mardi 12 janvier 2010

Le Roi est tout nu, ou l'art de se moquer du monde

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Qu'est-ce que l'art ? La question mérite d'être posée au moment ou monsieur Christian BOLTASNKI, l'un des artistes contemporains français les plus considérables, paraît-il, s'apprête à exposer ses oeuvres au Grand Palais. Dans la mesure où l'artiste a demandé que le grand vaisseau de verre ne soit point chauffé, je recommande en premier lieu au visiteur de venir bien couvert, et de se munir aussi de cachets d'aspirine. Je vous dirai pourquoi dans quelques instants.
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Or donc cet artiste considérable expose à la vue des amateurs, en premier lieu, une montagne de vieux vêtements, disposés - je l'ai vu de mes yeux au Journal Télévisé - sur une armature de caisses en bois, au moyen d'une grue et ceci d'une manière tout à fait aléatoire, puisque les vêtements sont tombés de mâchoires de fer qu'a entrouvert un grutier au-dessus du support. Les caisses sont complètement enfouies sous ce monceau informe de vestes, de pantalons, de chemisiers tombés du ciel. En outre sont étalés, à côté, dans des carrés délimités par des piquets, d'autres vêtements usagés, plus soigneusement disposés. Je reconnais là qu'il y a une intervention humaine dans la disposition des constituants, ce qui est bien le moins qu'on puisse demander à un artiste dont on cherche cependant l'intention, et le message qu'il veut nous communiquer.
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Voilà ce que l'on présente au public. Que ces dispositifs aient du sens pour BOLTANSKI, je n'en doute pas, encore que... Mais qu'il en est pour les visiteurs, là je doute. Il paraît qu'il faut y voir une évocation des camps de concentration. Alors faites marcher votre imagination, évoquez, et il se peut que ces créations vous y aident, mais n'en tenez aucun compte pour forcer l'évocation. Sinon vous allez avoir mal à la tête (d'où l'aspirine).
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Que l'art doive produire des oeuvres nouvelles est sans doute nécessaire, en tout cas utile. Mais en quoi doit consister la nouveauté ? Il peut y avoir des nouveautés de matière, de couleur, de forme, de support, de thèmes abordés (quand l'oeuvre est figurative), mais surtout la nouveauté doit gésir dans l'inspiration. Et c'est pourquoi il est possible de renouveler par l'inspiration des formes anciennes tout en faisant de l'art contemporain. L'exemple le plus saisissant est celui des peintres d'icônes, qui tout en suivant des canons très rigoureux, arrivent chaque fois à nous saisir jusqu'au plus profond de l'être. Et si l'art n'était que nouveauté, cela signifierait qu'il faut rejeter les oeuvres anciennes dans l'enfer du néant. Or le temps, qui est un grand maître, sait faire la part des choses. De l'écume des jours, il ne subsiste pour notre sensibilité et notre intelligence que le meilleur. Je doute fort que les monceaux de monsieur BOLTANSKI résistent à l'assaut des siècles. Je crois que monsieur BOLTANSKI se moque du monde, même s'il ne le sait pas, ce qui est infiniment grave pour un artiste.
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Et pour s'en assurer, il suffira de le demander à des enfants, dont le sens artistique n'est pas émoussé, dévié, ou gâté par les médias et les marchands d'art. Ils le diront peut-être différemment. mais ils le diront, devant ces tas qui n'ont aucun sens, comme jadis le disait l'enfant de l'invisible vêtement du Roi : le Roi est tout nu ! Il n'a pas de vêtement ! Le Roi est tout nu.

1 commentaire:

MALTAISE a dit…

Il y aurait beaucoup à dire sur la goujaterie, la désinvolture, le mépris, la suffisance que reflètent certaines formes de l 'art contemporain!

J' ai plaisir à me souvenir d' une anecdote racontée par un ami: le fils de la remplaçante du concierge était venu lui apporter un colis. C 'était un adolescent de 12 ans, venant d' une famille bien pauvre de Béthune. Etant entré dans l 'appartement de notre ami et ayant jeté un coup d' oeil alentours, cet enfant avise un buste de Carpeaux
sur une sellette. Il l ' examine longuement, et finit par dire:"
J' aime beaucoup cette statue, et
je crois que c 'est ce qu 'il y a de plus beau chez vous, Monsieur ".

La beauté et l' harmonie, injustement méprisées par beaucoup, doivent donc être toujours reconnaissables.
Malheureusement nous sommes entrés dans une ère de la laideur dans l 'art, encouragée par les plus hautes instances médiatiques et politiques.
Puisqu' il existe des gens qui sont sensibles spontanément à l' exceptionnel, pourquoi cherche-t-on à niveler par le bas, et souvent vers le vil ( pas seulement dans la peinture ) ?

Allons jusqu' à dire que ces " artistes du gras " ignorent totalement le sens de la moralité.


Toutefois, il ne faut pas désespérer complètement: nous avons fait récemment de longues queues pour pouvoir admirer les portraits de Renoir inspirés par le bonheur, les oeuvres de Tintoret, Véronèse et Titien, et les peintres du siècle d' or hollandais.

Françoise et Dominique