'interroger sur la démocratie.
CONDORCET, ce mathématicien qui appelait de ses voeux la venue du règne de la raison et qui s'est suicidé dans sa prison pour échapper à la guillotine, une fois ce règne advenu, a montré qu'il est impossible de dégager une majorité d'opinion qui reflète l'état réel du corps électoral, quand on offre à celui-ci plus de deux choix. Si l'on combine cette conclusion, fondée mathématiquement (Théorème de CONDORCET), à l'anomalie qui fait varier une majorité en fonction de l'étendue d'une circonscription, il résulte que la seule manière d'avoir une opinion vraiment démocratique consisterait à n'avoir qu'une seule circonscription, celle du territoire national, et seulement deux partis. Alors, et alors seulement, on aurait le reflet de l'opinion de la majorité du corps électoral.
Cette condition n'est remplie pour l'instant que par le votre référendaire qui s'exprime par un OUI ou un NON, totalisé à l'échelle du territoire national. A pousser le raisonnement, on simplifierait certainement la vie politique, si l'on obligeait les divers partis à former des coalitions AVANT le vote, et si seulement deux coalitions étaient mises aux suffrages des électeurs, sur un programme précis, détaillant tous les champs de l'action politique. Mais alors, adieu les poisons et les délices des conciliabules de couloir, des combinaisons d'appareils, des partis loufoques ou utopiques. Ces messieurs seraient bien obligés de se mettre d'accord avant de nous demander notre avis.

mercredi 29 juillet 2009

Je me souviens des jours anciens (bis)

L'un de mes fidèles lecteurs me fait gentiment le reproche d'exprimer des sentiments stéréotypés dans le billet que j'ai écrit hier et qui s'intitule "Je me souviens des jours anciens". Je lui ai répondu plus personnellement, et vous pourrez consulter ma réponse. Néanmoins, il soulève des questions de fond qui méritent réflexion.
En premier lieu, je voudrais souligner que je me suis borné à raconter des faits dont la resouvenance colore ma conscience de sentiments délicieux et vifs. Il n'y a donc aucune nostalgie dans ce billet, sinon - et je l'ai dit à mon lecteur - j'aurais ajouté, à "Je me souviens des jours anciens", comme VERLAINE (je crois) le fit dans son poème "et je pleure".
Il est ensuite évident que l'enfant a tendance à donner à ses expériences et ses découvertes, bien anodines pour un adulte, une importance personnelle considérable. J'admets donc avec mon lecteur que glaner ou sonner l'angélus ne sont pas des activités propres à bouleverser l'histoire du monde.
Mais je le maintiens, ce monde dont j'ai fait l'évocation est mort, et j'en éprouve finalement des regrets (mais pas de nostalgie). Je vais expliquer ici pourquoi, en commençant par un petit constat que fait Gustave THIBON :
"Nos ancêtres avaient moins de morale que nous, ils avaient plus de moeurs ; nous avons plus de morale et moins de moeurs. Il n'est pas utile d'ailleurs de remonter au Moyen Âge pour établir cette comparaison. Les paysans d'il y a cent ans étaient dans l'ensemble plus durs, plus retors, plus mesquins et plus processifs qu'aujourd'hui ; ils étaient moins ouverts à la morale et à l'amour qui en est la base. Leurs petits-fils ont le coeur plus sensible et l'esprit plus large ; les disputes, les procès, les tromperies sont plus rares au village. Mais ces vieux paysans possédaient, malgré l'étroitesse presque immorale de leur âme, un profond capital de traditions religieuses et familiales et de sagesse instinctive : leurs enfants ont dilapidé ce capital. Ils faisaient corps, personnellement et héréditairement, avec la terre qu'ils cultivaient et jouaient ainsi un rôle organique dans la cité : leurs enfants, détachés du sol natal, n'aspirent qu'à devenir des fonctionnaires anonymes et parasites. Ils étaient parfois brutaux avec leurs enfants, mais ils en avaient : leurs fils entourent les leurs de plus de tendresse et de plus de soins, mais ils n'en ont presque plus. Pis encore - et cela permet de mesurer l'ampleur monstrueuse du divorce entre la sensibilité morale et les moeurs profondes - c'est précisément dans ce pays de France où les hommes sont devenus si doux, si humains et, en particulier, si tendres pour leurs enfants et si incapables de les voir souffrir, qu'on compte au bas mot 500.000 avortements par année, c'est-à-dire 500.000 enfants assassinés."
Et plus loins THIBON poursuit :
"Parce qu'elle n'est pas incarnée dans de saines moeurs, cette moralité reste affectée d'impuissance. Faite d'intellectualisme abstrait et d'émotivité superficielle (n'est-ce pas ROUSSEAU qui avait voulu jeter les bases d'une morale sensitive ?), elle ne va pas au-delà de la sensation immédiate ou de l'idéal inaccessible. [...] Le grand bienfait des moeurs saines, c'est de rendre faciles et naturelles des choses très difficiles pour la moralité pure de l'individu isolé. Or la décadence des moeurs a isolé, atomisé les individus." (In Diagnostics. Essai de physiologie sociale).
Avec le recul du temps, et la réflexion qui vient avec l'âge, je réalise que si je regrette quelque peu la mort de ce monde ancien, ce monde où l'on avait des moeurs, c'est qu'il était un véritable socle sur lequel la personne pouvait s'appuyer pour grandir en humanité, et qu'il lui offrait de devenir véritablement un être humain, un sujet social, et non point un simple individu, perdu dans la masse, coupé de toute relation.
Je vais donner une illustration de cette affreuse solitude qui est en train de gagner toutes les sociétés développées : je rentrais chez moi, hier soir, par le métro. Le wagon était plein. J'ai compté dans la foule qui m'entourait (et je ne voyais pas tout le monde), dix passagers qui avaient des oreillettes et des écouteurs, et qui, perdus dans leur musique, aveugles et sourds aux autres, semblaient avoir sombré dans l'autisme.
Je voudrais donner encore une autre illustration de l'oppression sociale qui se développe inéluctablement avec le progrès technique : j'emmenais il y a huit jours ma petite-fille au McDo. Des jeunes en sueur, couraient en tous sens derrière le comptoir où s'accumulaient comme des moutons des dizaines de personnes en attente d'une pitance bon marché. Murmures ou silence des clients, pas de bruit de conversation. Où l'on voit que la rationalisation de la production (au McDo, la viande, la salade, les ingrédients sont pesés au gramme près !) et la diminution de ses coûts s'accompagnent d'une aliénation invraisemblable des personnes, les unes piétinant dans l'énervement, les autres s'activant, se heurtant aux collègues, hagards, épuisés. Où est le véritable bénéfice social d'une telle innovation ? Franchement, il était plus sain d'apporter son sandwich, voire sa "gamelle", sur son lieu de travail que de fréquenter ces "restaurants" où la pauvre humanité est mise à l'engrais.
Je ne sais si j'ai répondu à mon lecteur. Mais ça m'a fait du bien de dire ce que j'ai sur le coeur.

mardi 28 juillet 2009

Je me souviens des jours anciens

Comme le poète, je me souviens des jours anciens et des premières vacances que je pris quand j'étais enfant.

C'était en juillet 1946. Nous sortions de la guerre, et les facilités que nous offre la vie contemporaine n'étaient pas encore nées. Mes parents louèrent une petite maison à Saint-Paul-aux-Bois dans l'Aisne, juste à côté du presbytère, alors occupé par un de mes grands-oncles, curé de ce charmant village. C'est là que je fis pour la première fois connaissance avec la brûlure des orties. Mon grand-oncle disposait pour sa paroisse d'une salle, passablement délabrée - elle était en bois -, qui sentait le grésil et l'eau de Javel. Nous allions avec mes soeurs jouer dans cette salle qui nous paraissait plus belle qu'un château de légende. Allez savoir pourquoi, en fin d'une belle après-midi, chaude, ensoleillée et qui sentait la prune, je me mis en tête de sortir de cette salle non point par la porte, mais par l'une des fenêtres entrouvertes depuis des siècles car depuis des siècles le bois en avait joué et elle ne s'adaptait plus au chambranle. Fort opportunément, la salle n'avait pas d'étage ; moins opportunément, la fenêtre donnait sur des orties. J'escaladais hardiment l'huisserie, je dérapais et je tombais au beau milieu de ces affreuses herbes. Je garde encore, vivace en ma mémoire, le souvenir de ces brûlures, je vois les plaques surélevées que les piquants de ces herbes malfaisantes avaient laissé sur ma peau de petit enfant. Et je me souviens des frictions de vinaigre que maman y fit pour atténuer la douleur.
Vint le mois d'août. Le quinze était une grande fête pour le village. On avait décoré l'église de guirlandes de fleurs en papier, et quelques agriculteurs avaient prêté des grands chariots attelés pour que l'on fît des chars retraçant la vie de la Vierge Marie. L'un d'eux transportaient des petits enfants déguisés en ange, et ma plus jeune soeur faisait partie de cette céleste milice. Ô souvenirs combien délicieux de ces jours où la campagne n'était bercé que par les cloches de l'angélus tri-quotidien, le hennissement des chevaux de trait ou le meuglement de paisibles vaches qui tiraient des charretées de foin.
L'année suivante, nous passâmes nos vacances à Largny-sur-Automne, toujours dans l'Aisne. Maman attendait son cinquième enfant, et dans l'insouciance de mes sept ans, hormis l'annonce que mon père m'avait faite de la future naissance, je n'avais pas remarqué que les formes de maman s'étaient arrondies. Elle était fort fatiguée. Aussi nous avait-on mis pour un mois chez des parents éloignés. Ils tenaient une sorte de dépôt d'épicerie, qui sentait le foin et la vache, et dont les rayons étaient maigrement garnis de quelques produits de première nécessité. Mon père, qui était pharmacien, avait apporté avec lui, parmi d'autres cadeaux, un énorme paquet de boules de gomme mentholées. Elle furent soigneusement placées dans un grand bocal de verre, et - je n'invente rien - revendues comme des aubaines aux gamins du village, pour le prix de 50 centimes de l'époque (environ un millième d'euro de nos jours) chaque boule de gomme. C'était de braves gens que ces parents-là, et en général, les petites mains où ils déposaient ces trésors sucrés en avaient largement plus que demandé. Nous passions des heures chez le maréchal-ferrant. Les fers des chevaux luisaient d'un rouge profond, le soufflet faisait ronfler la forge, et l'atelier sentait une délicieuse odeur de corne brûlée. Le maréchal-ferrant était aussi le sacristain. C'est lui qui sonnait l'angélus. Il fallait voir les petits garçons du village s'accrocher à la corde qui mettait la grosse cloche en branle. Ils s'enlevaient avec elle, emportés par le mouvement du battant que ne contrôlait plus le sonneur. Nous allions aussi glaner dans les champs. Les moissonneurs faisaient des gerbes, et ils les amoncelaient en meule, avant que la batteuse ne vienne sur place pour séparer le grain. Alors, avec mes soeurs, nous allions ramasser les quelques tiges encore garnies d'épis, épargnées par les moissonneurs. Nous les froissions et nous mangions avec délice ces grains qui sentaient la vie, le soleil et la joie de vivre. Ô doux moments de mon enfance ! Ô moments délicieux où je découvrais les merveilles de la nature, le dur labeur des hommes, le prix du travail, le poids du jour et l'inlassable patience des paysans.
Voilà à quoi, en ces jours lourds, accablés d'une chaleur poisseuse, empestés de vapeurs d'essence, je pense ; expérience unique d'un monde qui est mort, où j'eus encore la chance de voir, au moment des semailles, alors que nous allions chez mon grand-père, le geste auguste du semeur puisant le grain dans un grand sac qu'il portait en bandoulière, et le jetant avec noblesse au sillon tout frais.
Je me souviens des jours anciens.

jeudi 23 juillet 2009

Que ne ferait-on pas pour se faire remarquer ?

