lundi 23 mai 2011

Donneurs de leçons

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Le "casse-toi pauv' c..." n'est certes pas une formule propre à figurer dans une anthologie de la poésie française. Elle est vulgaire et indigne de la fonction de Premier Magistrat de la République. On peut simplement la replacer dans le contexte où elle a été proférée pour en comprendre l'origine. Le Président de la République visite un salon et salue des visiteurs. L'un d'eux lui refuse sa main au motif qu'il ne veut pas se la salir au contact de celle du Président. Impulsivité de l'homme, dignité personnelle offensée, absence de maîtrise de soi, voilà quelques raisons d'interpréter le dérapage de Nicolas SARKOZY.
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Monsieur Jack LANG, à propos de l'affaire DSK, déclare, le cul bien calé dans son fauteuil et avec ce ton inimitable auprès duquel celui de monsieur GISCARD d'ESTAING fait pâle figure : "Il n'y a pas mort d'homme", et monsieur Jean-François KAHN, dont le détachement des basses choses du monde de la politique et la hauteur de vue ne sont pas les qualités principales, nous dit aimablement (en une langue que bien peu de nos concitoyens peuvent comprendre en raison de sa préciosité) : "C'est un troussage domestique".
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Notons d'abord qu'aucun des deux hommes ne semblent mettre en doute la réalité des faits dont on accuse DSK. Je n'ai pas pu entendre ou lire la totalité des considérations de ces messieurs, et il se pourrait donc que tous les conditionnels eûssent été mis dans leur commentaire. Il nous aurait fallu un Léon BLOY pour inclure dans son Exégèse des lieux communs le "il n'y a pas mort d'homme" ; quant à la remarque de Jean-François KAHN, en dépit de son côté précieux ou surtout à cause de lui, elle témoigne d'un mépris pour la victime supposée, et d'une curieuse manière d'envisager les droits et les devoirs des hautes personnalités politiques. Mais cette femme de chambre est d'origine africaine, et elle ne mérite pas, puisqu'elle vit aux Etats-Unis, la considération condescendante et gélatineuse que monsieur KAHN fait pleuvoir à longueur de colonnes dans son Marianne, sur les sans-papiers, les clandestins, les immigrés et toute la misère du monde qui vivent dans notre pays. Attention, je ne prétends pas qu'il faille traiter par le mépris ou la répression ou la prison le cas de ces milliers de personnes que nous hébergeons tant bien que mal. Je l'ai dit souvent, je le redis. Mais je ne suis pas sûr que les douceâtres "paroles verbales" de ces messieurs aient jamais d'autres buts que d'alimenter par de nouveaux adeptes la très éclectique chapelle des "Ôte-toi de là que je m'y mette".
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Un peu de cohérence, messieurs les donneurs de leçons, un peu de dignité, un peu plus de considération pour ce Peuple que vous méprisez profondément ; il vous fera savoir, le moment venu, que vous n'êtes pas dignes de leurs suffrages.

3 commentaires:

tippel a dit…

Cher Philippe Poindron votre billet ressemble à celui de maître Gilbert Collard sur son blog.

Roparzh Hemon a dit…

Cher auteur,

je suis d'accord avec tout ce que vous dites dans ce billet, excepté la toute dernière partie : Vulgus vult decipi, malheureusement.

Amicalement,

E. D.

Philippe POINDRON a dit…

Est-il vrai que "l'homme de peu veut être trompé" ? (si je traduit approximativement la citation de Roparz Hemon ?) Je crois plutôt que nombre de puissants dépourvus de scrupules le trompent volontairement à seule fin de garder le pouvoir. Mais, naïf peut-être, je veux croire qu'il y a un vieux fond d'amour de la liberté et de la vérité dans le peuple français. Des Jacques LANG, des Jean-François KAHN ont pu abuser quelques temps tout le monde, ils abuseront toujours leurs clients ; ils ne parviendront pas à abuser toujours tout le monde.
Je termine un livre passionnant d'A. RIVOALLAN sur les Celtes. Je connais votre légitime amour pour ces peuples qui ont si profondément marqué la France. Sa lecture me permettra de donner à ROUGEMER quelques éclairages sur certains aspects des habitudes françaises.
Bien amicalement;