samedi 12 février 2011

Encore ! allez-vous dire

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Encore, allez-vous dire... Oui, encore, mais pour le meilleur. Le Pr Anne CHENG a consacré une partie des cours qu'elle a dispensés cette année au Collège de France sur la revisite de CONFUCIUS, à l'analyse d'un livre publié par un philosophe américain, Herbert FINGARETTE (Confucius - the secular as sacred, improprement traduit, dans la seule édition en langue française, par Confucius - du profane au sacré.) Ce livre a été publié en 1972, chez Harper and Row, Publishers, New York, Hagerstown, san Francisco and London. J'ai pu me procurer les deux versions, anglaise et française. Le Pr CHENG a eu mille fois raison d'insister sur la révolution intellectuelle que représente la lecture des Entretiens (dans leur partie la plus ancienne, la seule susceptible d'être attribuée à Maître KONG sans trop d'incertitude) par FINGARETTE. Et c'est de cela que je désire vous entretenir, dans un contexte où tant l'idéologie que les hommes politiques semblent avoir oublié la nature profonde de sujet social, et religieux, qu'est l'être humain.
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CONFUCIUS, on le sait, accordait beaucoup d'importance aux rites (en chinois LI au 3ème ton). Et l'on pourrait croire qu'il s'agit là d'une exigence tatillonne, formelle, étroite. Or l'analyse approfondie de maints propos de Maître KONG (autre nom de CONFUCIUS) permet au philosophe professionnel qu'est FINGARETTE d'aboutir à de toutes autres conclusions.
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Dans le chapitre I de son livre, chapitre intitulé La Communauté humaine comme rite sacré, FINGARETTE est amené à dire ceci :
"L'image du rite sacré comme métaphore de l'existence humaine nous met éminemment en présence de la dimension du sacré dans l'existence humaine. Il y a plusieurs dimensions du rite sacré qui culminent dans la sacralité. Le rite fait ressortir avec force non seulement l'harmonie et la beauté des formes sociales, la dignité inhérente et ultime des échanges humains ; elle (sic) fait aussi ressortir la perfection morale implicite dans l'accomplissement de ses propres fins en traitant les autres comme des êtres d'une égale dignité, comme des participants libres dans le li. De plus, agir par le biais de la cérémonie, c'est être complètement ouvert à l'autre ; car la cérémonie est publique, partagée, transparente ; agir autrement, c'est être secret, obscur, tortueux, ou simplement tyranniquement coercitif."
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En réfléchissant à ces paroles si profondes, je me disais - et FINGARETTE y fait allusion en commentant le rite de la poignée de main - que les formes de courtoisie, la politesse, les rites sociaux, ne sont que des cérémonies dotées d'une sacralité dont nous n'avons même pas, ou dont n'avons plus, conscience. La centration croissante des messages politiques, idéologiques, publicitaires sur le "Je" et plus insidieusement sur le "moi", nous fait perdre la dimension essentiellement sociale de notre nature. Du reste, nombre de savants du XIXe siècle, profondément matérialistes, soulignaient avec inconscience et arrogance que les "races inférieures" n'étaient pas pleinement humaines au motif qu'elles n'étaient pas politiques. Un examen dépourvu de préjugés permet de constater que ces sociétés dites "inférieures" sont profondément humaines justement en raison de l'existence de rites dotés de sacralité en leur sein.
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Si cette analyse est vraie, alors nous pouvons dire que tout rejet des formes visibles de politesse (que ce soit dans les gestes, dans les paroles, dans le vêtement, etc.) n'est qu'un retour à une véritable barbarie, quand bien même il s'accommoderait de toutes les avancées techniques et scientifiques.
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J'aurai l'occasion de revenir sur les travaux d'Emmanuel MOUNIER et de son personnalisme communautaire, car FINGARETTE, dans un chapitre de son livre, analyse la pensée de CONFUCIUS d'une manière qui la fait apparaître absolument parallèle à celle de MOUNIER. Avant de terminer, je vous invite à méditer la partie du texte relative à la perfection morale associée à l'accomplissement de ses propres fins. Il n'est pas indifférent de rappeler ici que pour un chrétien la finalité de l'action politique consiste à conduire le citoyen vers la fin qui lui est due.
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1 commentaire:

Roparzh Hemon a dit…

"les "races inférieures" n'étaient pas pleinement humaines au motif qu'elles n'étaient pas politiques"

Bien vu, M. POINDRON! Tout n'est pas question de couleur de peau, comme l'annonent nos justiciers gauchistes.