mardi 31 mai 2011

Une lettre prémonitoire de Charles de Foucauld

Lettre du Père Charles de Foucauld adressée à René Bazin, de l'Académie française, président de la Corporation des publicistes chrétiens, parue dans le Bulletin du Bureau catholique de presse, n° 5, octobre 1917 :

"Ma pensée est que si, petit à petit, doucement, les musulmans de notre empire colonial du nord de l'Afrique ne se convertissent pas, il se produira un mouvement nationaliste analogue à celui de la Turquie : une élite intellectuelle se formera dans les grandes villes, instruite à la française, sans avoir l'esprit ni e coeur français, élite qui aura perdu toute foi islamique, mais qui en gardera l'étiquette pour pouvoir par elle influencer les masses ; d'autre part, la masse des nomades et des campagnards restera ignorante, éloignée de nous, fermement mahométane, portée à la haine et au mépris des Français par sa religion, par ses marabouts, par les contacts qu'elle a avec les Français (représentants de l'autorité, colons, commerçants), contacts qui trop souvent ne sont pas propres à nous faire aimer d'elle.

Le sentiment national ou barbaresque s'exaltera dans l'élite instruite : quand elle en trouvera l'occasion, par exemple lors de difficultés de la France au dedans ou au dehors, elle se servira de l'islam comme d'un levier pour soulever la masse ignorante, et cherchera à créer un empire africain musulman indépendant. L'empire Nord-Ouest-Africain de la France, Algérie, Maroc, Tunisie, Afrique occidentale française, etc., a 30 millions d'habitants ; il en aura, grâce à la paix, le double dans cinquante ans. Il sera alors en plein progrès matériel, riche, sillonné de chemins de fer, peuplé d'habitants rompus au maniement de nos armes, dont l'élite aura reçu l'instruction dans nos écoles. Si nous n'avons pas su faire des Français de ces peuples, ils nous chasseront. Le seul moyen qu'ils deviennent Français est qu'ils deviennent chrétiens. Il ne s'agit pas de les convertir en un jour ni par force mais tendrement, discrètement, par persuasion, bon exemple, bonne éducation, instruction, grâce à une prise de contact étroite et affectueuse,oeuvre surtout de laïcs français qui peuvent être bien plus nombreux que les prêtres et prendre un contact plus intime."
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Je me contente aujourd'hui de porter ce document à votre connaissance. Je n'ai donné qu'une partie de cette lettre. Plusieurs billets viendront compléter celui-ci, et prolonger celui que j'avais intitulé au mois d'avril "la guillotine de RATISBONNE", et je m'efforcerai de monter combien notre politique vis-à-vis des immigrés de confession musulmane est aveugle, suicidaire, philosophiquement fausse et politiquement stérile. Mais dans notre belle France, l'amour des belles idées passe avant celui de la réalité, surtout quand celle-ci est mise en évidence par un homme de l'envergure de Charles de FOUCAULD, assassiné, faut-il le rappeler, par un natif du pays dans lequel il avait choisi de passer sa vie, un natif à qui il avait rendu de grands services.

lundi 30 mai 2011

Histoire réelle, histoire officielle...

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7 août 1954. Nous sommes dans la cathédrale de SOISSONS, pour les obsèques d'un homme qui eut un rôle important dans l'économie de sa région. Vient le moment de l'homélie. Le chanoine MILLOT s'avance. Aux pieds du cercueil, sur un coussin brillent les nombreuses décorations du défunt, au milieu desquelles se détache la cravate de commandeur de la Légion d'honneur. De cela, le disparu n'a rien emporté avec lui. Vanitas vanitatum.  Et voilà l'inouï qui nous est révélé, voilà sa vraie richesse, voilà son bagage d'éternité :
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"Le 22 décembre 1944, 42 prêtres venant de NEUENGAMME, arrivent au camp de DACHAU - exténués (fatigue - coup - faim). Trois étaient morts dans le  voyage. Un autre devait expirer sur un banc entre la gare et le camp. Deux autres étaient jetés dans les flammes du Krematorium moins de 48 heures après.
Le soir de notre arrivée, je voyais venir à moi à la porte du Block de quarantaine, un Français, les traits tirés, les yeux ardents : "Vous êtes prêtre ? de SOISSONS ? - Je suis X.... de SOISSONS. Prenez cela - je reviendrai demain. Il me tendait un bout de pain. [...] Le 23 décembre 1944 naissait entre lui et moi une amitié fraternelle qui allait s'affirmer, se fortifier au milieu des épreuves les plus terribles qu'un être humain puisse endurer."
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Le chanoine MILLOT a des larmes dans les yeux. Il a eu la mâchoire fracassée pendant son passage à DACHAU, et comme il le dit lui-même, "ces paroles sortant d'une bouche encore marquée par la déportation, seront avec ma prière, l'ultime merci à celui qui fut dans les moments les plus tragiques de ma vie un frère si profondément humain et chrétien".
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Cet homme dont parle le chanoine MILLOT, c'est mon grand-oncle, le frère de cette grand-mère extraordinaire dont j'ai parlé ici-même à plusieurs reprises. Il a été déporté, sur dénonciation, pour faits de résistance. Jamais il ne nous avait fait cette confidence du pain donné, et il a fallu l'occasion de ses obsèques pour apprendre sa bonté. Et l'on voudrait que je ne sois pas fier d'être Français ? Oh, certes, il y a eu bien des bassesses de la part de mes compatriotes pendant la seconde guerre mondiale. L'une de mes soeurs, Directeur de Recherches (aujourd'hui honoraire) au CNRS, et spécialiste de l'histoire de la Résistance et de la vie quotidienne sous l'occupation, nous en a raconté de bien belles à ce sujet. Mais il y a eu ces témoins (martyrs au sens étymologique) dont on ne parle guère et qui furent l'honneur de la Patrie. Il faut imaginer l'abnégation que représente le don de son pain dur, pour celui qui voit autour de lui, comme il nous le racontait, des déportés russes arracher le foie des cadavres pour s'en repaître. Je suis désolé de devoir donner ces détails. Mais il le faut pour que compreniez quelle a été l'atmosphère dans laquelle j'ai été élevé : celle du respect de soi-même.
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Il n'y a pas de hasard disais-je. Et c'est bien vrai. Je lis dans l'un des journaux gratuits distribués aujourd'hui un petit article consacré à un livre de Françoise LABORDE et dans un autre les confidences d'Alexandre JARDIN sur son grand-père, Jean JARDIN.
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Commençons par le livre de Françoise LABORDE : Une histoire qui fait du bruit. Bien qu'il s'agisse d'un roman, la romancière n'hésite pas à y insérer des vérités qui ne sont pas bonnes à dire. Il apparaît que "les cheminots français se seraient distingués, dit l'article, par la passivité avec laquelle ils auraient laissé circuler les trains de déportation. Seul un machiniste français a refusé de conduire un train de déportation durant toute l'Occupation". (Voilà qui est factuel)
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Continuons par celui d'Alexandre JARDIN. Il avait un grand-père vichyste, chef de cabinet de LAVAL en 1942. Une chercheuse, Annie LACROIX-RIZ passe son temps à ausculter, analyser, décrypter les Archives nationales, celles de la Préfecture de Paris, de la Banque de France, des Chambres de Commerce. Et elle transmet ces informations à Alexandre JARDIN, accablé : "C'est pire que ce que j'imaginais", dit-il. Mais le point n'est pas là. L'article s'accompagne d'un entrefilet de commentaires. Alexandre JARDIN y déclare qu'il a reçu depuis la parution de son livre sur le passé de son grand-père, des messages, des lettres. Il en est une qui le trouble profondément et qu'il nous livre : "La fille d'un cheminot raconte comment 'son père était chargé de vider les seaux hygiéniques des trains qui partaient pour AUSCHWITZ et revenaient vides. Petite fille, dit-elle, elle avait entendu parler à mi-mots de ces seaux devenus tabous dans sa famille'."
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L'intérêt de ces deux articles vient de ce que deux journaux indépendants l'un de l'autre, publient le même jour des articles portant sur le même sujet, celui du comportement des cheminots pendant la guerre. (a) D'abord, il y en a eu qui ont été héroïques. Cela est vrai. Il faut le dire. Mais ce sont des personnalités exceptionnelles. (b) Ce n'est donc pas le corps tout entier des cheminots qui a eu cette attitude digne et admirable. Que pour des raisons politiques, on ait mythifié (cf. La bataille du rail) la réalité, il n'en reste pas moins vrai que la réalité n'est pas celle qu'on veut bien nous dire. Elle est nuancée : grise, noire, éclatante de beauté,  glauque de veulerie, complexe. Mais gardons-nous de juger. Contentons-nous de dire la vérité, même si elle nous dérange par certains de ses côtés.
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En tout cas, il a bien fallu un train pour transporter mon grand-oncle et ses compagnons de misère jusqu'à DACHAU.
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Vous avez dit bizarre ?

