lundi 16 août 2010

Qu'est-ce que la pitié ?

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Je dois l'avouer. L'expression de dégoût pour les sentiments de pitié que je suis censé avoir éprouvés pour certaines des communautés roms et qu'a exprimé à mon endroit le lecteur surnommé Christophe, m'a profondément choqué, voire ébranlé. Je me suis demandé ce quelle voulais dire.
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Première hypothèse. Christophe n'a aucune pitié pour des gens qui s'incrustent, s'installent sans droit et profitent des largesses de notre patrie. Et il trouve par conséquent que je défends l'indéfendable. Pourtant je l'invite à relire mon billet en lui faisant remarquer (a) que je faisais référence à deux séquences du Journal télévisé de France 3 et de France 2 montrant les scènes d'expulsion hors de campements sauvages de quelques familles ; jusqu'alors elles vivaient dans des conditions épouvantables, sous des bâches en plastique, dans des conditions d'hygiène déplorables et (b) que je me gardais bien de généraliser la situation en signalant l'existence de mafia organisées de mendiants professionnels d'origine rom, qui se font construire de superbes résidences en Roumanie. Ainsi Christophe, dans ce cas, aurait fait preuve d'un esprit de système évident lequel consiste à généraliser et à ignorer les faits et les témoignages pour ne s'en tenir qu'à sa croyance.
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Deuxième hypothèse. La pitié est un sentiment qui révulse Christophe. Il faut donc se demander ce qu'elle représente pour lui. Il est vrai : dans l'esprit de la majorité de nos frères humains, la pitié est un sentiment humiliant pour ceux qui en font l'objet. Elle les placerait dans une situation dégradante de dépendance et de servitude par rapport à celui qui l'éprouve pour eux. Si c'est ainsi que le pense Christophe, et si c'est l'impression que je lui ai donné, alors oui je peux le comprendre. Mais ce n'est pas ainsi qu'il faut, selon moi, comprendre la pitié et ce n'est pas ainsi que j'ai exprimé les choses. Pour que la pitié soit un sentiment acceptable, il lui faut revêtir certaines qualités : (a) la première, essentielle, consiste à ne pas se placer dans une relation de dissymétrie avec ceux qui excitent en nous ce saisissement intérieur ; (b) la seconde exige d'éviter les effets de la sensiblerie lesquels consistent à se projeter soi-même dans la situation de l'être pitoyable ; immanquablement, cette façon de faire conduit à croire qu'il suffit d'éprouver pour régler la question ; (c) la troisième consiste à reconnaître à l'autre la vulnérabilité que nous connaissons pour nous-même, condition de l'acceptation de l'altérité et de la différence ; ce n'est pas nous-même que nous prenons en considération, c'est l'autre qui, comme nous est vulnérable et nous invite à faire pour lui ce que nous voudrions qu'il fasse pour nous si nous étions dans sa situation ; (d) la dernière qualité (mais la liste des qualités n'est pas exhaustive) est que la pitié est active et s'ingénie à trouver des solutions aux difficultés rencontrées par l'autre qui souffre (A cet égard, je signale à Christophe que j'ai proposé des solutions. Les unes ne dépendent pas de moi, les autres oui : je trouverai normal que ma commune équipe des aires de stationnement pour les nomades ou réhabilitent des logements sociaux - hors ghetto - pour ceux d'entre eux qui accepteraient d'être sédentarisés.) En ce sens, la pitié est proche de la compassion. Et il me semble que Christophe n'a su ou pu ou voulu la dire. Tant pis pour lui.
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AVIS A MES LECTEURS : Mon Blog s'intitule POLITIS-PHILIPPE et non point POLITIS. Je ne suis pas responsable du fait que la mention exclusive POLITIS apparaisse en tête de mes billets. Je vais, du reste, demander aux rédacteurs de Politis si cela les gêne.

3 commentaires:

Geneviève CRIDLIG a dit…

J’ai également été surprise et choquée par l’utilisation de ce mot « dégoûtant » qui m’a vraiment inspiré du dégoût : je dirai donc simplement à Christophe que, pour l’occasion, c’est son commentaire qui m’a dégoûtée.

Un bémol pour votre réaction : il n’est pas possible de reprocher à un participant d’utiliser un pseudonyme et de se cacher derrière, vu que c’est le principe d’un blog que de laisser le choix de la liberté de dévoiler son identité ou non.
Au début, j’avais d’ailleurs exprimé mes réticences devant cet anonymat qui permet tout, risquant ainsi de plomber la responsabilité personnelle et de tomber dans une lâcheté : facile effectivement de balancer n’importe quoi quand il n’y a pas prise de risque.


Pourtant ce commentaire révèle bien des choses à mon avis:
J’ai été frappée par l’emploi de ce mot car il n’est pas courant dans la mode du vocabulaire actuel :
En principe, on éprouve du dégoût devant un aliment ou un spectacle infect, répugnant - ou bien on est découragé devant une action si bien qu’on ne la fait pas ou plus - ou bien, ce qui me semble être le cas ici, on est démoralisé, révolté par l’attitude, le comportement , l’action d’un autre.

Cependant, soit c’est un terme très fort qui exprime une véritable révulsion soit son utilisation s’apparente à toutes ces appréciations laudatives ou injurieuses qui se sont affadies au fil du temps c’est-à dire que leur signification, à l’origine très élevée, devient un simple superlatif qui dure quelques années et laissent la place à d’autres = cela exprime surtout un manque de vocabulaire et un style appauvri.
Par exemple : « formidable » (qui tend à disparaître après avoir marqué au moins trois décennies NB. + Initialement’ formidus’ désigne un évènement qui inspire la terreur > devenu le contraire et n’a gardé que l’excès) – puis « super » puis « historique » et « magique » etc. employé à toutes les sauces.


Cependant cette petite explication linguistique n’enlève rien au fait que, je le répète, son emploi dans ce contexte révèle, à mon sens, bien des choses et je ne saurais que suggérer à son utilisateur de suivre un stage d’argumentation et d’écoute, d’apprendre l’usage de la critique, la vraie :
comme tout un chacun on n’a jamais fini de s’améliorer dans ce domaine de l’échange, de la relation
>>> qui devrait susciter le bonheur... chez l’un comme chez l’autre.

tippel a dit…

Le mot dégoût ou dégoûtant a déjà été utilisé par un blogeur bien connu "Olibrius". Il semble être utilisé par une population de sensibilité de gauche. Voici le texte de Olibrius "Vous aurez remarqué que je suis resté à l'écart ces derniers temps en n'intervenant pas, ou peu, sur votre blog. Il s'y passe des choses qui me font dégoût" Un mot de l'idéologie gauchiste qui revient régulierement.

Geneviève CRIDLIG a dit…

A Tippel

Merci pour cet éclairage fort intéressant. Ainsi ce mot peut être un marqueur sociologique. Ainsi chacun sème ses petits cailloux blancs à la trace...