vendredi 18 juin 2010

Nihil in intellectu...

-
Un de mes lecteurs s'étonnait de me voir attribuer à Thomas d'AQUIN la célèbre formule : "il n'y a rien dans l'intelligence qui ne passe d'abord par les sens". Il l'avait vu, à juste titre, attribuer à d'autres auteurs. Quelques recherches sur internet me permettent de lui répondre aujourd'hui avec précision.
-
ARISTOTE, avant Thomas d'AQUIN, avait formulé, en grec, le même constat. Le docteur angélique reprend dans sa Somme Théologique cette évidence, et il est l'auteur de la formule latine : "nihil in intellectu nisi primis in sensu". Mais la formule est elle-même reprise sous des formes quelque peu différentes par les philosophes empiristes, dont elle devient la devise. Ainsi de LOCKE, de HUME, de BERKELEY. Le grand LEIBNIZ lui-même adhèrera à la formule, en y ajoutant toutefois, ce qui est également juste : "nisi intellectus ipse", "si ce n'est l'intelligence elle-même".
-
Il existe des formes latines légèrement différentes de cet aphorisme : on trouve, par exemple : "nihil est in intellectu quod non prius in sensu", ou encore "nihil est in intellectu quod non fuerit in sensu". LOCKE, pour sa part, formulera ainsi "nihil est in intellectu quod non antea fuerit in sensu".
-
La formule mérite un petit commentaire. Pour Thomas d'AQUIN, repris par Ignace de LOYOLA, l'homme dispose de trois facultés : la sensibilité, qui informe l'intelligence, et la volonté qu'anime cette dernière. On ne peut donc accuser Thomas d'AQUIN d'être un pur empiriste, comme les auteurs anglo-saxons nommés en tête de ce billet. Il n'est pas davantage un disciple du sensualisme, qui concentre tout dans les sensations. Il dit et affirme, et c'est l'évidence, que l'intelligence, structure spécifique et pré-existante à toute sensation, a besoin d'être informée par les sens pour être en prise avec le réel. Vous comprenez pourquoi je me bats contre les systèmes d'idées toutes faites. PASTEUR disait, du reste, "Accumulons des faits pour avoir des idées". C'est la bonne méthode pour agir avec sagesse.
-
J'espère que mon attentif lecteur se contentera de ces données un peu superficielles.
-

4 commentaires:

Roparzh Hemon a dit…

Cher auteur,

je m'étonne qu'un universitaire comme vous ne cite pas les titres des ouvrages dans lesquelles apparaissent les citations que vous donnez, mais seulement les auteurs ?

Bien cordialement,

E.D.

Philippe POINDRON a dit…

Cher lecteur,

J'ai bien pris soin de préciser que ces indications étaient très superficielles. Je vais cependant essayer de répondre à vos questions, au moins pour HUME et LOCKE.
Hume : Enquête sur l'entendement humain ; An inquiry concerning human understanding.
Locke : Essai sur l'entendement humain ; An essay concerning human understanding.
Ces deux ouvrages ont été traduits en français. Il me reste à chercher BERKELEY et ARISTOTE. En ce qui concerne Thomas d'AQUIN, je confirme qu'il s'agit bien de la somme théologique.

Nathenfleur a dit…
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
Nathenfleur a dit…

Bonjour,
J'ai trouvé une formule similaire :
Selon le principe connu : "nihil est in intellectu, quod non antea fuerit in sensu", une des fonctions élémentaires de la conscience est la sensation.
Page 25 dans "La structure de l'âme" Carl Gustav Jung ed. l'esprit du temps