Sacha BARON COHEN se promène quasiment tout nu à PARIS, à SYDNEY, à VIENNE, à AMSTERDAM, à l'occasion de la sortie de son film Brunö. Il n'y a dans ces provocations aucun message, si ce n'est celui d'attirer l'attention sur la personne du provocateur. Il ne cherche pas à nous enseigner, mais à frapper notre imagination pour qu'on ne l'oublie pas. Les amoureux de la modernité et de la post-modernité admireront la performance. Elle me laisse de marbre et m'irrite pas sa vacuité. Monsieur BARON COHEN est en quête de chalands. Ne lui donnons pas le plaisir d'en être. On n'est pas obligé de se balader tout nu pour gagner sa pitance.
Je constate que jamais on a tant communiqué qu'aujourd'hui, et que jamais on n'a été plus seul dans la foule, dans la société, dans le vaste monde, appelé par les médias le village planétaire. On envoie des messages dépourvus de sens dans toutes les directions, des sortes de bouteille à la mer, en espérant que quelques quidam les recevront et feront semblant de croire qu'ils ont du sens.
Il ne s'agit pas de penser, d'échanger, de réfléchir, mais de frapper l'imagination. C'est pourquoi, du reste, les petites phrases assassines bourgeonnent au PS ; il devrait disparaître dit l'un, changer de nom dit l'autre ; il est un arbre sec proclame un troisième. Je vais vous étonner sans doute, mais la seule personnalité socialiste qui me semble avoir de la constance et de l'honneur, ainsi que la tête sur les épaules, est Martine AUBRY. Je suis - je l'ai déjà dit à de multiples reprises - en total désaccord avec presque toutes ses analyses, mais elle seule reste digne dans ce vaste naufrage, cette pétaudière pitoyable qu'est le PS à l'heure actuelle. La démocratie a besoin d'une opposition constructive. Mais les barons, baronnets, éléphanteaux du PS, pour exister, ont besoin de ces messages dépourvus de sens. ll faut qu'ils heurtent, déconcertent, rompent avec le fil de l'histoire ou de la tradition. Les barons, baronnets et éléphanteaux ne valent guère mieux que Sacha BARON COHEN.
On n'en finirait pas de citer ces exemples qui soulignent à l'envi la défaite de la pensée, le triomphe du clientélisme, de la pensée unique ; les marchands du temple ont-ils gagné ? Ce n'est pas impossible, et c'est bien triste.

samedi 18 juillet 2009

Je rêve

Il est donc possible, en France, de bloquer un lycée, d'empêcher d'y rentrer ceux qui veulent travailler et suivre les cours, et d'être réinscrit dans le lycée dont on a perturbé gravement le fonctionnement sans prendre l'engagement de ne plus recommencer.
Tristan SADEGHI, en effet, s'était vu refuser la réinscription sans condition au lycée Maurice RAVEL. Le proviseur, Philippe GUITTET, avait subordonné la réinscription de Tristan à un engagement, non pas de renoncer à ses opinions ou à son militantisme, mais à celui de ne plus bloquer le lycée. Tristan SADEGHI entendait ainsi protester contre la réforme de monsieur DARCOS. Mais, fort du soutien du ministre et de la loi, monsieur GUITTET ne voulait pas que de telles actions illégales puissent être de nouveau entreprises. Il a dû avaler ses convictions. Tristan SADEGHI soutenu par le PG, le PC, le NPA, les Verts, le PS, l’Unef, l’UNL, la FIDL et la FSU, ainsi que par les élus PG et PS qui sont intervenus auprès du proviseur et du rectorat, est de nouveau admis dans ce lycée.
Son comité de soutien fait état du "soulagement" du jeune homme et de sa famille. A vrai dire, si être inscrit dans un lycée pour y poursuivre théoriquement des études n'a d'autres finalités pratiques que de s'empêcher de le faire et d'empêcher de même ses camarades, on ne voit pas très bien à quoi ça sert d'être réinscrit.
Quand aux démagogues de gôôôôche, tous plus aveugles les uns que les autres, il ne faut qu'ils s'étonnent si d'aventure, revenant au pouvoir, ils voient se développer dans le pays des blocages durables contre une politique qui paraîtrait insupportable à une minorité de citoyens. Leur victoire est un victoire à la Pyrrhus. Ils sont misérables dans leur démagogie et leur incivisme. Décidément, la démocratie est bien malade en France.

Comment créer un problème là où il n'y en a pas

Un très cher ami de Strasbourg m'envoie plusieurs opinions relatives à la campagne menée par divers médias à propos de la grippe dite "porcine", ou "A", ou plus exactement H1N1. L'une d'elle m'interpelle et me paraît assez juste. L'agitation médiatique, et la crainte entretenue par les journaux et par les autorités sanitaires, a pour but essentiel de justifier l'achat massif de vaccin antigrippal auprès des grands laboratoires pharmaceutiques : Glaxo-Smith-Kline, Pasteur, etc.
Pour comprendre de quoi il retourne, permettez au virologiste que j'ai été pendant plus de trente ans, de vous donner quelques explications. Je les ferai aussi simples que possible. Le virus de la grippe existe sous plusieurs types, appelés A, B et jadis C (aujourd'hui le virus grippal C a été détaché du genre Influenzavirus et présente quelques particularités qui en font un genre viral à part).
Les virus grippaux A sont responsables des pandémies, des épidémies interpandémiques et des épidémies localisées. Ils sont très variables, car le mode de réplication de leur matériel génétique est tel que la copie de celui-ci est assez peu fidèle. On le dit, pour cette raison, soumis à de nombreuses mutations. Le support physique du matériel génétique ou génome est de l'acide ribonucléique (ARN) associé à une protéine dite NP. Il est fragmenté en 8 segments dits subgénomiques. La plupart de ces segments codent un seul gène. L'ensemble de ces segments est enclos dans une membrane empruntée à la membrane cytoplasmique de la cellule hôte, dans laquelle s'est multiplié le virus. Dans cette enveloppe virale sont enchâssées deux protéines : l'une est l'hémagglutinine (H), qui permet au virus de se fixer aux cellules qu'il va infecter ; l'autre est la neuraminidase (N) qui permet au virus de traverser plus facilement la couche muqueuse revêtant l'épithélium pulmonaire, et aux virus fils d'être libérés hors de la cellule hôte. Il existe 12 types de protéines H et 9 de protéines N. Théoriquement, je dis bien théoriquement, chacune des protéines H peut être associée dans l'enveloppe virale à l'une quelconque des protéines N. De sorte que l'on pourrait avoir des virus A/H1N9 ou H2N7 ou autres, circulant dans la nature.
Pour des raisons diverses, et qu'il n'est pas nécessaire d'expliquer ici, les virus grippaux A qui donnent des pandémies humaines (ou épidémies mondiales) sont des virus grippaux H1N1, H2N2 et H3N2 (dits variants majeurs). Ces variants majeurs mutent et engendrent des variants mineurs, responsables des épidémies interpandémiques. Des études d'archéosérologie, et l'histoire de la grippe, montrent que chez l'homme les pandémies surviennent selon le cycle H1N1, H2N2 puis H3N3. En raison de l'extrême contagiosité du virus, il arrive un moment, où les possibilités de mutation d'un variant majeur étant épuisées, toute la population humaine est protégée (immunité dite de troupeau). La place est prête pour un nouveau variant majeur. Nous venons de clore le cycle du H3N2. Il était donc prévisible que le nouveau variant majeur fût un virus A/H1N1.
Alors pourquoi cette terreur ? Tout simplement parce que la grippe dite "espagnole" de la pandémie de 1918-1919 qui a fait des millions de morts était du sous-type H1N1. Il est vrai que le réservoir de cette souche était le porc. Elle était extrêmement virulente pour l'homme, et frappait surtout les sujets âgés de 20 à 30 ans. Les décès étaient provoqués essentiellement par des surinfections pulmonaires dues à une bactérie appelée Hemophilus influenzae. En effet, la contamination par cette bactérie était si fréquente qu'on lui attribuait à tort le rôle d'agent de la grippe. Son découvreur, le japonais NOGUCHI, est responsable de cette erreur, bien compréhensible.
Ce n'est ni l'origine porcine, ni la combinaison H1N1 qui est responsable de la virulence d'un virus grippal ; c'est une constellation de gènes dont les produits cumulent des propriétés d'adaptation à l'homme, de vitesse de multiplication, de fixation aux cellules hôtes, etc. Par ailleurs, toute pandémie due à un nouveau variant majeur provoque une surmortalité chez les nourrissons, chez les vieillards, chez les immunodéprimés, et chez les sujets présentant une déficience cardiaque ou une atteinte pulmonaire chronique. Ceci est vrai pour le H1N1, le H2N2 et le H3N3. Les décès enregistrés à la suite de l'infection par le variant majeur émergeant H1N1 sont le résultat, hélas prévisible, de la sensibilité particulière de certains sujets au virus grippal.
Il n'y a donc pas lieu de craindre cette pandémie plus que les pandémies dues au virus de la grippe dite "asiatique" ou la grippe dite de "Hong Kong". Les sujets qui doivent se faire vacciner sont les sujets à risque et personne d'autre.
Entretenir la crainte de cette pandémie, lui donner un caractère dévastateur que le virus ne semble pas avoir, n'a, me semble-t-il qu'un seul but, celui de faire se précipiter dans les pharmacies la population affolée, pour qu'elle achète un vaccin qui certes peut la protéger, mais peut aussi présenter quelques risques.
Mais le sacro-saint principe de précaution qui veut que l'on ouvre le parapluie quand il y a quelques nuages me paraît traduire une caractéristique de la mentalité contemporaine : quand quelque chose ne va pas, il faut trouver un responsable ; le responsable, c'est le pouvoir politique ; celui-ci se protège. Je ne sais pas comment on peut vivre sans accepter quelque peu les risques de la vie, comment on peut goûter la vie en ne cherchant que la protection, l'assurance, en ne vivant par conséquent que dans un futur qui n'existe pas encore, et en négligeant d'habiter l'ici et maintenant.

mardi 14 juillet 2009

Pierre, Marc-Antoine, Sébastien et les autres...

Superbe ouverture du Festival de Musique de Saintes. Hervé NIQUET et son Concert Spirituel donnaient la messe de Requiem de Pierre BOUTEILLER, un musicien baroque peu connu dont il ne nous reste que onze oeuvres, toutes collectionnées par Sébastien de BROSSARD, grand amateur de partitions musicales qu'il a cédées à la Bibliothèque Royale. Selon l'aveu d'Hervé NIQUET lui-même, l'oeuvre qu'il nous a présentée était une oeuvre virtuelle, car le chef a pris la liberté, comme on le faisait à l'époque, d'intercaler des pièces de musique instrumentale de divers auteurs, dont Marc-Antoine CHARPENTIER, et de musique vocale (dont le Stabat Mater de de BROSSARD).
Le Requiem est une oeuvre superbe, foisonnante, suppliante, dramatique, d'une complexité inouïe. Elle est écrite pour des voix d'hommes. On frémit, on est au ciel, on est aux anges en l'écoutant.
C'est là que j'ai appris, à mon grand regret, que Marc-Antoine CHARPENTIER avait commis une grave indélicatesse vis-à-vis de son collègue Sébastien de BROSSARD. Celui-ci était maître de chapelle à la Sainte-Chapelle de PARIS. Il était parti pour quelques jours à STRASBOURG, en passant du reste par TROYES où BOUTEILLER était lui-même maître de chapelle. Quelle ne fut pas la surprise de Sébastien, lorsque rentrant à PARIS, il vit que CHARPENTIER avait pris sa place de maître de chapelle, en profitant de l'absence momentanée du titulaire ; intrigue, brigue, petits coups bas ? Marc-Antoine, que je tiens pour l'un des plus grands compositeurs baroques français, a commis là une mauvaise action. Rétrospectivement, il me déçoit (un peu). Sébastien de BROSSARD a fini à STRASBOURG ; il y a fait une belle carrière.
J'en profite pour dire à Olibrius que je regrette de n'avoir point fait sa connaissance, puisqu'aussi bien, il semble qu'il ait lui aussi fréquenté le festival, et son site mythique, la superbe Abbaye aux Dames.

jeudi 9 juillet 2009

Petit message pour Eugénie

Chère Eugénie, votre grand-mère m'a dit sa joie à la bonne nouvelle que vous lui avez annoncée. Mention TB à un baccalauréat de lettres, avec un 19 sur 20 en philosophie, voilà une belle performance qui laisser augurer pour vous un bel avenir. Il paraît que vous avez choisi de commenter un texte de SCHOPENHAUER. L'exercice est déjà délicat quand le philosophe est abordable ; il devient de la haute voltige avec un philosophe de cet envergure et de cette difficulté.
J'ose donc vous féliciter publiquement, et je vous donne rendez-vous à mon retour d'absence. Je vais quelques jours écouter de la musique au festival de Saintes. Je rendrai compte des concerts que j'y aurai entendus.
A très bientôt à tous mes lecteurs.

Résistance pédagogique ? Mon oeil !

Monsieur Alain REFALO est atteint du syndrome de la résistance. Avec d'autres enseignants qui sont atteints de cette même pathologie, il a créé un mouvement : "les désobéisseurs". Il s'agit de protester contre la suppression des cours le samedi et surtout contre les 60 heures de soutien instaurés pour les élèves en difficulté, en contrepartie de cette suppression, par le décret de mai 2008.
Le motif invoqué pour lancer ce mouvement de désobéissance est que la suppression des cours du samedi alourdit les journées des élèves les plus fragiles. Bien entendu, c'est une opinion, et à ce titre les enseignants ont le droit de la faire savoir. Mais c'est une opinion et non un motif de désobéissance civile. Car il me semble que les heures de soutien accordées aux élèves en difficulté sont les bienvenues, et du reste, les "désobéisseurs" ne s'attaquent pas à cette mesure, et pour cause. Car 60 heures de soutien, ce n'est pas rien. Ils ne s'attaquent pas à cette mesure, mais ils refusent de la mettre en oeuvre. Bel exemple de solidarité vis-à-vis "des plus démunis", expression dont ils remplissent leurs discours, mais assez peu leurs actes.
Ce mouvement de contestation est purement idéologique et politique. Il s'agit de s'opposer à tout et à n'importe quoi qui vient d'un pouvoir honni. Je proposerai volontiers que l'on rétablisse les cours du samedi, et qu'on oblige les enseignants du primaires à donner en plus ces heures de soutien, de façon qu'ils illustrent leurs belles théories sur les inégalités sociales par des actions propres à les combattre.
Il ne faut pas s'étonner si ces "résistants" voient leur salaires amputé à due proportion des heures statutaires qui n'ont pas été assurées. C'est une mesure de justice et de bon sens.
Et puis rien n'interdit que l'on discute sérieusement autour d'une table de la validité des arguments des opposants. Mais jusqu'à preuve du contraire, c'est au législateur de faire la loi, pas aux instituteurs.

mercredi 8 juillet 2009

Une révolte grosse de dangers

En prenant le parti de réprimer sans état d'âme la révolte des OUIGOURS à URUMQI, les autorités chinoises prennent un grand risque. Car cette révolte est à la fois ethnique, économique, religieuse et politique, et affecte à des degrés divers de multiples peuples et nations.
Ethnique ? Les populations OUIGOURS sont turcophones. Elles font partie d'un grand ensemble de peuples dont les langues voisines sont parlées de la mer Egée au Pacifique : en Turquie, en Azerbaidjan, au Turkmenistan, en Ouzbekistan (avec des nuances et des exceptions, car une partie des habitants de l'Ouzbékistan parle le tadjik, une langue iranienne), au Kazakhstan, au Kirghizistan, en Yakoutie. La solidarité des peuples turcophones, au temps de l'internet et de la mondialisation, est une réalité qui est en train de prendre forme. On peut douter que les Kazakhs, qui par ailleurs et de mauvais gré hébergent plusieurs millions de clandestins chinois sur leur sol, et ont des frères qui habitent le XINJIANG (en Dzoungarie, cette partie du XINJIANG située entre les Monts Célestes et la portion occidentale des Monts Altaï), on peut douter, disais-je, que le malheureux sort des turcophones du XINJIANG les laisse indifférents.
Économique ? Absolument majoritaires il y a encore quelques décennies, les OUIGOURS ont vu leur pays peu à peu colonisé par des populations han, chinoises, qui sont maintenant presque plus nombreuses qu'eux, qui bénéficient d'un traitement de faveur de la part des autorités, en raison même de leur statut de pionniers ou de colons ; ils viennent bouleverser le mode de vie traditionnel des OUIGOURS, plutôt pasteurs, nomades, cultivateurs, et non point commerçants ou industriels. URUMQI fait près de deux millions d'habitants. C'est une ville ultra-moderne, avec des voies rapides, des gratte-ciel, des encombrements de toute sorte, du moins dans la partie nouvelle ; les populations han et ouigours n'habitent pas les mêmes quartiers et ne se mélangent pas. Que peut-il sortir de bon d'un tel contraste et d'une telle ségrégation sociale ?
Religieuse ? C'est probablement le point le plus épineux du problème. Les OUIGOURS sont musulmans, et les pays turcophones frontaliers, à quoi s'ajoute l'Afghanistan et le Pakistan, le sont aussi. Les musulmans, emmenés par les Arabes ont infligé aux Chinois, sur le Fleuve Talas, en l'an 751, une mémorable défaite et ont stoppé net l'expansion vers l'Ouest de l'Empire TANG, qui rentrait alors dans un déclin inexorable. En 755, se formait une puissante confédération ouigoure. Cette histoire mémorable est présente dans tous les esprits des habitants de l'Asie centrale musulmane. Et il ne fait aucun doute que la solidarité religieuse va pousser les habitants des pays frères à aider les OUIGOURS.
Politique enfin ? Oui, et ce n'est pas le moindre danger. Un islamisme radical à prétention politique est en train de se développer en Asie centrale. Les différents mouvements qui se réclament de cette mouvance ont des militants, des candidats aux attentats suicides (il y en eu ; cf. "L'islamisme radical en Asie centrale", Cahiers d'Asie centrale N°15/16. Éditions Maisonneuve et Larose, Paris, 2007 ou 2008), des armes, des relais, des soutiens. Les frontières sont relativement perméables pour ces hommes farouches, habitués aux grandes virées dans les montagnes du Pamir, par le Tadjikistan ou l'Afghanistan, ou par les Monts Célestes, sans compter la frontière dzoungare.
Il nous faut donc suivre avec attention les événements du XINJIANG, dans cet énorme chaudron de violence qu'est l'Asie Centrale, à quoi il faut inclure l'Afghanistan et le Pakistan. Nous ne pouvons pas rester immobiles, spectateurs de l'histoire en train de se faire, et qui met en cause l'avenir d'un pays aussi considérable que la Chine.

mardi 7 juillet 2009

Et ils se disent journalistes

Une partie des journalistes de la rédaction du Nouvel Observateur proteste hautement contre la publication par Michel LABRO et Denis OLIVENNES de l'entretien à eux accordé par le Président de la République. C'est, d'après ces "journalistes", de la basse flatterie, un soutien déguisé à un homme qu'ils abhorrent, non pour ce qu'il est (quoi qu'ils en disent), mais pour ce qu'il fait et pense. Un journal peut publier - comme l'infâme Airy ROUTIER - des "informations privées", controuvées de toutes pièces, et destinées à nuire, uniquement à nuire, cela ne les gêne guère. C'est "contre", ça ridiculise, ça démolit, ça n'apporte rien au débat politique, et par- dessus tout c'est un mensonge. Mais l'effet visé est (partiellement) obtenu.
Je suis allé lire, sur le site du Nouvel Observateur, la partie de l'entretien qui a été mise en version numérisée. En voici quelques extraits :

