jeudi 4 mars 2010

Quand l'avenir devient présent

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Les élections régionales approchent à grands pas, et l'opposition place de grands espoirs en elles. Il semble bien que ses espoirs ne seront pas déçus. Néanmoins, je me permets de rappeler à ses chefs, comme du reste à ceux de la majorité, ce constat que j'emprunte à ma chère Simone WEIL, pour qui je nourris une grande vénération :
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"Quand on est déçu par un plaisir qu'on attendait et qui vient, la cause de la déception, c'est qu'on attendait de l'avenir. Et une fois qu'il est là, c'est du présent. Il faudrait que l'avenir fût là sans cesser d'être l'avenir. Absurdité dont seule l'éternité guérit." (La pesanteur et la grâce. Librairie Plon, Les petits fils de Plon et Nourrit, Imprimeurs-Editeurs, Paris, 1948. Page 23, §2.)
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Voilà de quoi réfléchir à la fois à l'importance et à la vanité de toute action politique. Bien que sur ce point, celui du temps, je ne partage pas entièrement les vues de Simone WEIL - pour elle, il est nécessaire de s'en abstraire pour rencontrer Dieu - je crois que les hommes politiques d'où qu'ils viennent et quels qu'ils soient, élaborent un programme qui n'est jamais qu'une accumulation et de projets et de promesses, sans réaliser qu'ils ne sont pas maîtres du futur, et que quand le futur devient présent, il correspond rarement à l'idée qu'ils s'en faisaient. C'est pourquoi à cette remarque de notre philosophe, j'en ajouterai une autre :
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"L'imagination combleuse de vides est essentiellement menteuse. Elle exclut la troisième dimension, car ce sont seulement les objets réels qui sont dans les trois dimensions. Elle exclut les rapports multiples."
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Alors là, je partage entièrement cette analyse. Et c'est le reproche que je fais à tous les hommes politiques. Ils critiquent ou ils proposent, mais oublient très souvent les rapports multiples. Pour ne les point négliger, il faut avoir une vue précise de ce qu'est l'homme, l'exposer, et la développer par une action continue, inscrite et dans le présent et dans la durée. Or par définition, une société laïciste s'interdit de poser dans l'espace politique et public la question du sens, et le renvoie dans l'espace privé. Il ne faut pas s'étonner alors de voir tant de comportements individualistes. Et qu'on ne me parle pas de projets collectifs. Ils tombent sous le coup de la première critique de Simone WEIL sur l'avenir qui devient présent. Il y faut plus de souffle, plus d'esprit et plus de transcendance, que le simple exposé de résultats techniques, souvent chiffrés, mais dépourvus de sens ou de valeurs.
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1 commentaire:

Geneviève CRIDLIG a dit…

« Il y faut plus de souffle, plus d'esprit et plus de transcendance, que le simple exposé de résultats techniques, souvent chiffrés, mais dépourvus de sens ou de valeurs. »

N’était-ce pas la ligne de force d’un grand homme qui vient de quitter la planète Terre : Jacques Marseille ?

J’avais une fois relevé combien sa personnalité me frappait – en dehors de toute considération politico etc. étriquée -
Que de peine... Pour moi, c’est un exemple : une telle compétence ! Un tel élan, une telle aisance, un tel rayonnement, un tel enthousiasme contre vents et marées, une telle maîtrise de l’art de la pédagogie tout azimuts, enfin un tel sourire !
Par ces qualités, je ne peux m’empêcher de le situer à côté d’Adrien Zeller, ancien Président de la région Alsace : je ne connais pas d’autres personnes dans la sphère économique, universitaire, politique, journalistique, qui possèdent cette joie profonde au cœur d’un métier public.

D’ailleurs, s’il est une expression qui tend à disparaître de plus en plus aussi bien des écrans que des trottoirs ou des réunions diverses, c’est bien le sourire.
Des rires, de la rigolade, des masques de rictus, la télé par exemple en surabonde jusqu’à l’indigestion mais voir un visage souriant...
Ca existe, j’en connais, mais si peu. Un charisme. Un trésor.
Eternel.

Car je crois que nous traverserons l'éternité avec tout ce que nous sommes, corps et âme, et en plus tout à fait 'dépliés'.