lundi 5 avril 2010

Réponse à un ami lecteur

-
Un lecteur assidu me demande de commenter les propos de Pierre ARDITI, un remarquable comédien et acteur - je le précise - qui ne fait pas mystère de ses sympathies pour le socialisme et qui disait il y a quelques jours, dans l'émission "Vivement dimanche", le seule parole que j'ai trouvée sensée depuis des semaines en matière politique ; je la rapporte de mémoire : "Il y a trente ans, disait-il, on pouvait avec le fruit de son travail, se loger, se chauffer, se nourrir, élever ses enfants. Aujourd'hui, cela n'est plus possible." Pierre ARDITI a raison. Nous devons tous admettre que les revenus du travail doivent permettre à leurs bénéficiaires de vivre décemment. Cela me paraît être la justice élémentaire. Et il n'y a pas à tergiverser sur cette évidence.
-
La première des tâches qui s'impose aux politiques et aux services économiques de notre pays, consiste à évaluer, avec l'aide de tous les partenaires sociaux, le montant des sommes nécessaires par adulte et par enfant, pour vivre décemment. Manifestement ce ne peut être le SMIC dont le niveau est insuffisant pour faire vivre une famille, dans le cas où seul l'un des deux parents travaille, ni même deux SMIC. Ce montant devrait être évalué annuellement par l'INSEE, l'un des services statistiques les plus compétents du monde, il faut le souligner.
-
La seconde des tâches, consiste, me semble-t-il, à évaluer l'évolution des coûts dans les domaines essentiels de la vie : nourriture, vêtements, chauffage, logement, transport, santé et éducation des enfants ; il faut adjoindre à ces domaines celui des loisirs et de la culture, car l'homme ne vit pas que de pain.
-
Il faut ensuite avoir une anthropologie saine : l'homme est un être qui tire sa dignité de sa responsabilité ; l'homme est un être qui aspire à la liberté ; l'homme est un être de relation qui ne peut vivre sans lien social. Responsabilité, liberté et sociabilité doivent être au coeur de toute politique. J'ajoute un point essentiel : il est indispensable en politique de ne jamais dissocier la vertu civique de l'intérêt. Il FAUT donc que le citoyen tire des bénéfices de son civisme.
-
Il y a une mesure de salubrité publique qui doit être mise en forme législative de TOUTE URGENCE. Elle concerne la composition des conseils d'administration des grands groupes. Monsieur ZACCHARIAS, ancien PDG de Vinci, accusé d'abus de bien sociaux, a beau jeu de dire à la justice que son conseil a voté les dispositions particulières qui le couvraient d'or, d'argent et de billets. Pardi ! C'est du genre "passe-moi la rhubarbe, je te donnerai le séné". Ils se tiennent tous par la barbichette. Le PDG d'un groupe Y est conseiller d'un autre groupe Z dont le PDG Z est lui-même conseiller du groupe Y. Comment voulez-vous que cela fonctionne ? Ils ne cessent de se renvoyer l'ascenseur. Il ne doit pas être possible d'être membre de plus d'un conseil d'administration. Point. Tant pis pour les énarques, les polytechniciens, les centraliens, bref les prétendues et soi-disant élites qui se gavent sous les yeux ébahis et incrédules de leurs personnels.
-
Deuxième mesure d'urgence, limiter par la loi les salaires des PDG des grands groupes, interdire les stocks options, et supprimer la part variable des revenus.
-
Troisième mesure qui concerne tous les citoyens : supprimer avec détermination tous les revenus non monétaires : avantages des comités d'entreprise (pour EDF, 1 % du chiffre d'affaire ! Faites le calcul), cartes de réduction pour les transports, réductions de tous ordres pour les employés de l'électricité ou du gaz, ou de toute entreprise privée, gratuité des soins, et conversion de ces avantages en revenus monétaires. Car à force de ne pas savoir le coût d'un médicament, d'un acte chirurgical, d'un voyage en métro, du prix du kilowatt-heure ou du mètre cube de gaz, on finit par perdre tout contact avec la réalité économique. Quand on sait que plus de 30 % du PIB sont voués aux transferts sociaux, on mesure ce que la suppression des revenus non monétaires pourraient apporter de liberté aux citoyens, s'ils étaient transformés en revenus monétaires, en bon argent. Chacun serait libre de dépenser comme il lui convient. Mais il ne lui serait plus possible de faire reposer sur autrui les conséquences de ses choix. Voilà le principe de responsabilité, et de lien social.
-
