dimanche 18 avril 2010

Que la haine est toujours la fille d'un préjugé

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Je vous ai dit hier soir que, dans le billet de ce jour, je reviendrais sur les réflexions de Cynthia FLEURY (dont une de mes lectrice et très fidèle amie prétend qu'elle me sert d'égérie !). Promesse tenue. Cynthia parle fort bien d'une pathologie propre à notre démocratie, celle du mal de dire le mal, pathologie qui, selon moi, frappe surtout les journalistes et les hommes politiques.
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Tout le monde ou presque connaît l'histoire du jeune Joseph, le dernier fils de Jacob, ce jeune Joseph livré par ses frères à des marchands de passage, en raison de la haine qu'ils lui portaient. Ils n'acceptaient pas que leur père semblât manifester une préférence pour ce petit dernier, que Rachel, sa mère, avait attendu si longtemps et qui était morte peu de temps après l'avoir mis au monde. Voici comment Cynthia FLEURY commente, avec l'aide de Marc-Alain OUAKNIN, cet épisode :
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"[...] La haine des fils contre Joseph est née de l'idée qu'ils se faisaient des sentiments de leur père à l'endroit de Joseph et du contenu de ses songes. [Joseph, en effet, avait rêvé qu'il aurait un avenir lumineux et puissant. Note du transcripteur]. Avant la haine, il y a donc l'interprétation que l'on se fait des choses - et finalement le préjugé. Or qu'est-ce que la médisance sinon (d'abord) un préjugé ? Qu'est-ce que médire, sinon juger le monde à partir de schémas déjà connus ? Avant même d'interroger la teneur des événements et des actes, on juge d'emblée, on statue et l'on médit."
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C'est très exactement ce que je reproche à l'opposition socialiste qui critique, médit, moque, et ridiculise le Président de la République, avant même de s'interroger sur le contenu ses réformes qu'il propose. Je fais le même reproche à ceux qui, "à droite" (mot idiot, et erreur topologique fondamentale) critiquent sans en examiner les tenants et les aboutissants, les rares idées émises par l'opposition. Mais je suis obligé de constater que la rancune et la haine sont de ce côté-là (à "droite") moins tenaces et moins rancies que de ce côté-ci (à gôôôôche). Le socialisme français et les médias qui le suivent sont les champions de la médisance, du ressentiment, de la haine et de la rage impuissante.
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Alors quelles solutions trouver à cette situation où des partis, agitateurs de passions collectives, et donc ouvriers du mal tel que le dit Simone WEIL (cf le billet d'hier), entretiennent une division stérile, et interdisent par conséquent un vrai débat public ?
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Je vous ai dit hier que je citerai aussi Rémi BRAGUE. Il me semble qu'il ouvre un début de réponse à la question. Voici ce que dit cet excellent philosophe sur le dialogue, forme intime du débat public : "Si l'on souhaite un véritable dialogue, il faut commencer par respecter l'autre. Ce qui implique : le comprendre comme il se comprend lui-même, prendre les mots sont il se sert dans le sens qu'il leur donne, accepter la situation initiale de désaccord pour tenter de la faire évoluer vers une meilleure compréhension."
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On aura reconnu là les règles formulées par Jürgen HABERMAS dans son ouvrage majeur : Pour une éthique de la communication. Peut-être la dignité du débat public exige-t-elle un peu plus de morale, un peu moins d'arrogance et de volonté de puissance ? Qui ne voit la profonde convergence d'analyse de ceux qui font l'effort de penser avant de trancher : hier Simone WEIL, Jürgen HABERMAS, aujourd'hui Cynthia FLEURY et Rémi BRAGUE ? Ces philosophes n'ont pas forcément les mêmes opinions politiques, mais ils sont les amis des hommes et l'honneur de l'humanité. Allons, messieurs et mesdames les journalistes, messieurs et mesdames les politiques, encore un petit effort.
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Je m'absente quelques jours et reprendrai à mon retour. J'aimerais que mon lecteur déçu se manifeste.

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