"Deux ans après son élection, Nicolas Sarkozy affronte dans un environnement tourmenté la seconde partie de son quinquennat. Crise, chômage, retraites, bouclier fiscal, ouverture, médias ou justice... Dans un entretien exclusif pour «le Nouvel Observateur», il répond aux questions de Denis Olivennes et de Michel Labro. Qu'un président de la République, élu sur un programme de droite, en vienne, la crise aidant, à défendre des positions qui s'apparentent parfois à celles de la social-démocratie, il y a là de quoi surprendre. De quoi s'interroger aussi. Cette volte-face, faut-il la comprendre comme une adhésion partielle aux idées que nous défendons ici depuis toujours ? Ou comme une manoeuvre pour séduire les voix du centre et de la gauche «raisonnable» ? Cela nous a conduits à rencontrer Nicolas Sarkozy. Nous voulions qu'il s'exprime, qu'il dise s'il y avait vraiment un changement et ce qui l'avait motivé, qu'il s'explique sur ce qui nous apparaissait comme une stratégie nouvelle. Nous avions conscience qu'un entretien est aussi une tribune. Faisant cela, nous prenions le risque d'offrir à l'hôte de l'Elysée les colonnes d'un journal qui ne le ménage pas. Mais le débat démocratique, tel que nous l'entendons, nous commandait de le faire. Nous a-t-il convaincus ? Loin s'en faut. Est-il tout à fait le même qu'au début de son quinquennat ? A vous d'en juger. En attendant, voici le nouveau Nicolas Sarkozy, tel qu'en lui- même la crise le change. A tout le moins, tel qu'il veut se présenter à nous.
On ne peut pas dire que cette introduction soit vraiment tendre pour le Président. LABRO et OLIVENNES délimitent avec honnêteté, me semble-t-il, les limites de l'exercice, conviennent qu'il peut être perçu comme une tribune, et mettent clairement en doute la bonne foi de leur interlocuteur, en concluant leur introduction par "A tout le moins, tel qu'il veut se présenter à nous". A croire qu'ils avaient prévu le coup de pied de l'âne de leurs chers confrères.

N. O. - On se souvient encore de l'échange plutôt vif que vous aviez eu avec Laurent Joffrin, le patron de "Libération" - il vous reprochait d'avoir "instauré une forme de pouvoir personnel, voire de monarchie élective" -, lors de votre conférence de presse de janvier 2008...
N. Sarkozy. - Je ne l'aurais plus aujourd'hui. Pas seulement en raison de la considération que j'ai pour l'intéressé. Mais en raison de l'idée que je me fais de ma fonction. Est-ce de cela dont je suis le plus fier dans mon début de mandat ? Certainement pas.

N. O. - Tout récemment encore, à Bruxelles, vous avez éconduit un journaliste de l'AFP qui vous interrogeait sur les rebondissements dans l'enquête judiciaire sur l'attentat de Karachi.
N. Sarkozy. - Si ce journaliste m'avait demandé: "L'assassinat de nos compatriotes est-il lié à un différend franco-pakistanais à propos de commissions non payées ?", je lui aurais répondu que je n'en savais rien et qu'il fallait que la justice aille jusqu'au bout de la recherche de la vérité. Mais la question était : "Vous étiez ministre du Budget, vous souteniez Balladur dans la campagne présidentielle, il y a l'attentat de Karachi, est-ce que vous étiez dans le coup ?" Je fais de la politique depuis trente-cinq ans, je n'ai jamais été associé à un scandale quel qu'il soit, et pourtant on a enquêté sur moi sous tous les angles. Cela devrait vous rassurer d'avoir un président pointilleux sur les questions d'honnêteté. J'en ai connu d'autres qui disaient à la télévision: "Des écoutes ? Moi, jamais." Je ne suis pas capable d'une telle hypocrisie !



(...)N. O. - Dans les deux premières années de votre mandat, vous n'avez donc commis aucune erreur ?
N. Sarkozy. - Certainement pas : j'ai commis des erreurs. Est-ce que tout ce qui m'est reproché l'est injustement ? Non. Il faut un temps pour entrer dans une fonction comme celle que j'occupe, pour comprendre comment cela marche, pour se hisser à la hauteur d'une charge qui est, croyez-moi, proprement inhumaine.

N. O. - La soirée du Fouquet's, au soir de votre élection par exemple, c'est le péché originel du sarkozysme : le CAC 40, les patrons de presse amis, le show-biz !
N. Sarkozy. - Lorsque le général de Gaulle est revenu au pouvoir, en 1958, il avait organisé une conférence de presse dans un grand hôtel parisien, l'hôtel La Pérouse. Un de vos confrères a écrit: "Le général de Gaulle a reçu les journalistes dans cet hôtel où il a ses habitudes." Notons que le standing du La Pérouse ne faisait pas alors débat... Je n'avais pas mes habitudes au Fouquet?s. J'observe d'ailleurs que les critiques sur mes amis, ma vie...
N. O. - ...Votre côté bling-bling !
N. Sarkozy. - Ces critiques avaient commencé bien avant le Fouquet's. Cela correspondait à une époque de ma vie personnelle qui n'était pas facile et où j'avais à me battre sur plusieurs fronts. Je n'avais pas attaché à cette soirée une importance considérable. J'ai eu tort. En tout état de cause, à partir du moment où quelque chose n'est pas compris et fait polémique, c'est une erreur. Et si erreur il y a, ce n'est pas la peine de la recommencer.
Etc., etc.
Je ne vois aucune complaisance dans les questions. Et je me dis qu'une partie de la rédaction du Nouvel Observateur est comparable à un champ de narcisses... Ils détestent tout ce qui n'est pas comme eux ; ils aiment se regarder dans le miroir de leurs propres idées ; ce sont des petits esprits, des minuscules agents d'une opposition infirme, aveugle et sourde, pour le plus grand malheur de la démocratie.

dimanche 5 juillet 2009

L'âpre état du disciple

Être dans le monde, sans lui appartenir, tel est l'âpre état qui échoit en partage au disciple de Jésus. C'est une parole très mystérieuse que cette Parole du Maître. Le monde ne peut être assimilé à la création : car toutes les Écritures célèbrent sa beauté et sa grandeur ("Les cieux chantent la gloire de Dieu" dit un Psaume). Et du reste, elle "gémit et pleure dans l'attente de Dieu". Le monde, c'est du moins ce que je crois, est cette assemblée des hommes, ce long cortège des vivants et des morts, qui a fait l'histoire, et donné à ce qui est l'aujourd'hui son visage. Le monde, c'est aussi l'humanité coupée de Dieu, qui vit selon la chair au sens où l'entend Paul de Tarse, c'est-à-dire selon l'inclination de la nature humaine, coupée de/ ou plus exactement non reliée à/ la transcendance. Mais alors comment le disciple doit-il être dans le monde ? Pas question de l'ignorer ; mêmes les moines et moniales prient pour le monde, et ils ont au fait - je l'ai souvent vérifié - de ce qui s'y passe ; ils déchiffrent les événements du moment à une lumière qui n'est pas celle des physiciens, et avec une acuité d'analyse confondante. Pas question de le combattre non plus, ce monde ; il nous a été donné en dépôt, comme les talents que confie à ses serviteurs le maître qui part pour un pays lointain. Pas même question de le transformer par la force. On a vu ce que ça a donné. On peut donc imaginer que les disciples y sont présents-vivants pour l'ensemencer de la Parole, la rendre crédible aux hommes par leur vie. Situation qui exige confiance et fidélité ; situation qui n'est inconfortable qu'en apparence. Car le disciple "possède déjà ce qu'il espère". En somme, je ne vois pour lui qu'une seule possibilité : la foi, la foi pure, la foi nue.
Je ne saisis pas les raisons profondes qui me font vous délivrer cette très courte réflexion. Ou plutôt ce sont des événements minuscules : discourtoisies des passants, pornographie rampante des journaux, offres publicitaires mirobolantes de gains par des moyens qui n'ont rien à voir ni avec le travail, ni avec le talent, incivilités de toutes sortes, etc. Chaque fois, on peut trouver des raisons qui expliquent ces faits. Mais aucune d'elle ne témoigne de la noblesse de coeur, du statut tout particulier de l'homme dans la création, et des aspirations profondes qui dorment au plus profond des coeurs. J'espère ne pas vous avoir ennuyés. Bon dimanche.

samedi 4 juillet 2009

Un superbe poème

I MEN (1907-1967) est un poète du groupe dit "de Juillet", l'un des meilleurs, selon François CHENG. Il a vécu de très grands drames familiaux. Bien qu'il ait contribué à la cause révolutionnaire, il sera la cible de féroces critiques. On le laissera mourir dans la solitude et le silence. Le régime ne partage pas ses vues sur la création poétique... En effet.
Dans le livre que François CHENG consacre à la poésie chinoise (Entre source et nuage. La poésie chinoise réinventée. Albin Michel, Paris, 1990), je trouve ce superbe poème d'I MEN, intitulé "Judas" :
"Au milieu des Douze, Judas
Etait là, on le savait.
Trahison.
Mais la potence ne saurait éteindre la flamme,
Comme la mer ne saurait avaler l'unique perle.
La révolution n'est pas à vendre.
Le monde n'est pas à vendre, pas plus que sa longue histoire.
Le Fils de l'Homme
N'est pas à vendre.
Seule a été vendue
L'âme vile de Judas lui-même.
Au milieu des Douze, se tient Judas, tapi
Dans l'ombre de la robe du Créateur
Dans le souffle du combat du Fils de l'Homme,
Dans l'attente vile de son vil destin."
On comprend qu'un poète qui prétend que Le Fils de l'Homme n'est pas à vendre, pas plus que la révolution, ait eu quelques problèmes avec l'un des régimes les plus inhumains, les plus cruels, les plus tyranniques de l'histoire. Un régime encensé par nos hommes de gôôôche, nos intellectuels patentés (de Roland BARTHES à Philippe SOLLERS) des années 1960-1970. Par leur complaisance, ils se sont fait les complices d'innombrables crimes, et sont coresponsables de la mort de millions d'innocents. Eux qui faisaient profession de littérature, ont-ils seulement connu cet homme, reclus et abandonné de tous (il perdit en l'espace de quelques mois, sa femme, sa mère, et sa belle-mère ; il ne semble pas qu'il ait eu d'enfants) ? Ils étaient plus préoccupés de leur gloire en France que de la justice en Chine.
I MEN (Men signifie "porte" en chinois) a encore écrit un autre poème, "Ombre", qui se termine ainsi :
"Que je veille ou que je dorme,
L'ombre de la croix,
Comme la mienne propre,
Me poursuit, m'écartèle,
sans me lâcher."
On retrouve là le souffle terrible qui anime certains Psaumes. Il est vraisemblable que le poète s'en est nourri.
Paix à ton âme I MEN, homme de courage et de foi. Il suffit qu'il n'y en ait qu'un comme toi pour changer la face des événements. Oui, Paix à toi, dans la lumière qui ne ternit ni ne s'éteint jamais.

vendredi 3 juillet 2009

Une ronde infernale

Dans un essai, daté de 1999, qu'il n'a pas publié et qui porte sur la nécessaire adaptation de l'entreprise au monde en mutation, François LAGANDRE constate ceci, qui me paraît fort juste :


"Avec le développement de la mondialisation des rapports commerciaux et de la circulation des capitaux, le montants des flux financiers enregistrés actuellement représente environ quarante fois celui des échanges de marchandises ; quant aux transactions quotidiennes sur le marché des changes, leur montant est plus important que l'ensemble des réserves de toutes les banques centrales. [...] Le poids des sommes mises en oeuvres devient tel que les gouvernements et les directions d'entreprises voient remettre en cause leur liberté d'action. [...] ainsi les attaques contre une monnaie peuvent-elles mettre en jeu des capitaux dont le montant est hors de proportion avec les réserves que des États, même puissants, sont en mesure de mobiliser."
C'est proprement effrayant, incontrôlable.
Je ne peux pas m'empêcher de rapprocher ce constat lucide de ce que disait Simone WEIL dans son essai sur les Causes de la liberté et de l'oppression sociale :
"L'extension formidable du crédit empêche la monnaie de jouer son rôle régulateur en ce qui concerne les échanges et les rapports des diverses branches de la production ; et c'est bien en vain que l'on essaierait d'y remédier à coups de statistiques. L'extension parallèle de la spéculation aboutit à rendre la prospérité des entreprises indépendante, dans une large mesure, de leur bon fonctionnement, du fait que les ressources apportées par la production même de chacune d'elle comptent de moins en moins à côté de l'apport perpétuel de capitaux."
Et voilà. La boucle est bouclée. C'est le renversement du rapport entre la fin et les moyens qui aboutit à l'immense gâchis que nous voyons s'étendre et grossir sous nos yeux. L'argent est devenu une fin ; l'entreprise n'est plus jugée en fonction de son utilité sociale, mais des juteux bénéfices que l'on peut tirer de la spéculation sur ses actions. C'est la spéculation qui est ignoble et qui doit être interdite par tous les moyens : à cette fin, un seul moyen, taxer les plus values en fonction du temps de détention de l'action par son propriétaire. Il n'est pas normal d'acheter le matin pour vendre le soir. Ou de vendre le matin pour acheter le soir. C'est économiquement idiot, moralement insupportable, politiquement gros de dangers. Il convient donc de taxer à 95 % les plus-values réalisées sur ce très court délai de rétention. Celui qui garde une action plus de 5 ans devrait pouvoir la revendre avec bénéfices sans payer d'impôt sur les plus-values.
Non, tout honnête homme ne peut qu'être révulsé à l'idée que la ronde infernale de l'argent, la danse du ventre devant le dieu Mammon, gouverne la vie du monde, des états, et des familles. Si vous trouvez mon idée juste, dites- le en commentaire.