Quatrième mesure de nature à développer la responsabilité, notamment en matière de dépenses de santé. Maintenir, bien sûr, le système d'assurances sociales. Mais le gérer différemment. Il est tout-à-fait possible de créditer les cartes vitales d'une somme moyenne avec lesquelles les assurés sociaux paieraient les actes médicaux, chirurgicaux, les médicaments, etc. Il serait entendu que toute somme non dépensée à la fin de l'année serait reversée à l'assuré social qui aurait aussi le choix de maintenir ce crédit sur sa carte en vue des années à venir. Il est évident que ce système ne permettrait pas de couvrir les gros risques. Il faut donc qu'une partie des cotisations, environ 50 % (à préciser, mais il doit être possible de savoir quel pourcentage doit être attribué à ce secteur), soient donnée au secteur public qui assureraient la gratuité des soins. L'accès aux soins gratuits seraient possibles (a) pour les petits risques, aux cas où l'assuré social aurait épuisé le crédit de sa carte vitale ; (b) pour les gros risques (assez faciles à définir), sans conditions. Pour éviter que la santé publique se dégrade par ce système, l'assuré social devrait fournir à sa caisse un certificat annuel de bilan médical et biologique de santé, (on dirait un "chek-up"). Ainsi serait honoré le principe de responsabilité.
-
Cinquième mesure. Il se peut que le reversement monétaire des anciens revenus non monétaires ne permettent pas d'assurer à une famille une vie décente. Il revient à la communauté nationale de compléter ce manque, par des versements soit annuels, soit (préférablement) mensuels complétant à dues proportions ce qu'il est nécessaire à la vie des familles. Une déclaration annuelle des charges avec justificatifs, accompagnant la feuille de déclaration des revenus, suffirait à établir le montant du différentiel à combler.
-
De telles mesures empêcheraient un inacceptable contrôle social de la part de l'Etat, des Syndicats, ou des Services sociaux, et éviteraient toutes formes de domination de la part des plus riches sur les plus pauvres. Car c'est bien de cela qu'il s'agit. Il est normal que des différences de compétences et de responsabilités professionnelles soient accompagnées de différences de revenus. Il n'est pas normal que ces différences ne s'appuient que sur la cupidité et l'avidité des puissants, sans tenir compte des services qu'ils rendent réellement à la société et à la patrie. Ainsi serait respecté le principe du lien social. Il consiste tout simplement à ne pas oublier que l'autre existe.
-
Qui ne voit que ces mesures de simplification entraîneraient une incroyable diminution des coûts de gestion ? En simplifiant les circuits de traitement des dossiers, en supprimant une foule de structures devenues inutiles, elles libéreraient de tâches improductives des milliers de citoyens qui pourraient alors employer leurs talents et leurs compétences à des travaux plus utiles pour leurs concitoyens. Ils ne risqueraient rien puisqu'ils seraient eux aussi les bénéficiaires des mesures de compensation décrites plus haut.
-
Enfin il y a fort à faire dans un domaine sensible : celui du logement. Il est devenu de plus en plus difficile de se loger convenablement à des prix décents. Il y a là une situation inadmissible. Il faut bien voir pourquoi. Il me semble que les garanties exorbitantes demandées par les propriétaires et le coût demandé pour les loyers sont liés à la difficulté qu'il y a d'expulser facilement un mauvais payeur. Cette situation n'est pas saine. Il est donc nécessaire d'entreprendre une vigoureuse action de construction de logements sociaux, non pas concentrés dans des quartiers périphériques, mais dispersés dans la masse du tissu urbain d'une part. Ces logements sociaux seraient vendus en leasing ; en d'autres termes, chaque versement mensuel serait pour le locataire un pas de plus vers la propriété. On voit par là que l'intérêt ne serait pas dissocié de la vertu. D'une autre part, il conviendrait de créer un fonds de garantie des loyers, abondé par les propriétaires, les syndics de copropriété, les locataires, et les promoteurs immobiliers. Une sorte d'assurance-sociale des loyers. Je ne suis pas naïf au point d'imaginer que ce dispositif suffirait à se débarrasser des mauvais payeurs. Mais il permettrait au propriétaire dont le locataire est indélicat d'entreprendre sans difficulté les démarches juridiques nécessaires pour rentrer dans son droit. Peut-être, du reste, faudrait-il que les tribunaux disposent d'une chambre particulière consacrée au traitement des litiges immobiliers. Il est également indispensable que la puissance publique détermine une fourchette acceptable des prix de location au mètre carré, pour les appartements ou maisons dépendants de particuliers. Aucune contrainte, bien sûr. Mais ces fourchettes indicatives donneraient à penser aux propriétaires abusifs. Dans ce domaine, surtout ne pas s'appuyer sur les agences immobilières qui ont intérêt à voir les prix augmenter puisque leurs honoraires en dépendent...
-
Bien entendu, je rêve. Mais qui sait...
-

Aucun commentaire: