mercredi 15 juin 2011

Toujours actuel

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Ce livre d'Etienne de La BOETIE est toujours actuel. Jugez-en plutôt. Dans son Discours de la Servitude Volontaire, il dit en effet ceci, qui me semble adapté parfaitement à la situation des sociétés dites développées en général, et de la France en particulier.
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"A la vérité, c'est le naturel du menu peuple, duquel le nombre est toujours plus grand dans les villes, d'être soupçonneux à l'endroit de celui qui l'aime, et naïf envers celui qui le trompe. Ne pensez pas qu'il y ait nul oiseau qui se prenne mieux à la pipée, ni poisson aucun qui, pour la friandise du ver, s'accroche plus tôt à l'hameçon, que tous les peuples s'allèchent vitement à la servitude par la moindre plume qu'on leur passe, comme l'on dit, devant la bouche, et c'est chose merveilleuse qu'ils se laissent aller ainsi tôt, mais à condition qu'on les chatouille.
Les théâtres, les jeux, les farces, les spectacles, les gladiateurs, les bêtes étranges, les médailles, les tableaux et autres choses de peu, c'étaient aux peuples anciens, les appâts de la servitude, le prix de la liberté, les outils de la tyrannie..."
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Paris Plage, les Nuits blanches, la Gay Pride, les grands spectacles qui  se montent ici et là en province (le Puy du Fou par exemple), ne serait-ce pas les appâts que les puissants nous tendent, "la plume devant la bouche" qui leur permettent de faire ce qui leur chante ? Il y a là matière à réflexion. A cet égard, je vous recommande vivement la lecture du dernier billet publié par Pïerre-Henri THOREUX sur son site http://www.libertylovers.blogspot.com/. Il y analyse très finement le dernier "ouvrage" de Michel ONFRAY et critique en argumentant son prône en faveur de l'hédonisme, de l'athéisme, du relativisme, de l'individualisme et de l'idéologie de gauche. (Comme quoi, tout semble se tenir.)
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Loin de moi de rejeter les joies de ce monde et ses plaisirs ! Loin de moi aussi l'idée d'absolutiser une parole humaine (ce qui entraîne qu'il ne faut jamais enfermer un homme dans une parole ou un acte, sinon, pas de rédemption envisageable) ! Loin de moi l'idée que le "je" est haïssable (c'est le "moi" qui l'est), car "je" est une personne (et non un individu) reliée à d'autres personnes. Simplement rien de tout cela ne mérite d'être idolâtrer. Notre liberté intérieure et politique est à ce prix.
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Bonne journée.

4 commentaires:

Anonyme a dit…

Cher professeur,

Joli texte que celui de La Boétie, écrit dans son jeune âge à part de cela.

Voici la réflexion que j'ai eu, suite à la lecture de votre billet, et à un autre texte d'un auteur chinois. Permettez-moi de vous la faire partager :



L'histoire de l'humanité repose sur deux questions :

doit-on laisser le pouvoir entre les mains d'un groupe d'hommes ou élites
君臣制度
doit-on donner le pouvoir à tous les hommes ou au peuple ?
人民制度

paradoxalement, ceux qui prônent le pouvoir pour tous les hommes, les défendeurs du peuple ou de la démocratie, sont souvent des gens de l'élite.

paradoxalement encore, les plus grands despotes sont souvent issus du peuple.


Du temps de la féodalité, nous avions deux pouvoirs : un pouvoir politique de l'élite. Et un autre pouvoir tacitement accepté et tout autant politique qui laissait les gens du peuple réglés leurs affaires entre eux.

Durant les temps de la féodalité, le peuple se payait le luxe d'une élite, représentée par une " dynastie " qui devait se soumettre à la loi du ciel. C'est-à-dire qu'elle ne devait pas faire n'importe quoi, sinon elle mettait en danger son existence.

Le peuple affairé à ses affaires ( commerce, échange, culture, gestion des familles etc ) ne voulait rien entendre des histoires de cette élite. Qu'elle se débrouille, on a assez affaire comme cela. D'ailleurs, il n'était pas rare que les gens du peuple ne connaissent réellement le nom des gouvernants et c'est ce qu'ils faisaient au juste. Non pas qu'ils étaient du bétail ignare et stupide ( telle que la propagande démocratique veut nous le faire croire ), mais seulement ils avaient autre chose à faire.

Contrairement à ce qu'on peut penser, les gens du peuple s'organisaient très bien, d'ailleurs de multiples cultures et de peuples variés vivaient côte à côte. Et s'il y avait des mécontentements, c'était surtout dû à un problème qui intéressait les gens ordinaires directement. ( impôts injustifiés par exemple )

Et tout a changé le jour où des gens se sont mis à s'enivrer avec des idées de " droit public ", ou de " chose publique ", ou de " pouvoir au peuple ou à tous les hommes ". En échange de la soit-disant liberté, la chose publique s'est ingérée dans la vie des gens et y a imposé ses lois.

Question : doit-on être sujet d'un empereur et avoir la paix pour faire ses petites affaires, ou bien être égal devant la loi, mais soumis aux obligations de ceux qui la font au nom de la chose publique et leur rendre des comptes ? En tant que gens ordinaires, nous y perdons où, nous y gagnons où ?


Avec mes respects, cher professeur.

Philippe POINDRON a dit…

Cher Rougemer, je ne saurais mieux dire. Et il m'arrive souvent de penser : mais qu'ils nous lâchent donc les baskets tous ces gens qui connaissent mieux notre bonheur que nous-mêmes. Je rêve bien sûr !
Bien amicalement.

Pierre-Henri Thoreux a dit…

En citant La Boetie, M. Poindron, vous rejoignez étrangement Onfray qui l'appelle à l'appui de sa théorie de l'insoumission de la masse, nécessaire selon lui pour faire plier les pouvoirs établis. "Soyez résolus de ne plus servir et vous voilà libres" disait le poète. Onfray s'en sert pour justifier une sorte de désobéissance civile, et in fine le "socialisme libertaire" qu'il appelle de ses vœux. Le ramdam qu'on fait en ce moment au sujet des revendications nébuleuses des "Indignés" est du même tonneau. Mais c'est un leurre dangereux.
Vous faites à mon sens bien meilleur usage du discours sur la servitude de la Boétie en montrant avec pertinence son analyse de la faiblesse du peuple qui le rend "soupçonneux à l'endroit de celui qui l'aime, et naïf envers celui qui le trompe". Du moment qu'on manie les bons sentiments, on peut faire prendre pour argent comptant beaucoup de fadaises.
Pour ma part je ne me lasse pas du lumineux raccourci fait par Tocqueville "la démocratie et le socialisme ne se tiennent que par un mot, l'égalité; mais remarquez la différence: la démocratie veut l'égalité dans la liberté, et le socialisme veut l'égalité dans la servitude"
Merci encore de l'honneur que vous faites à mes modestes écrits.

Anonyme a dit…

Bonjour Messieurs,

Pour faire suite au beau texte de Monsieur Thoreux, j'ajouterai :

une société voulant l'égalité dans la responsabilité.

Bien à vous.