Voici trois historiettes très significatives.
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Première historiette :

Au mois de janvier 2011, comme ils le le font toujours depuis 8 ans, les responsables protestants et catholiques des "24 heures de Vie" demandent à la Préfecture du Bas-Rhin l'autorisation d'organiser une marche nocturne (40 personnes environ) aux flambeaux tout autour de l'ellipse insulaire de STRASBOURG. La marche est silencieuse. Le groupe s'arrête en des endroits importants de la ville, et prie en silence pour les magistrats devant le Tribunal, les journalistes devant le bureau des Dernières Nouvelles d'Alsace, les hommes politiques régionaux devant le Conseil Régional, etc.
Ne voyant rien venir, les responsables téléphonent à la Préfecture la semaine dernière. Réponse : nous n'avons pas reçu votre demande. Ça peut arriver. La marche est donc annulée.
Samedi soir, grande soirée de témoignage à l'église du Christ ressuscité. Foule impressionnante. Laurent GAY, un ancien toxicomane, vient raconter comment il est sorti de l'enfer et comment il a rencontré Jésus et le salut.
Par hasard ou providentiellement, un adjoint au maire de STRASBOURG, Jean-Jacques GSELL, est dans l'assistance. L'un des responsables discute avec lui avant l'ouverture de la soirée. Au cours de la conversation, il lui dit notre tristesse de ne pouvoir faire cette marche de nuit comme nous le faisons régulièrement (dans tous les sens du terme) depuis 8 ans. Il s'étonne et dit avoir signé l'autorisation que la Préfecture lui avait transmise pour avis, et nous donne, avec sa carte de visite et son numéro de téléphone personnel, l'autorisation de faire cette marche, en précisant qu'en cas d'ennuis, on peut le contacter à n'importe quelle heure de la nuit.
Fort de cette autorisation, nous décidons de faire comme d'habitude. De toute façon, ce sera la huitième fois qu'avec Merry, la responsable protestante de la marche, nous partirons dans la nuit, et jamais on ne nous a demandé quoi que ce soit, simplement une petite visite de la police municipale pour nous demander si tout va bien.
Nous partons. Pas de problème. A la hauteur de la grand' rue, alors que nous marchons en silence, après une très émouvante rencontre de plusieurs jeunes de confession musulmane, impressionnés par notre témoignage d'unité et de prière, une voiture s'arrête. Une portière s'ouvre. Sort de la voiture un policier, de la Police Nationale, qui me demande si j'ai l'autorisation préfectorale de déambuler. Je lui explique la situation, calmement. Il me demande une pièce d'identité que je lui donne non moins calmement avec le tract imprimé relatif à ces 24 heures de vie. Je dois en outre lui indiquer l'itinéraire, et la durée approximative qui nous reste à couvrir pour rentrer à l'église Saint-Nicolas. Au moment de partir, je lui dis que nous prions aussi pour lui, et quand il me répond qu'il ne croit à rien, je lui réponds qu'il n'en pas moins fils du Père. Et je m'interroge sur cette intervention, la première du genre depuis huit ans. Je crois que quelqu'un a prévenu la Préfecture que nous avions bravé l'interdiction préfectorale et qu'un fonctionnaire zélé a demandé l'intervention de la Police Nationale pour nous faire peur. Ce n'est pas une certitude, seulement une interprétation.
Ah ! comme j'aurais voulu qu'il soit avec nous, ce policier, rue des Tonneliers, pour discuter avec tous ces jeunes qui n'étaient pas tous à jeun ou lucides, et au coin de la rue de l'Ecurie pour faire de même avec des étudiants qui hantent les bars de nuit. Lucas, Jean-Baptiste, François, Florian, Gauthier, Sabine, Hélène, Olivier, Paul et tant d'autres. Ils avaient soif, et l'on aurait voulu nous empêcher de leur donner à boire. Quand on a le privilège d'une vraie rencontre et qu'au lieu de parler de réussite, de fesses et de fric, on parle de l'essentiel, alors tout s'ouvre, et ça on ne peut pas nous empêcher de le faire. Il vaut mieux obéir à Dieu qu'aux Hommes.
Je commenterai tout à l'heure plus en avant l'aspect politique de cette affaire.
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Seconde historiette.

La cathédrale de REIMS a quelques fenêtres qui s'ornent de verre blanc. Il est question d'y mettre de vrais vitraux. Voici la recommandation de l'architecte des bâtiments historiques : "Surtout pas de scènes religieuses pour ces vitraux ; vous comprenez, il n'y a pas que des chrétiens qui visitent cet édifice". Par discrétion, je ne puis donner le nom de l'évêque à qui la confidence à été faite. Mais je la tiens de lui, par un intermédiaire digne de toute confiance, puisque c'est à lui directement qu'elle a été faite. Ah ! Il est loin le temps ou l'administration des postes éditait, après la première Guerre mondiale, des timbres à l'effigie de l'Ange de REIMS pour financer les travaux de restauration d'un monument ravagé par les flammes en septembre 1914. Quand je vous dis que les imbéciles (au sens de BERNANOS) prolifèrent partout, je ne fais pas exception du corps des Architectes des Bâtiments historique.
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Troisième historiette.

L'initiative des 24 heures de vie s'est répandue dans les villes du Grand Est. Après avoir essaimé à COLMAR et MULHOUSE, depuis l'année dernière METZ et NANCY organisent selon les mêmes modalités, une journée analogue. Dans une de ces deux villes, les responsables ont été convoqués à la Mairie : "Comment, vous organisez trois manifestations dans la journée (ce qui est faux) ? Mais qu'est-ce que ça signifie ?" Ils frisent le refus, et il faut l'intervention d'une proche d'un édile, pour qu'enfin l'autorisation soit accordée.
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Voilà ce qu'est un état laïcard, un état qui a la frousse des croyants quels qu'ils soient, un état qui voulant intervenir comme il peut dans la question des prières du vendredi organisées par les fidèles musulmans dans les rues, s'efforce de traiter symétriquement tous ceux qui préfèrent obéir à Dieu qu'aux hommes.  Voilà où nous mène la bêtise capitale de messieurs CHIRAC et JOSPIN, pères actifs du refus d'inscrire dans la Constitution Européenne avortée, les origines chrétiennes de l'Europe. Ce n'est pas l'aveuglement de ces responsables qui changera quoi que ce soit à la réalité. Simplement il ôte à notre pays le droit de traiter les chrétiens actuels, héritiers des chrétiens anciens, comme les descendants de ceux qui peu à peu ont forgé notre culture, nos paysages et nos moeurs.
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Il se trouve, et je conclus, que la seconde lecture de la messe d'hier était tirée de la première lettre de Pierre. Je ne pensais pas, dans la nuit de vendredi à samedi, que j'aurais à me comporter vis-à-vis de policier comme Pierre le recommandait aux disciples de Jésus : "Vous devez toujours être prêts à vous expliquer devant tous ceux qui vous demandent de rendre compte de l'espérance qui est en vous ; mais faites-le avec douceur et respect. Ayez une conscience droite, pour faire honte à nos adversaires au moment même où ils calomnient la vie droite que vous menez dans le Christ". Extraordinaire comme coïncidence, non ?

