vendredi 24 décembre 2010

L'autre

-
Dans un livre intitulé La pensée en Chine aujourd'hui, dirigé par le Pr Anne CHENG, - son cours du Collège de France est un régal d'érudition et de clarté teintée de malice - Joël THORAVAL consacre un très long article à des philosophes chinois contemporains (Chap. IV. La tentation pragmatiste dans la Chine contemporaine). Dans le très contradictoire sillage des philosophes des Lumières, qui célébraient CONFUCIUS avec éclat, saluant en lui un sage rationaliste et quasi agnostique, HEGEL, lui, prétend qu'on ne pense pas en Chine, et que cet immense pays, à l'existence plurimillénaire, n'a point connu la philosophie (puisque la philosophie, dit-il, trouve son origine chez les Grecs ; le crypto-nazi Martin HEIDEGGER dit à peu près la même chose).
-
THORAVAL montre comment des penseurs chinois, comme HU SHI, formés à l'école pragmatiste de John DEWEY (Columbia University) qui fut leur directeur de thèse et maître, ont jeté un pont culturel entre les deux rives du Pacifique, rejetant (provisoirement, on l'espère) l'Europe aux marges de la philosophie contemporaine. Et il dit ceci :
-
"En second lieu, contre ce qui est perçu [sous-entendu par les penseurs américains et les chinois] comme un faux universalismes des Lumières européennes, pragmatisme et confucianisme revendiquent leur enracinement dans une expérience historique et culturelle spécifique (c'est moi qui souligne). Ils récusent la possibilité d'un point de vue supra-historique, d'une attitude de surplomb qui permettrait de disposer d'un critère d'évaluation universel et éternel, à même de fonder une théorie définitive de ce qui est vrai ou de ce qui est juste pour tout homme. Une conception "fondationnaliste" (sic) des droits de l'homme (fondée sur l'idée dogmatique d'une raison universelle) leur paraît l'expression d'un provincialisme et d'un impérialisme européen qui ne reconnaît pas sa contingence."
-
En somme, et en accord avec des philosophes américains qu'il cite, THORAVAL reprend l'idée d'un "ethnocentrisme bénin" qui pourrait dit-il "caractériser également un pragmatisme et un confucianisme modernes".
-
Cette conclusion me paraît de la plus extrême importance. Elle souligne l'absolue impuissance de la raison humaine à fonder des valeurs universelles. Je vous dirai dans un prochain billet comment un philosophe français contemporains, des plus honnêtes qui soient intellectuellement, arrive à une conclusion analogue, et en tire, bien qu'il soit agnostique, des conséquences tout à fait remarquables.
-

2 commentaires:

Geneviève CRIDLIG a dit…

Bon je veux bien - mais franchement la transmission, l’explicitation des points de vue exposés demandent à descendre d’un cran : je ne veux pas m’arracher les cheveux > j’ai donc abandonné l’effort à fournir pour comprendre– idem et plus difficile encore le billet sur la laïcité ; j’ai lâché en route la succession des questions : sans doute n’a-t-on plus l’habitude intellectuelle sur la place publique courante d’affronter une telle tension du « cerveau ».

Cependant je crois que ces textes mis sur papier me permettraient de faciliter la compréhension et le choix de prendre le temps nécessaire - ce qui n’est pas évident lors d’une lecture sur l’écran.
Donc, quand ce sera indispensable, je lirai les textes d’une manière plus conforme à mon usage traditionnel.

Je crois aussi que, par exemple dans ce billet, il me manque des connaissances de base préalables qui me permettraient de saisir tout de suite et justement la progression du raisonnement proposé.

Par conséquent, sur ce sujet, il m’intéresse beaucoup, mais je ne peux rien en dire, je n’en ai pas les moyens. Ce qui ne doit pas provoquer une fin de présentation de cette manière d’argumenter : il y a certainement des lecteurs qui s’y retrouvent bien et finalement cela incite à progresser dans les connaissances.

Philippe POINDRON a dit…

Cher (chère ?) Jade,

La brièveté nécessaire d'un billet m'oblige à être très elliptique. Je reviendrai donc dans le prochain sur cette question essentielle, qui est celle d'une possible source de valeurs universelles, et j'expliquerai (comme je l'ai compris en tout cas) cette citation de THORAVAL. Je n'ai pas le temps de rédiger aujourd'hui ce billet, car je m'absente jusqu'à demain soir, mais je vous promets de le faire de manière claire et, je l'espère, convaincante. Bien amicalement.