samedi 1 octobre 2011

Propos modernes d'un Empereur antique

Il y a plus de 2000 ans, un Empereur de la dynastie des HAN antérieurs - je n'ai pu hélas retrouver son nom - disait ceci,  qui suit :
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"Beaucoup de gens se détournent du principal : la production, pour s’appliquer à l’accessoire : le commerce. Les habitudes de vice et de prodigalité croissent chaque jour. Les grands marchands accumulent des bénéfices et amassent des fortunes ; les petits, profitant des besoins des clients, gagnent sur tout. Ils ne cultivent pas, leurs femmes ne tissent pas et cependant tous s’habillent élégamment, mangent bien, ont des relations avec les princes et la noblesse ; ils sont puissants, ils ont de bonnes voitures, de beaux attelages, des souliers et des habits de soie."
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Je me demande si l'un des problèmes majeurs de notre pays n'est pas là. Nous voyons en effet que les propriétaires et actionnaires des grandes surfaces, les revendeurs de RUNGIS, les traders, les propriétaires des enseignes franchisées, ne sont pas vraiment dans la misère, tandis que nos paysans et nos agriculteurs, les seuls à travailler encore dans le secteur primaire, celui de la production de biens élémentaires (il y a longtemps qu'il n'y a plus de mineurs et presque plus de carriers chez nous), sont dans une grande détresse, soumis à la pression de revendeurs rapaces. Il serait injuste de dire qu'il faudrait supprimer tous ceux qui font commerce. Mais enfin, à y regarder de près, ils ne produisent aucun bien, simplement des services dont l'utilité n'est pas toujours évidente. Il est assez effrayant de constater que le grand objectif de nombre de nos jeunes est de devenir fonctionnaire (60 % selon certaines enquêtes !). L'Allemagne doit sa prospérité économique au développement d'un réseau très dense de petites et moyennes entreprises du secteur secondaire, celui de la transformation. Elle exporte dans le monde entier ses machines, ses outils, ses appareils ménagers, ses voitures. Et nous sommes bien loin derrière elle en ce domaine, malgré quelques beaux succès, imputables toujours à ces structures considérables dont nous sommes si fiers mais qui sont comme l'albatros, encombrées par leurs ailes géantes quand elles ne volent plus dans les hauteurs. Les pouvoirs publics se trompent de combat quand ils disent vouloir développer le secteur tertiaire.
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Il est tout à fait louable de vouloir augmenter le pouvoir d'achat. On conviendra ici que cette augmentation revient à distribuer mieux et plus équitablement les richesses. Mais on ne peut pas distribuer des biens qui n'ont pas été produits. C'est, selon moi, la grande duperie de l'actuelle opposition. Oh, elle arrivera sans aucun doute à augmenter le PIB ! Savez-vous comment ? En recrutant des fonctionnaires. En effet, les comptables de la nation ont réussi ce tour de passe-passe admirable : ils considèrent que les biens produits par les fonctionnaires sont très exactement égaux au montant de leur traitement.
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En disant cela, j'ai bien conscience d'être dans une situation très inconfortable. Fonctionnaire, je l'ai été. Qu'ai-je produit ? J'aurais bien du mal à le dire. Le seul moment où j'ai la certitude d'avoir contribué à la vie nationale a été celui où, en, compagnie de quelques collègues, nous avons crée une entreprise de recherche sur contrat, avec ses 14 emplois à la clé. Nous vendions des services, mais du moins étaient-ils destinés à améliorer la santé de nos concitoyens, puisque il s'agissait d'étudier les propriétés de nouvelles molécules, susceptibles de traiter de graves maladies neurologiques.
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Les anciens Chinois méprisaient les commerçants. Longtemps ceux-ci furent laissés à la marge de la société. Depuis, ils ont changé et se sont montrés de remarquables marchands. Mais ce peuple est travailleur, dur à la besogne ; il a une très haute conscience du lien social, et de la communauté. Nous avons beaucoup à apprendre de lui. Et si nous ne changeons pas notre regard sur la vie, c'est lui qui un jour fera naviguer sur la Seine ou la Gironde ses avisos et ses bateaux de guerre, construira des concessions extra-territorialisées à Marseille ou au Havre, s'emparera de nos usines, et nous traitera avec l'arrogance que nous avons manifestée à son égard, au moment de l'Europe triomphante, colonialiste, arrogante, scientiste et matérialiste.
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3 commentaires:

Roparzh Hemon a dit…

Cher auteur,

certains sages chinois vont dans le sens de ce que vous dites à la fin de votre billet. Voyez les paroles de l'un d'entre eux ci-dessous (texte tiré de "La Voie Rationnelle" de Margioi, pp.262-263) :

Roparzh Hemon a dit…

Vois, homme du froid, combien vous êtes et combien nous sommes. Sans compter ni les Mongols, ni les Giaochi, ni les Nhetban, les seuls Chinois sont deux fois plus nombreux en Chine que les blancs en Europe ; et même il y a de nos frères dans les Indes, dans les grandes îles et jusqu'en Amérique. L'Empire, qui a des parties fertiles, mais qui contient aussi de grands déserts, de hautes montagnes, et des brousses improductives, ne pourra bientôt plus ni les retenir, ni lesz nourrir. Là où, il y a cinq cent ans, il n'y avait qu'un seul homme, il y en a maintenant dix, et il n'y a pas un grain de riz de plus pour les nourrir. Pendant de longues années, ils se serreront les uns à côté des autres, et ils ne mangeront pas à leur faim ; et cela pendant si longtemps que, ni toi, ni moi, ni nos fils, ne verrons se passer autre chose.

Mais, un jour viendra qu'ils ne pourront plus ainsi vivre. Alors, les cadets, laissant la rizière à l'ainé, se lèveront et emporteront les tablettes des ancêtres ; et ils s'en iront sans regrets, car ils auront ainsi emport\'e leur foyer et l'esprit de leur race. Ils ne seront ni cent, ni mille, mais dix mille fois des myriades. Ils arriveront ; ils n'auront besoin ni d'armes ni de violence ; ils seront trop.

L'immense et toujours grandissante fécondité de la race vous poussera dans la mer, vous chassera de vos royaumes et enlèvera le dernier grain de riz à vos bouches affamées. Ils y viendront dans de longues années ; parfois, dans mes rêves, mon esprit lucide vole jusqu'aux choses de l'avenir, et je vois, je vois de longues files marcher interminablement vers les brumes de ton pays ; et j'entends, sur les sentiers qui vont à l'Ouest, les claquements de sandales de ces milliers d'hommes. Que nos coeurs émus saluent la nuit des temps dont ils vont sortir.

Ils arriveront ; devant le nombre effroyable, vous n'aurez de recours qu'en votre Dieu, car toute force serait inutile; et c'est alors que l'oubli du Ciel et l'ignorance de votre esprit vous seront fatals, et que vos injures se dresseront pour votre ruine. Ni vos civilisations efféminées, ni vos systèmes materialistes, ni vos plastiques perverses, ni vos actes sensualisés, ne vous donneront même le courage qu'il faut pour bien mourir. Vos corps, amaigris d'un énervement volontaire, vos âmes, fatiguées du vertige de vos philosphies, vos esprits, engourdis par uen négation de vingt siècles, tous vous roulerez dans le torrent de vos vices ; et vous disparaîtrez devant la Race antique qui a su maintenir intact le principe de Sagesse éternelle, qui flamba devant nos communs aieux.

C'est notre consolation, à nous, humbles étudiants, qui mourons sur les Livres avant qu'ils nous aient tout révélé, d'avoir prédit et préparé la victoire finale des sages, et de l'avoir dresssée, dans l'espoir de nos enfants, comme les prémisses des récompenses dues aux fidèles servants du Tao ...

Philippe POINDRON a dit…

Merci, cher Roparzh Hemon, pour ce très beau texte. Je viens, pas plus tard qu'hier, de découvrir l'auteur que vous citez (et qui ne serait autre qu'un Français du nom d'Albert de POUVOURVILLE ; à vérifier car si c'était le cas, il aurait l'esprit chinois chévillé au corps !). Ce texte est prophétique, en effet. L'avenir est tellement inscrit dans le présent, il s'articule tellement au passé (les traités inégaux, la guerre de l'opium, l'exploitation éhontée de la Chine par l'Europe à la fin du XIXe siècle et pendant la première moitié du XXe siècle),que je suis absolument stupéfait de l'aveuglement de nos dirigeants. Qu'est-il préférable ? Une guerre sino-américaine dans laquelle nous serions embarqués, ou une meilleure répartition des richesses de la terre, richesses dont la destination est universelle ? Il faudrait beaucoup de sagesse pour éviter le drame dont l'ombre se projette avec une netteté croissante sur l'avenir.