samedi 15 mai 2010

John Henry Newman, un visionnaire

-
John Henry NEWMAN est né en 1801 dans une famille anglicane, très marquée par le calvinisme. Sa mère descendait d'une famille française huguenote, émigrée au Pays-Bas, sans doute après la Révocation calamiteuse de l'édit de Nantes. Esprit curieux, brillant, et probe, il étudie la question pour lui très importante de le succession apostolique des évêques anglicans. Après avoir conclu à l'existence de cette succession, un événement inattendu le conduit à revoir sa position. Peu à peu, sa réflexion personnelle l'amène à rentrer dans l'Église catholique. Il y est ordonné prêtre et est nommé cardinal par le pape Léon XIII.
-
Pourquoi tous ces détails, me direz-vous ? C'est que NEWMAN a écrit un livre intitulé "L'idée d'Université", qu'il a été appelé par l'archevêque d'ARMAGH à créer une Université catholique à DUBLIN, qu'il a donné dans cette ville une série de conférences, publiées dans ce livre avec d'autres prononcées ailleurs, conférences qui amorceraient la création de cette institution. Je trouvais intéressant, comme ancien universitaire, de voir comment NEWMAN, - considéré comme un des plus grands écrivains de langue anglaise par son style élégant, concis et très difficile à traduire en langue étrangère -, voyait l'Université, et plus spécifiquement une Université catholique.
-
Dans la septième conférence, NEWMAN dit ceci (Section 7, paragraphe 24) "Il y a en économie politique, dit le Dr COPLESTON, une maxime incontestée qui veut que l'autonomie des professions et la division du travail mènent chaque technique à sa perfection, les nations à la richesse et les communautés humaines à l'aisance et au bien-être universel. Ce principe de division, en certain cas, est poussé si loin que ceux qui se l'entendent signaler pour la première fois en éprouve quelque surprise. On ne voit pas de terme à son application. Plus un individu concentre ses facultés sur une seule occupation, plus il déploie naturellement d'adresse et de rapidité dans l'accomplissement de son travail. Toutefois, pendant qu'il contribue plus efficacement de la sorte à l'accroissement de la richesse nationale, il se dégrade lui-même de plus en plus dans sa qualité d'être raisonnable. Ses puissances et aptitudes intellectuelles se réduisent dans la mesure même où la sphère de son action se resserre. Il finit par ressembler à quelque rouage secondaire d'une puissante machine : il perd toute signification et toute valeur dès qu'il en sort."
-
Ces paroles ne sont pas de NEWMAN mais de COPLESTON, certes, mais NEWMAN va les utiliser, avec d'autres emprunts à DAVISON, pour donner la conclusion que voici à sa conférence :
-
"Je ne puis multiplier ces citations indéfiniment. Je me suis borné, aujourd'hui, à expliquer que la formation de l'intelligence, qui est la meilleure pour l'individu pris en lui-même, est aussi celle qui le met le mieux en état remplir ses devoirs envers la société. [...] La formation universitaire est le moyen excellent et ordinaire de parvenir à une fin ordinaire et pourtant excellente. Elle a pour but de hausser le niveau intellectuel de la société ; de cultiver l'esprit du peuple ; d'affiner le goût de la nation ; d'étayer de principes solides les élans populaires ; d'assigner aux aspirations de la masse des buts précis ; d'introduire dans les idées du temps, plus de modération ou d'envergure ; de re ndre plus facile l'exercice du pouvoir politique ; de rendre plus humains les rapports individuels. L'éducation universitaire rend l'homme lucide et conscient dans ses opinions particulières et ses jugements particuliers ; lui donne de les formuler avec force. Elle lui enseigne à voir les choses comme elles sont, à venir au fait, à démêler un écheveau de notions disparates, à déceler un sophisme, à écarter ce qui est hors de cause. [...] Un homme ainsi formé est chez lui dans n'importe quel milieu. Il a un terrain de rencontre avec toutes les classes sociales. [...] L'art qui tend à réaliser tout cela en l'homme est aussi utile, par l'objectif qu'il vise, que la science de la richesse ou de la santé, même s'il se prête moins bien à des méthodes rigoureuses et même s'il produit des résultats moins tangibles, moins assurés, moins définitifs."
-
Je souhaite que les esprits droits accordent à ces paroles toute l'attention qu'elles méritent. On aura assez rarement aussi bien décrit le but concret que tout homme politique devrait fixer à son action : conduire les hommes à la fin qui est est due. Et cette fin passe bien par les moyens que dit NEWMAN.

Aucun commentaire: