dimanche 31 janvier 2010

Statistiques

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Les syndicats de fonctionnaires se plaignent de la réduction du nombre de postes. Il convient donc de regarder de près si cette plainte est fondée ou non.
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Les chiffres que je vais vous citer sont donnés par le journal Libération dans son numéro daté du 21 janvier 2010. Ce journal n'est pas suspect de complaisance pour le pouvoir. Par ailleurs il commente ces chiffres parfois avec âpreté, mais avec une certaine objectivité, en séparant les faits des opinions.
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Il faut d'abord rappeler qu'il y a trois ordres de fonctions publiques en France : la fonction publique d'Etat, la fonction publique territoriale, la fonction publique hospitalière. A l'intérieur de ces trois ordres de fonction, les statuts pullulent. Il me souvient, mais je n'ai plus en tête le chiffre exact, ni la source de mes informations, que ces statuts sont au nombre de plus d'un millier.
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Le nombre de fonctionnaires d'Etat est passé de 2.401.791 en 1996 à 2.4484.484 en 2007. Il a baissé de 31.000 postes (environ) depuis 2002. Mais l'augmentation est tout de même de 80.000 postes.
Le nombre de fonctionnaires territoriaux est passé de 1.262.361 à 1.748.378 pendant cette même période soit une augmentation de près de 500.000 postes.
Le nombre de fonctionnaires hospitaliers est passé, lui, de 825.710 à 1.035.073, soit une augmentation de 200.000 postes.
Ainsi, dans un laps de temps de onze ans, la France a vu augmenter de près de 780.00, le nombre d'agents relevant des divers ordres de la fonction publique.
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Il est donc faux de dire que le service public se voit déshabiller par les coupes sombres pratiquées dans les postes ouverts à l'emploi. Il est clair que le transfert de compétences de l'Etat vers les Régions a pu justifier l'augmentation massive du nombre de fonctionnaires territoriaux, mais enfin dans des proportions qui me semblent sans commune mesure avec l'ampleur réelle du transfert. Les coupes portent sur les agents de la fonction publique d'Etat.
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Comme il est impossible, et du reste inutile, de mesurer en termes financiers la production des fonctionnaires, on admet qu'elle est égal à la somme des traitements qui leur sont versés. Ainsi, entre 1996 et 2007, une part importante de l'augmentation du Produit Intérieur Brut est imputable à l'augmentation du nombre de fonctionnaires, c'est à dire des dépenses fixes incompressibles. Cette notion est à prendre en compte quand on analyse l'évolution du PIB de notre pays.
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Par ailleurs, les partenaires sociaux n'ayant jamais pu se mettre d'accord sur un moyen d'évaluation objectif des qualités des agents de l'Etat et de la pertinence des fonctions, les uns ne voyant que la question de la productivité à court terme, les autres que l'offense au statut du fonctionnaire et au pouvoir discrétionnaire des syndicats sur les promotions au choix, il est presque impossible de savoir si la cration ou la suppression de tel poste est justifié ou non.
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Enfin, lors du débat avec monsieur SARKOZY, madame ROYAL a montré une ignorance incroyable : en proposant des mouvements de postes d'un ordre à l'autre, elle semblait ignorer qu'il n'est pas possible de le faire pour des raisons de statuts, de concours, et de budgétisation. Mais il faut admettre qu'un peu d'imagination législative pourrait peut-être remédier à cette situation.
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Le cas des enseignants est tout à fait particulier. La France est le pays européen qui dépense le plus pour les enseignements primaires et secondaires. Elle compte plus de 800.000 enseignants. Comme je l'ai déjà dit, ces enseignants sont souvent d'un dévouement remarquable. Et pourtant, notamment dans les écoles et les collèges, les résultats ne sont pas à la hauteur des efforts engagés. Croire qu'il suffit d'augmenter le nombre de postes pour que le résultat soit automatiquement amélioré est au mieux aimablement utopique, au pire incroyablement cynique et clientéliste. Il faut réfléchir très sérieusement et sans idées préconçues aux raisons qui amènent à cette situation désespérante de trop nombreux échecs scolaires, et après une analyse sérieuse et non idéologique du phénomène, mettre les moyens adaptés au service de cette grande cause. Tant que, du côté syndical, on défilera avec des trompettes et des tambours dans les rues pour réclamer des postes, et que du côté des pouvoirs publics, on raisonnera en termes purement comptables ou statistiques (taux d'encadrement moyen par exemple) pour trouver une issue à cet angoissant problème, on n'avancera guère. Le problème n'est ni politique, ni idéologique, ni quantitatif : c'est un problème de civilisation.
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2 commentaires:

olibrius a dit…

De quel débat faites-vous référence entre Royal et Sarkozy?

Mon Dieu, quelle fut donc votre fonction cher Phiphi? Fonctionnaire? Aie Aie Aie.

Philippe POINDRON a dit…

Cher Olibrius, j'ai été fonctionnaire, et je ne pense pas dans ce billet avoir décrié la fonction, mais souligné les difficultés qu'il y a à évaluer la pertinence et l'utilité d'un poste. Par ailleurs, je pense avoir honoré la fonction en travaillant énormément et en trouvant pour mes élèves des positions qui correspondent à leurs aptitudes. Tous ont trouvé du travail. Et je m'en félicité.
Le débat auquel je fais allusion est celui qui a précédé l'élection présidentielle de 2007. Il me semble avoir été assez nuancé dans mes propos et avoir donné des pistes de discussion. Mais après tout, je me trompe peut-être.