jeudi 2 juillet 2009

Un point de vue intéressant sur le miracle des origines

Je viens de trouver par hasard un texte d'Hannah ARENDT qui me paraît tout à fait intéressant. Dans le contexte de scientisme, et du cortège de croyances qui l'accompagne, le point de vue est rafraîchissant. Et, venu d'une personne qui pense aussi intensément et profondément qu'Hannah ARENDT, il incite à la prudence.
"Du point de vue des processus universels et des probabilités statistiques qui les régissent, la naissance de la terre est déjà une improbabilité infinie. Et il n'en va pas autrement pour la naissance de la vie organique à partir du processus de développement de la nature inorganique. Ces exemple font voir que, chaque fois qu'il se produit quelque chose de neuf, cela fait irruption à l'improviste, d'une façon non calculable et finalement causalement inexplicable, comme un miracle dans l'enchaînement des déroulements calculables. En d'autres termes, tout nouveau commencement est par nature un miracle, tout au moins lorsqu'il est vu et expérimenté du point de vue des processus qu'il interrompt nécessairement. En ce sens correspond à la transcendance religieuse de la croyance au miracle, la transcendance réellement démontrable de tout commencement par rapport à la continuité du processus dans lequel il fait irruption." (In "La politique a-t-elle finalement encore un sens ?")
J'apprécie énormément ce point de vue qui permet de moduler les évidences assénées par nombre de pseudo-scientifiques sur les origines de la vie. Il me semble que la reconnaissance de notre impuissance à connaître en ce domaine, et l'humilité qui doit accompagner cette faiblesse, laissent à chacun de nous l'espace intérieur nécessaire pour s'interroger sur notre fin dernière. Si le but de la politique est de conduire chaque être humain à la fin qui lui est due, on comprend l'importance du constat que fait, avec beaucoup de probité, ARENDT, sur la transcendance des commencements.

Il a fini par renoncer

Ah, chers lecteurs, il y a des moments d'intense jubilation dans l'espace public ! Monsieur DELARUE renonce à sa scandaleuse émission sur les prêtres. Je joins ici le message de l'un des initiateurs du mouvement de protestation qui a conduit ce "journaliste" à renoncer :
"Chers amis, cela vaut le coup de bouger! L'émission de Jean-Claude Delarue "Les prêtres sont-ils des hommes comme les autres?" présentée de manière odieuse a été déprogrammée sous les effets conjugués de plus de 200 e-mails par jour, 50 appels par jour et x courriers reçus. Ils n'en pouvaient plus et n'en peuvent plus parce que cela continue et l'assistante de JC Delarue a «supplié» de prévenir de l'annulation de l'émission pour que cela s'arrête ! Grosse frayeur de leur côté, ils ne s'attendaient pas à cela et ont été finalement assez ébranlés. Le temps ou les catholiques pouvaient être l'objet de railleries gratuites semble avoir du plomb dans l'aile.... à condition d'être vigilants. Merci mille fois à tous pour votre mobilisation. Bien cordialement, Bruno Touttée."
J'insiste sur le fait qu'il ne s'agit pas ici d'une réaction d'intégriste, mais d'une légitime protestation contre la manière scandaleuse et étroitement cadrée dont le "journaliste" voulait présenter son émission. Aucun sujet, en soi, n'est tabou. La sexualité et l'affectivité des prêtres est un sujet qui mérite d'être traité, sérieusement, honnêtement, mais non par le petit bout de la lorgnette. A cet égard, lisez le livre très complet que Monique HEBRARD a publié sur les Prêtres, aux éditions Buchet-Chastel. Aucun sujet n'est écarté par cet auteur. Elle a enquêté patiemment, avec délicatesse, et nous en apprenons beaucoup sur les joies, les difficultés, la vie de ces hommes qui ont tout de même tout quitté pour suivre le Maître. Voilà toute la différence entre la probité intellectuelle et le racolage dont monsieur DELARUE semble s'être fait une spécialité.

mercredi 1 juillet 2009

Et si nous étions objectifs, que se passerait-il ?

Il est de bon ton de moquer toutes les initiatives prises par l'exécutif pour juguler les effets de la crise. Si les critiqueurs, contempteurs, opposants de tous poils et de toutes plumes voulaient être objectifs, ils se poseraient cependant quelques questions.
L'Express dans son numéro du 25 juin, publie en page 90 les statistiques de l'NSEE. J'y lie avec intérêt les données qui portent sur l'évolution du Produit Intérieur Brut dans divers pays développés. Il baisse partout. Ce n'est pas une nouvelle. Mais dans quelle ampleur ? Les données peuvent être une surprise.
L'Allemagne verra son PIB chuter de 6,9 % en 2009, l'Italie de 6,1 %, la zone euro de 5,2 %, l'Espagne de 4,6 %, le Royaume-Uni de 3,8 %, les Etats-Unis de 3,4 %, et la France de 3 % seulement. En d'autres termes, parmi les pays les plus riches, notre patrie est celui où les conséquences de la crise sur la croissance économique sont les plus faibles. Certes, il s'agit de données macro-économiques, qui ne tiennent pas compte de l'augmentation dramatique du chômage ; en pourcent de la population active française, il atteindra 10,5 %. Que de drames, que d'angoisses dans ces chiffres. Mais que se serait-il passé avec une chute du PIB de 5 à 6 % ?
L'honnêteté intellectuelle exige que l'on se demande pourquoi c'est en France que la chute du PIB sera la plus faible. Il se peut que ce soit tout simplement un hasard ; c'est peu vraisemblable. Mais il se peut aussi que ce soit la conséquence des mesures prises par le Gouvernement. Si nous étions objectifs, nous chercherions ensemble les raisons de ce qui paraît bien être une performance. Et nous tâcherions de nous mettre tous d'accord pour améliorer ces résultats.