vendredi 28 mai 2010

Glanés dans les journaux du jour

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Les journaux gratuits sont des mines extraordinaires de renseignements sur la mentalité, les travers et les richesses de notre société. J'ai déjà eu l'occasion de dire que je ne lis plus Metro et je vous ai expliqué pourquoi. Mais il reste encore 2o minutes et Direct Matin. Dans les livraisons de ce jour on trouve de très intéressantes présentations de la grève suscitée hier par les syndicats et dont le succès ne semble pas avoir été à la hauteur des espérance des leaders de la CGT, ou de la CFDT. Mais il ne faut pas irriter les lecteurs et prendre des gants, quand on sait ce que la majorité d'entre eux pensent des réformes présentées par le Gouvernement.
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C'est ainsi qu'un certain Stéphane SIROT, qualifié d'historien, spécialiste du syndicalisme (est-ce une auto-qualification ? une qualification du journal ? quel est le statut académique éventuel de cet historien qui pourrait donner un poids scientifique plus important à ses déclarations ? Nous n'avons pas de réponse à ces questions. Elles sont tout de même importantes) est amené à décortiquer la grève. Monsieur SIROT constate que "beaucoup sont résignés". Qui sont ces beaucoup ? Ceux qui ont fait la grève et manifesté ? Ceux qui ne l'ont pas faite ? Lisons donc en entier la réponse à la question du journaliste de 20 minutes. Peut-être est-ce que ce sera plus clair pour vous.
Question : Selon un sondage CSA pour Le Parisien, 62 % des Français se déclarent prêts à manifester pour défendre la retraite à 60 ans et au final une minorité se mobilise. Pourquoi ?
Réponse : Beaucoup sont résignés car ils sont intégrés le discours culpabilisateur du gouvernement "vous vivrez plus vieux, vous devez travailler plus longtemps". D'autres estiment que manifester ne servirait à rien, car depuis une dizaine d'années, les gouvernements ne reculent pas face à la mobilisation, même lorsqu'elle est forte, comme 2003. Les salariés du privé hésitent aussi de plus en plus à sacrifier une journée de salaire, dans un contexte économique européen très morose. Enfin, le discours des syndicats sur les retraites est inaudible car leurs positions sont très différentes.
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Je vais essayer de commenter le plus honnêtement possible ces remarques, fortement connotées par l'idéologie de gauche, et, de mon point de vue, assez peu conforme à l'idée que je me fais des méthodes de l'histoire et de la sociologie.
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Il me semble que les trois dernières raisons invoquées ont quelque vraisemblance. Manifester sans être assuré d'un résultat, perdre pour rien une journée de salaire, cacophonie syndicale, tout cela sonne juste. Il y manque toutefois une appréciation quantitative des catégories se réclamant PRINCIPALEMENT de l'une de ces raisons, et surtout, cette énumération ne fait pas la part d'une quatrième raison du peu d'impact de la grève, savoir que des non grévistes partagent l'analyse faite par les pouvoirs publics de la situation dramatiques des caisses de retraite. Cette présentation me semble donc malhonnête. Il y a pire, et doublement pire, dans la première raison, dont je n'ai pas encore parlé. Pourquoi le discours du Gouvernement serait-il culpabilisateur quand il évoque une vérité scientifique, issue des travaux des démographes et des médecins. En moyenne, on vit plus longtemps aujourd'hui. Tant mieux. Mais c'est une réalité qu'il faut bien prendre en compte. Car qui dit allongement de la durée de vie, dit allongement du temps pendant lequel il faut verser les pensions de retraite aux bénéficiaires. Cette raison est donc parfaitement fondée et non culpabilisatrice. Par ailleurs le Gouvernement ne lie pas l'obligation de travailler plus longtemps à un allongement de la durée de vie. Il dit en substance : Si vous voulez toucher une pension à taux plein tout au long de vos années de retraite, il est indispensable de travailler plus longtemps avant de pouvoir en bénéficier. Tout le reste est amalgame et mensonge. J'ajoute qu'un ami, avec malice, me disait hier : "On veut des retraites par répartition. Soit ! Répartissons équitablement ce qu'il y a dans le pot commun. Sans y rajouter."
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Du côté des nouvelles réjouissantes, ce constat d'Atanase PERIFAN, relevé dans le Direct matin de ce jour. Ce maire adjoint du XVIIe arrondissement, élu sur la liste UMP, mais fort peu politicien (comme le note en titre le journaliste qui a rédigé l'article) dit ceci qui me semble très fort : "Notre philosophie est simple. Si on multiplie les gestes simples de solidarité par beaucoup de gens, on obtient une société plus fraternelle." D'autres l'ont dit avant lui Simone WEIL, Hannah ARENDT, LANZA del VASTO par exemple : le seul principe de changement social est la modifications des comportements personnels.
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Il n'est pas inintéressant de noter qu'Atanase PERIFAN est d'origine roumaine. Son père a fui le régime de CEAUCESCU. Atanase rentre en politique, quand il constate que le Président MITTERRAND fait rentrer des ministres communistes au Gouvernement.
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Allez, je termine ce trop long billet par une petite citation de l'ouvrage de HUAN KUAN, intitulé La Dispute sur le sel et le fer, traduit par Jean LEVI : "Si le peuple d'un pays prospère ne mange pas à sa faim, c'est que le commerce et l'artisanat sont florissants tandis que la production de base est négligée. Si un pays possède d'importantes ressources naturelles et que son peuple est dans le dénuement, c'est qu'on délaisse les produits d'usage courant pour se gaver de biens superflus."
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Il faut bien entendu replacer la controverse dans le contexte du règne de l'Empereur Han WU (HAN WUDI). Mais il suffit de remplacer "Commerce" par "Grandes Surfaces", et production de base par "Agriculture" et "Commerces de proximité dispensant des produits locaux", et comprendre le deuxième membre de la citation comme une condamnation sans remède de la consommation de biens inutiles qui épuisent la Terre. Les Lettrés confucéens qui dans le texte tiennent ce discours sont loin de condamner la richesse et les riches ; ils appellent de leurs voeux la création de richesse fondée sur un travail utile à tous.
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C'est tout pour aujourd'hui.

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