samedi 17 avril 2010

Il faut supprimer les partis politiques

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Je vous jure que je ne l'ai pas fait exprès. Figurez-vous que je suis tombé par hasard sur un petit opuscule dû à Simone WEIL, notre grande Simone WEIL, en cherchant un tout autre ouvrage dans les rayons d'une excellente librairie. Il a pour titre Note sur la suppression générale des partis politiques. Je l'ai dévoré en quelques dizaines de minutes, car le texte est court mais d'une inégalable densité. On ne sort pas de cette lecture comme on y est entré, et l'on se fait alors de la démocratie une tout autre idée de ce qu'elle prétend être dans la bouche de nos élites. Au fur et à mesure de ma lecture, je me disais : voilà ce qui est juste et que je n'ai jamais su bien dire dans mes billets. Voilà ce que mes lecteurs doivent lire, méditer, connaître et approfondir : il ne peut y avoir de parti politique légitime dans un régime authentiquement démocratique.
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D'abord, un peu d'histoire. Cette note a paru dans le numéro 26 de la revue La Table ronde, daté du mois de février 1950. André BRETON réagit à ce texte alors inédit dans une livraison d'avril du journal Combat et ALAIN, qui fut un des maître de Simone WEIL, le fait au même mois dans la même revue de La Table ronde. Simone WEIL est morte depuis sept ans quand paraissent ces réflexions.
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Voici quelques extraits de ce texte dont je recommande absolument la lecture, et de la plus urgente et expresse manière.
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"Le fait qu'ils [les partis] existent n'est nullement un motif de les conserver. Seul le bien est un motif de conservation. Le mal des partis politique saute aux yeux. Le problème à examiner, c'est s'il y a en eux un bien qui l'emporte sur le mal et rende ainsi leur existence désirable."
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"S'ils sont du mal, il est certain qu'en fait et dans la pratique ils ne peuvent produire que du mal. [...] Mais il faut d'abord reconnaître quel est le critère du bien.
Ce ne peut être que la vérité, la justice, et, en second lieu, l'utilité publique.
La démocratie, le pouvoir du plus grand nombre, ne sont pas des biens. Ce sont des moyens en vue du bien, estimés efficaces à tort ou à raison."
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"Seul ce qui est juste est légitime. Le crime et le mensonge ne le sont en aucun cas."
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"La vérité est une. La justice est une. Les erreurs, les injustices sont indéfiniment variables. Ainsi les hommes convergent vers le juste et le vrai, au lieu que le mensonge et le crime les font indéfiniment diverger. L'union étant une force matérielle, on peut espérer trouver là une ressource pour rendre ici-bas la vérité et la justice matériellement plus fortes que le crime et l'erreur."
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Il est très important au point où j'en suis de mes citations d'indiquer que Simone WEIL attribue aux passions le crime et les erreurs. Et à propos des théories de Jean-Jacques ROUSSEAU, exposées dans le Contrat social, elle dit ceci :
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"Un vouloir injuste commun à toute la nation n'était aucunement supérieur aux yeux de ROUSSEAU - et il était dans le vrai - au vouloir injuste d'un homme. [...] ROUSSEAU pensait seulement que, le plus souvent, un vouloir commun à tout un peuple est en fait conforme à la justice, par la neutralisation mutuelle et la compensation des passions particulières. C'était là pour lui l'unique motif de préférer le vouloir du peuple à un vouloir particulier."
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"Si une seule passion collective saisit tout un pays, le pays entier est unanime dans le crime. Si deux, ou quatre ou cinq ou dix passions collectives le partagent, il est divisé en plusieurs bandes de criminels. Les passions divergentes ne se neutralisent pas, comme c'est le cas pour une poussière de passions individuelles fondues dans une masse ; le nombre est bien trop petit, la force de chacune est bien trop grande pour qu'il puisse y avoir neutralisation. La lutte les exaspère."
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"Pour apprécier les partis politiques selon le critère de la vérité, de la justice, du bien public, il convient de commencer par en discerner les caractères essentiels. On peut en énumérer trois. (a) Un parti politique est une machine à fabriquer de la passion collective. (b) Un parti politique est une organisation construite de manière à exercer une pression collective sur la pensée de chacun des êtres humains qui en sont membres. (c) La première fin, et, en dernière analyse, l'unique fin de tout parti politique est sa propre croissance, et cela sans aucune limite.
Par ce triple caractère, tout parti est totalitaire en germe et en aspiration." [Les divisions en (a), (b) et (c) sont de votre serviteur.]
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Et ceci qui est admirable de justesse et de profondeur :
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"Mais comment désirer la vérité sans rien savoir d'elle ? C'est là le mystère des mystères. Les mots qui expriment une perfection inconcevable à l'homme - Dieu, vérité, justice - prononcés intérieurement avec désir, sans être joints à aucune conception, ont le pouvoir d'élever l'âme et de l'inonder de lumière.
C'est en désirant la vérité à vide et SANS TENTER D'EN DEVINER A L'AVANCE LE CONTENU QU'ON REÇOIT LA LUMIÈRE. C'est là tout le mécanisme de l'attention. [Majuscules de votre serviteur.]
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Comment passer sous silence la conclusion ? Impossible. Elle résume absolument ce que je pense.
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"Presque partout - et même souvent pour des problèmes purement techniques - l'opération de prendre parti, de prendre position pour ou contre, s'est substituée à l'opération de la pensée.
C'est là une lèpre qui a pris origine dans les milieux politiques, et s'est étendue à travers tout le pays, presque à la totalité de la pensée.
Il est douteux qu'on puisse remédier à cette lèpre, qui nous tue, sans commencer par la suppression des partis politiques."
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Demain matin, je reprendrai un passage de Cynthia FLEURY et un passage de Rémi BRAGUE, qui illustreront de manière concrète la signification essentielle de l'ouvrage de Simone WEIL que tout citoyen devrait avoir lu. J'ajoute que, piqué au vif par les remarques d'un lecteur que j'admire et qui trouve mes billets sans fadeur et sans pertinence, je me suis rendu compte qu'il avait raison, et qu'il n'y a aucune raison de ne pas dire crûment ce que je pense : non au PS (le premier créateur de ces coupables pulsions collectives), non à l'UMP (le second créateur), non au Modem, non au PC, aux écologistes et à toutes ces organisations créatrices de ces passions partisanes qui nous empêchent de vivre vraiment en démocratie.
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3 commentaires:

Geneviève CRIDLIG a dit…

Depuis longtemps je me demandais si je n’allais pas créer le PSP = le Parti des Sans Partis : mais ne serait-ce pas aussi un parti et qui rassemblerait des déçus et une autre forme d’opposants ? Enfin c’était de l’humour un peu désespéré.
Et voici ce billet qui, plus que me conforter dans mon sentiment, m’éclaire vraiment : je me mets à rêver d’une politique qui ne soit plus liée ou issue d’un système d’idées mais émanant d’un homme ou d’une femme. Qu’est-ce que la droite ? la gauche ? Pire encore quand on avance dans les centre droit ou les radicaux de ceci ou de cela ?
Est-ce la réponse à une simple question que je me pose et qui peut paraître bien naïve ou inculte:
Comment vivre pratiquement en démocratie sans partis ?
Même les hommes qui fédèrent en arrivent à fonder un parti qui reprend leur nom. Il se produit forcément des attirances et des rejets ; des engouements et des haines -que ce soit un homme ou un projet ou un système d’idées - Le résultat est le même. Et puis la palette des différentes tendances ne se retrouvera-t-elle pas ?

Les politiques ne devraient-ils pas être semblables aux vrais philosophes qui sont intimement liés à la philosophie qu’ils ont en quelque sorte engendrée ?

Unknown a dit…

3 ans après ton post fourmi, je ne sais pas si tu as créé ton parti sans parti mais perso je suis en train de lancer "Le Pouvoir aux Citoyens". Déjà en 1986 je m'étais présenté aux élections législatives puis cantonales et j'avais alors créé le M.E.D. "Mouvement des Electeurs Déçus".

J'ai édité un message vidéo sur le site que j'ai créé lepouvoirauxcitoyens.fr où j'invite à assister à une réunion le 15 novembre qui révèlera une initiative originale qui pourra permettre d'accélérer le changement de système.

Soyons nombreux à créer des organisations pour appeler à supprimer les partis !

Unknown a dit…

3 ans après ton post fourmi, je ne sais pas si tu as créé ton parti sans parti mais perso je suis en train de lancer "Le Pouvoir aux Citoyens". Déjà en 1986 je m'étais présenté aux élections législatives puis cantonales et j'avais alors créé le M.E.D. "Mouvement des Electeurs Déçus".

J'ai édité un message vidéo sur le site que j'ai créé lepouvoirauxcitoyens.fr où j'invite à assister à une réunion le 15 novembre qui révèlera une initiative originale qui pourra permettre d'accélérer le changement de système.

Soyons nombreux à créer des organisations pour appeler à supprimer les partis !