dimanche 18 juillet 2010

Confucius et l'enseignement

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Donc, je le disais hier, tout être humain est en puissance membre d'une Pléiade. Où que je tourne ma pensée et mon regard, je constate que, toujours, les philosophes ont considéré qu'il était important d'apprendre auprès d'un Maître, un Maître qui fût aussi un Sage, pour devenir cet homme aux potentialités accomplies. C'est à ce prix, mais à ce prix-là seulement qu'accédant à la connaissance, antichambre de l'amour, on peut trouver le bonheur.
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Dans le livre remarquable qu'il a consacré à CONFUCIUS, Jacques SANCERY dit ceci de l'éducateur né que fut Maître KONG : "Selon la conception de CONFUCIUS, tout homme a le droit de pouvoir bénéficier d'une instruction, son statut social d'origine ne devant, en aucune manière, être un obstacle au désir ou à la faculté d'être éduqué. Ainsi, dans son école, ses leçons pouvaient être écoutées par quiconque désirait apprendre, et n'étaient pas réservées aux seuls gens de condition ou aux fils de dignitaires. C'était une extraordinaire innovation, qui bouleversait une tradition séculaire, et allait à l'encontre des antiques préjugés."
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Deux conditions, qui du reste de sont point exclusives l'une de l'autre, étaient requises pour suivre les leçons du Maître. Il ne vérifiait pas a priori que ses auditeurs y satisfaisaient. Leur seule présence suffisait à le garantir, puisque nul n'était obligé de venir l'entendre. Ces conditions sont très claires : le désir et la faculté.
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Il y a dans l'énoncé de ces conditions et les modalités de leur exercice bien des leçons à tirer pour aujourd'hui. (a) Il est impossible d'enseigner à des élèves qui n'en ont pas le désir. On peut tout juste leur apprendre quelques notions, mais il est difficile de les faire accéder à la connaissance. Il est donc, selon moi, indispensable de chercher les moyens de susciter le désir de connaître. Et, paradoxalement, ce n'est pas en présentant le contenu de l'enseignement de manière ludique qu'on y parvient, car on n'arrivera jamais à le présenter comme un jeu aussi attractif que les vrais jeux. (b) La question de la faculté, ou des aptitudes si l'on préfère, est d'une importance tout aussi capitale. Outre les notions de base, indispensable socle sur lequel s'édifie la connaissance, accessibles à tous et à toutes moyennant effort et exercices nombreux, il y a les multiples disciplines de l'esprit et du corps. Les uns, sous le charme de la langue, seront portés vers la littérature, la philosophie, le théâtre, ou que sais-je encore. D'autres, plus soucieux des faits et de l'expérience, se sentiront du goût pour les sciences de l'ingénieur, pour les disciplines scientifiques, le commerce. Quelques uns, encore, amoureux du silence, de la nature, de la vie au grand air, préféreront se lancer dans l'agriculture ou l'élevage. Ravis de voir prendre forme sous leurs yeux un beau meuble, de trouver une nouvelle jeunesse à une vieille guimbarde, de redonner vie à des machines tombées en panne, de construire de belles maisons ou des immeubles, certains choisiront d'être ébéniste, garagiste, plombier, maçon. Et comme il est très rare que le désir ne s'accorde pas aux aptitudes quand on est libre de lui donner cours, il y a là une voie à explorer de toute urgence. Elle exclut que le monde de l'éducation nationale donne, aussi bien symboliquement que factuellement, la prééminence aux carrières purement intellectuelles et considère les filières techniques ou professionnelles comme dévalorisées et dévalorisantes.
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Selon moi, ce dernier point est capital. Il n'y a aucune raison de trouver qu'un BEP de maçon a humainement et socialement moins de valeur qu'un doctorat en mathématiques. Il y a des maçons heureux ; ils excellent dans leur métier et croulent sous la demande. Il y a des docteurs en mathématiques malheureux (j'en ai connu !) qui végètent derrière leur ordinateur. Tant que notre société jettera un regard négatif sur les premiers et admiratif sur les seconds, on n'est pas près de changer les choses. On ne risque pas de rendre heureux les hommes et les femmes d'aujourd'hui. Or c'est la condition exigée pour devenir grand. Car on ne peut devenir grand si l'on n'est pas heureux.
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3 commentaires:

tippel a dit…

j'ai aimé cette phrase,vous dites "Et, paradoxalement, ce n'est pas en présentant le contenu de l'enseignement de manière ludique qu'on y parvient" Ce n'est peut etre pas facile à comprendre mais c'est vrai!

