vendredi 2 septembre 2011

Remarques diverses

-
Quelques citations, ce matin. Je ne les commente pas. Elles se suffisent à elles-mêmes ; elles éclairent le sens des billets que je m'efforce d'écrire depuis maintenant plus de trois ans. Ce sont aussi des réponses aux objections et remarques de mes lecteurs.
-
"Le comportement de l’homme n’est pas déterminé de manière absolue par l’instinct, comme pour les animaux, mais il naît de la capacité humaine de comprendre et de vouloir ; c’est dans cette capacité de jugement et de choix que consiste  la liberté de l’homme, qui est avant tout une liberté par rapport au conditionnement physique auquel le soumet sa nature corporelle." (Roberto de MATTEILa dictature du relativisme.)
-
"Le refuge et la prison. - Rien de plus facile que de trouver un refuge dans la tendresse d'une femme. Le miracle de l'amour, c'est que ce refuge ne se transforme pas aussitôt en prison. Le nid est bien à la mesure des ailes, mais des ailes repliées et immobiles." (Gustave THIBON. Notre regard qui manque à la lumière.)
-
"Je crois en Dieu mais je refuse son monde. C'est ce que DOSTOÏEVSKI fait dire à IVAN, dans les Frères Karamazov : 'Ce monde de Dieu, je ne l'accepte pas... Ce n'est pas Dieu que je repousse mais la création, voilà ce que je me refuse à admettre.' Et le Grand Inquisiteur, quelques pages plus loin, dira à Dieu : 'Je suis revenu me joindre à ceux qui ont corrigé ton oeuvre.
Là se trouve peut-être une réponse à mon étonnement : dans l'histoire de la pensée occidentale, pourquoi a-t-on accordé une importance quasi exclusive au mal commis et a-t-on si peu réfléchi au mal injustement souffert ? Pourquoi ce désintérêt alors que le témoignage de l'expérience montre que nous en sommes bien davantage préoccupé, même si cette préoccupation est souvent occultée ? Car nous attribuons spontanément le malheur à une culpabilité censée tout expliquer ; mais cette représentation s'enracine dans un sentiment de culpabilité qui est à son tour un malheur incompréhensible." (Lytta BASSET. Le pouvoir de pardonner.)
-
"On avoue que l'esprit de parti est aveugle, rend sourd à la justice, pousse même des honnêtes gens à l'acharnement le plus cruel contre des innocents. On l'avoue, mais on ne pense pas à supprimer les organismes qui fabriquent de tels esprits. (Simone WEIL. Notes sur la suppression générale des partis politiques.)
-
"La morale du bon citoyen n'a que peu de rapport avec l'exercice des vertus et l'acquisition de la conscience. C'est une adaptation aux raisons de la commodité, de la convenance et de la coutume, ce qui est tout à fait différent. Aussi est-ce une morale à double face et à double tranchant, une morale qui bascule à point nommé, qui se retourne comme un gant, ce qui prouve qu'elle n'a point de part avec la vérité." (Lanza del VASTO. Les quatre fléaux.)
-
"Pour être exact, il faudrait dire qu'ils [Ndt : les riches] [...] ont encore plus besoins que les pauvres [d'être consolés], ayant l'âme beaucoup plus fine, comme l'a si délicatement observé notre Paul BOURGET, doué lui-même d'une âme si fine qu'elle paraît n'avoir qu'une seule des trois dimensions requises pour la délimitation géométrique des choses brutes et palpables. [...] Sans remonter jusqu'au temps des Martyrs dont l'histoire n'est pas du tout consolante, on peut lire, dans des ouvrages excessifs qu'il y eut des époques, fort antérieures à l'institution des Jésuites où on parlait beaucoup moins de consolation. La consolation était ajournée à la venue du Paraclet, venue qu'on supposait lointaine, et, en attendant ce Troisième Règne de Dieu sur la terre, on pensait qu'il fallait souffrir au pied de la Croix, dans le Sang du Père des pauvres. Cela on le pensait résolument, absolument, et la dévotion n'avait rien de sentimental. 'L'éminente dignité des pauvres' dont parla BOSSUET beaucoup plus tard, n'était pas un vain discours adressé à des perruques et à des plumages, mais une réalité tangible, indiscutée, au point qu'il était presque banal de voir des riches et parfois de très hauts seigneurs se faisant pauvres pour y avoir part. Il est vrai qu'alors on avait peur de l'Evangile et que, depuis on est devenu plus brave. 'Malheur à vous, riches, parce que vous avez votre consolation !' Essayez donc aujourd'hui d'effrayer quelqu'un de cette Parole de Jésus-Christ." (Léon BLOY. Exégèse des lieux communs.) Et de lui encore, cette pensée détachée : "Je meurs du besoin de la Justice."
-

3 commentaires:

CORATINE a dit…

Merci, cher Monsieur Poindron, de m’avoir aujourd’hui adouci l’esprit ! Et, je le sens bien, de nous avoir apporté matière à consolation !

Je vais essayer de me prêter à ce petit travail de réflexion que vous nous offrez en prenant soin de bien lire et ne pas m’obséder sur un seul point (ce qui est mon grand défaut, je dois le reconnaître !!!!).

ROBERTO DE MATTEL :
Il est évident que la différence entre l’homme et l’animal, c’est que l’homme est capable de réflexion et de résister à ses pulsions.

Voici une citation comparable de Jean-Jacques ROUSSEAU, dans le Second Discours : " Je ne vois dans tout animal qu'une machine ingénieuse, à qui la nature a donné des sens pour se remonter elle-même, et pour se garantir, jusqu'à un certain point, de tout ce qui tend à la détruire, ou à la déranger. J'aperçois précisément les mêmes choses dans la machine humaine, avec cette différence que la Nature seule fait tout dans les opérations de la bête, au lieu que l'homme concourt aux siennes, en qualité d'agent libre.
L'une choisit ou rejette par instinct, et l'autre par un acte de liberté ; ce qui fait que la bête ne peut s'écarter de la règle qui lui est prescrite, même quand il lui serait avantageux de le faire, et que l'homme s'en écarte souvent à son préjudice.
La nature commande à tout animal, et la bête obéit. L'homme éprouve la même impression, mais il se reconnaît libre d'acquiescer, ou de résister; et c'est surtout dans la conscience de cette liberté que se montre la spiritualité de son âme."

GUSTAVE THIBON
Pourquoi la tendresse d’une femme se transformerait-elle en prison ? La tendresse peut être généreuse, discrète quand il le faut, et constituer au contraire un tremplin vers d’autres accomplissements ! Le nid est une base pour l’oiseau et un refuge, mais cela ne l’empêche pas de voler très loin et très haut !


DOSTOIEVSKI
« Ce n’est pas Dieu que je repousse, mais la création », j’ai du mal à comprendre que cette citation soit un éclaircissement pour vos pensées, Monsieur Poindron, puisque Dostoïevski s’exprime de cette manière à travers IVAN, alors que vous, vous prenez la création de l’univers comme un ressenti profond de l’existence de Dieu, et la magnificence de la nature comme « un chemin » qui mène à lui. Ce serait donc cette œuvre, que vous trouvez parfaite, qui, selon Dostoïevski, aurait besoin d’être « corrigée »? Ou vraisemblablement plutôt l’essence de l’homme ? Là, j’en serais parfaitement d’accord.

SIMONE WEIL
Oui, l’esprit de parti conduit à de graves erreurs, de même que l’islamisme conduit au fanatisme le plus insensé, puisque le fait d’adhérer à un parti pousse à épouser inconditionnellement ses idées et à faire perdre toute impartialité, mais j’avoue ne pas connaître suffisamment la philosophie de Simone Weil pour savoir par quoi elle pensait remplacer ces différents organismes nocifs ? Par une seule et même pensée à laquelle tout le monde aurait dû adhérer ? Et de quelle manière comptait-elle s’y prendre ? Je vais m’atteler dès demain à l’étude de son œuvre sur Internet pour essayer de comprendre.

LANZA DEL VASTO
Selon lui, on pourrait donc jouer avec cette morale, qui permet en fait le lien social. Et, d’après Monsieur del Vasto, rares seraient les hommes suffisamment honnêtes pour rester fidèles à une ligne de conduite homogène sociale et intérieure. Ce serait une morale très souple de convenance avec laquelle on pourrait prendre bien des libertés en dehors du regard de l’autre !!!

CORATINE a dit…

PAUL BOURGET
Très étonnante première phrase dans cette citation dont je n’arrive pas à discerner si c’est de l’humour ou de la réalité, ne connaissant pas du tout non plus ce philosophe ! Je vous laisse entrevoir mes lacunes !!!


LEON BLOY
Entièrement d’accord avec cette réflexion « Essayez donc aujourd’hui d’effrayer quelqu’un avec la parole de Jésus-Christ. » Dans la même ligne, tentez aussi aujourd’hui de convaincre quelqu’un avec cet autre adage: « Heureux les simples d’esprit car ils verront Dieu !! » Non, tout le monde veut être intelligent, fort, puissant, beau, fortuné ; la faiblesse de nos jours est méprisée, tout comme la laideur ou la non-conformité aux canons actuels de la beauté.
Et ce besoin de justice, effectivement si profondément ancré en nous, est presque impossible à combler à cause des médias qui nous influencent, nous racontent tout et son contraire à tel point que l’on ne sait plus de quel côté se tourner ni qui croire ni où se trouve la vérité !!!

Voilà, Monsieur Poindron, les réflexions que m’ont inspirées vos citations. Elles éclairent réellement certains de vos billets mais me plongent dans des abîmes de perplexité quant à mes immenses lacunes concernant nombre de ces philosophes !!!

Philippe POINDRON a dit…

Léon BLOY, chère CORATINE, se moque de Paul BOURGET. Vos commentaires sont remarquables, et je vous remercie de les avoir aussi clairement exposés. Je ne crois pas, en effet, que ROUSSEAU dise autre chose que de MATTEI. Il le dit autrement, mais cela revient au même. THIBON, justement, dit que la tendresse d'une femme n'est tendresse que si elle n'est pas une prison. Il voit dans la stabilité de l'amour une forme d'immobilité pleine, de joie de l'instant. Bien évidemment, je ne partage pas l'avis du Grand Inquisiteur ni d'IVAN. Et du reste votre réaction d'étonnement confirme ce point. Je n'ai pas commenté ce qui est une sorte de blasphème, d'orgueil démesuré. Quant à ma chère, ma grande Simone WEIL, que dire de plus que ce que vous avez si bien dit ?
Vous êtes une lectrice fidèle et attentive...