vendredi 19 mars 2010

Chant pour Emilie

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Vendredi dernier, vers 19 heures, je rentre chez moi en Métro. En haut de l'escalier qui descend au quai, je vois, acagnardée contre le mûr, une jeune fille. Elle est littéralement prostrée. Un bonnet de laine marron orangé enfoncé sur la tête, elle ne lève pas les yeux. Entre ses genoux, une sébile, ou plus exactement un gobelet en carton de chez McDo. Elle ne dit rien, ne réclame rien, ne regarde rien.
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Je suis saisi de compassion, après, je dois le dire, un moment d'hésitation : nous sommes tellement sollicités. Je fourrage dans ma poche intérieure, en extirpe mon porte-monnaie, et met quelques pièces dans le gobelet. Tout de même, je m'interroge. Et je l'interroge.
-Comment vous appelez-vous ?
-Emilie.
Et elle lève un peu le visage ; je vois deux yeux verts, envahis de tristesse.
-Que faites-vous là ? Où dormez-vous ce soir ?
-Je ne sais pas. J'ai commencé tard, cet après-midi. Je suis là depuis peu de temps, une heure.
- ???
-Oui, avant ce sont les gitans qui font la manche.
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Je comprends alors que les escaliers, les trottoirs, les porches et tous lieux où l'on peut apitoyer le passant sont colonisés dès le matin par les gitans qui se partagent entre eux les territoires et entendent bien se les garder pour eux. Emilie ne peut donc mendier que quand ils ont fait place nette.
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Emilie a 24 ans. Je ne connais pas les raisons pour lesquelles une jeune fille de son âge se trouve réduite à cette extrémité. J'ai le coeur serré en y pensant. Bien entendu, j'ai rallongé un peu mon obole. Je regrette de ne pas avoir donné plus.
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Si vous passez par la station Sèvres-Babylone, ligne 10, direction Pont de Saint-Cloud, et que vous voyiez une jeune fille aux yeux verts, c'est Emilie. Je vous en supplie, soyez plus généreux que moi. que de telles situations puissent exister me révolte. Mais que faire ?
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Un autre billet tout à l'heure.

2 commentaires:

Geneviève CRIDLIG a dit…

A Emilie que je ne rencontrerai jamais :

Je connais un pays où il y a des vraies Emilies qui n’ont même plus la force de tendre la main pour quémander de l’argent.
Mais je connais aussi un pays où des gens riches tendent la main sous la table pour ‘quémander’ de l’argent de force – plutôt pour exiger de l’argent de leur ‘ client’ en plus de leur salaire normal et beaucoup.
Je connais donc un pays où des contrôleurs ne contrôlent pas toujours et pas tout.

Je connais donc un pays où il y a, par exemple, un chirurgien qui reçoit ainsi de son futur patient un ou plusieurs milliers d’euros en plus du montant de l’opération prévu et déclaré à la Sécu = un supplément d’honoraires clandestin > Décidément ... Pauvre sécu ! Pauvre mendiant !
Tout le monde le sait y compris le médecin spécialiste qui lui a envoyé son patient et qui livre sa profonde réflexion : « il faudrait tout de même que l’hôpital arrive à payer suffisamment ses chirurgiens ».
Pauvre mendiant : nombre de ses confrères ont déjà opté pour aller dans le privé. Et puis penserez-vous : pourquoi choisir dans ce cas un tel chirurgien ? Il y en a bien d’autres dans sa spécialité.
> Oui, mais quand on est malade, en ayant déjà subi telle opération du même genre déjà ratée, on préfère payer cash un grand ponte célèbre et si renommé, dont il vous a été dit et redit que la valeur est ‘reconnue’ par les clubs sportifs de toute la France qui lui envoient leurs joueurs blessés. Alors dans ce cas là fi de toute référence morale, on économise, on fait un prêt : ce qu’on veut c’est guérir en mettant toutes les ‘chances ‘ de son côté – même en se pliant à ce qu’il faut bien appeler un racket. Et on se tait. On entre dans la complicité de force.

J’aimerais bien - cette fois-ci – voir la tête des responsables de la CPAM de Strasbourg...

Je connais donc un pays où il y a, par exemple, un agent immobilier qui tend la main sous la table en contrepartie d’une opération de vente d’un bien > vous me donnerez en plus 20 % du montant total – en espèces. D’accord. Et cette pratique, elle est connue par tous, depuis bien une trentaine d’années >> Ah bon, s’exclame un collègue de la région (toujours l’Alsace): je ne comprends pas : ses pratique méritent la correctionnelle et les gens continuent à aller dans cette agence...Pourquoi ???
Question : où sont les contrôles ?

Tout ça alors que je viens d’apprendre que le Conseil général des Vosges vient de mettre en place une taxe additionnelle de 10% sur la taxe de séjour avec rétroactivité sur 3 ans ! Réaction du Conseil communautaire : une motion dans laquelle elle « regrette la décision du Conseil général dans la manière et sur l’application sans aucune concertation avec les Communes et Communauté de Communes, subit brutalement cette taxe et est dans l’obligation d’appliquer la taxe additionnelle à la taxe de séjour. »
Ici on ne se tait pas mais on est obligé de payer quand même. Pauvre Conseil Général ! Pauvre mendiant!De l’argent il lui en faut - alors pas de sentiment.
Et il paraît qu’il y a des élections régionales dimanche...

Tout ça, Emilie, vous vous en doutiez, mais que dire ??? Emilie se tait, elle continuera à se taire et à poser son gobelet entre ses genoux...on ne sait jamais: aujourd’hui quelqu’un m’a regardée et m’a même parlé...

Sommes - nous acagnardés à nous taire?

mylye2222 a dit…

Je suis Emilie. Je vous remercie d'avoir poste ce post. Ca va un peux mieux; maintenant, je fais bien moins la manche!!!!