Geneviève CRIDLIG a dit…

C'est très juste effectivement : foi d'ancienne enseignante!
Les élèves sont finalement floués, trompés et rabaissés. Car "on", c'est-à - dire les adultes ( pas tous heureusement) , en particulier ceux qui se croient les plus proches des jeunes et de plus des spécialistes de l'enseignement - pensent aujourd'hui que pour les "intéresser" , ces élèves qui ne pensent évidemment plus qu'à 's'amuser',il ne resterait qu'une manière de les instruire : en les amusant.
Surtout plus d'efforts.Ce serait des traumatismes.Les pauvres!

Une société qui est plongée de gré ou de force dans l'amusement.

Geneviève CRIDLIG a dit…

Merci à l'auteur pour cette séance d’approfondissement...

Question regard porté et considération des différents métiers : dans un sens j’ai la chance de vivre dans une région dont les habitants de souche, pourrait-on dire, portent profondément un regard issu de leurs gènes pourrait-on dire aussi, bien plus valorisant sur les métiers dits manuels que sur les autres.

Rien n’égale la valeur des ouvriers et chefs d’entreprise auxquels j’ai affaire depuis des années : ni celle du menuisier voisin ni celle de ses confrères du secteur, rien ne dépasse le regard porté sur les jardiniers et surtout sur cette niche d’or depuis quelques années : les multiservices. Une mine aussi bien en ville comme j’ai pu le constater à Strasbourg que dans mon petit village. On se les arrache à prix ... d’or. Et on les attend parfois longtemps tant « leur carnet » est plein à craquer. Je ne parle pas des maçons : n’importe quel chantier exige plusieurs mois de délai - et encore moins de l’électricien : il viendra changer ma sonnette peut-être au prochain hiver...
Je ne parle pas du prix horaire : à faire pâlir n’importe quel spécialiste : 30 euros pour un débroussaillage ou un rangement d’objets divers par tel patron de micro-entreprise.
En face, par exemple le tarif des leçons particulières quand elles se proposent est relégué environ au tiers ( même en ville d’ailleurs où la moyenne des centres renommés se situe aux alentours de 10- 13 euros ) – mais comme la demande est inexistante dans la campagne, le travail dit intellectuel n’a ostensiblement plus la cote – ni dans l’appréciation qualitative ni dans sa traduction financière.


Cependant ce retournement ne me semble pas très sain au vu de son interprétation – un autre tri et classement se met en place – avec à la clef une atmosphère de critiques et de mépris identiques.

Toujours le jugement et la déconsidération mais cette fois non de celui qui « aurait moins » de qualités, d’intelligence etc. etc. mais de celui qui « a plus » que la moyenne = plus d’avoir en biens matériels, plus riche etc. etc. – donc ‘ on’ ne « lui parle plus »et on le démolit.

Exemple : lorsque le pharmacien a décidé d’agrandir et de renouveler sa pharmacie, et bien, des gens lui ont dit aussitôt qu’ils ne mettraient plus les pieds chez lui. Trop c’est trop... + la jalousie etc. etc.

Qui est-ce qui raconte que la vie dans les villages est un long fleuve tranquille ???
Là aussi celui qui dépasse un peu sa tête risque de se la faire couper dans les plus brefs délais.


NB. Enfin pas par tous : ce n’est pas totalement catastrophique. Il y a aussi de très bonnes relations et des personnes qui s’en sortent bien mais le risque de se faire descendre est toujours tapi dans un coin. C’est pourquoi plusieurs familles du voisinage m’ont vraiment dit qu’elles évitaient de créer ou d’entretenir des liens avec d’autres – pour avoir la paix ... avec tout le monde.
Un autre exemple : mon plus proche voisin, le directeur d’école, pourtant né dans la région, et son épouse, ont décidé cette année de décamper pratiquement chaque WE et dès le soir des vacances pour ne revenir que la veille de la rentrée.

Un autre mal-être me semble s’installer que les gens de la ‘ville-ville-ville’ ne réalisent sans doute pas bien – quand bien même ils viennent se ressourcer dans la nature - et patati et patata.