jeudi 26 mai 2011

Maître Mô, maîtres-mots, maîtres maux

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Par anticipation, et parce que je m'absente pendant le week-end, voici le billet de demain. Reprise dimanche soir.
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Peu après la disparition de CONFUCIUS, apparût en Chine un très grand penseur dont la postérité n'a pas assez relevé l'intérêt et la grandeur. Je veux parler de MOZI (470-390 av. J.-C.). Il existe peu de traduction française directe de l'oeuvre de MOZI. Il en est une que l'on doit au père Léon WIEGER, un jésuite qui vécut en Chine et a publié une importante série de traductions et d'ouvrages sur les penseurs, la culture, les traditions chinoises. MOZI s'oppose à peu près en tout à CONFUCIUS. Maître KONG pensait que les affaires de la terre étaient trop compliquées pour que l'on passe son temps à s'intéresser à celle du Ciel. Maître MÔ, au contraire, croyait en un dieu personnel, unique, et prêchait la crainte du Ciel et l'amour universel. A sa manière, il anticipait sur ce que disait LANZA del VASTO dont j'ai cité un extrait il y a quelques jours, et il était l'un des rares penseurs antiques à n'avoir pour équivalents en Occident comme en Orient "que les prophètes d'Israël et le christianisme" (Introduction du Pr Patrick de LAUBIER aux "Oeuvres choisies de MOZI").
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On dit de lui qu'il était un philosophe "utilitariste". C'est un peu court. Je me demande au contraire s'il n'a pas été un antique précurseur des philosophes pragmatistes américains et de leurs élèves chinois dont FENG YOULAN. Voici comment le père WIEGER traduit un passage du chapitre appelé par lui KIEN-NAI, Charité pour tous, tiré de l'oeuvre de MOZI, passage dont l'actualité me paraît brûlante :
"Pour remédier au triste état de l'Empire, il faut, comme font les bons médecins, aller à la racine du mal. Or cette racine de tous les maux actuels, c'est que les hommes ne s'aiment plus les uns les autres. Chacun cherche son intérêt avant tout, au mépris de l'intérêt d'autrui. Pour l'amour de sa principauté, on cherche à ruiner les autres principautés. Pour l'amour de sa famille, on cherche à nuire aux autres familles. Pour l'amour de soi-même, le père travaille contre le fils, le fils machine contre son père. Oui, tout le mal vient de l'amour exclusif de soi-même, de l'égoïsme. Tout bien viendrait, pour les particuliers et pour l'état, de la charité pour tous, du respect réciproque des titres et des droits de chacun. Considérez les affaires d'autrui comme les vôtres propres, aidez avec bienveillance les autres à obtenir leur avantage, et le monde sera transformé du coup. Tout mal est venu de la distinction du moi et du toi, du mien et du tien. De là tous les litiges, de là toutes les guerres. Cessez d'être égoïstes, devenez altruistes ; faites-céder votre bien particulier au bien commun, et tout changera de face".
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"Ce chien est à moi, disaient ces pauvres enfants. C'est là ma place au soleil.
Voilà le commencement et l'image de l'usurpation de toute la terre."

disait PASCAL dont j'ai cité une pensée dans mon précédent billet. Voilà un constat, lapidaire certes, mais qui commente à merveille les principes de MOZI sur l'amour excessif de la possession et le désir, mais semble s'y opposer sur quelques points : MOZI reconnaît le droit de posséder et de respecter le bien d'autrui. Et selon moi, c'est juste. PASCAL pense que la propriété est à la racine de tous nos maux. Comme cette pensée est très brève et n'est pas commentée, on peut imaginer que s'il eût pu la développer, PASCAL aurait reconnu la malignité de l'envie et du désir, le potentiel de violence que ces passions renferment, comme l'a si bien analysé René GIRARD. Il me semble honnête par conséquent de ne pas presser le sens "communiste" de cette pensée, mais de la comprendre comme une condamnation absolu de l'idolâtrie de la possession.
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On aura reconnu dans le passage de MOZI les divers milieux existentiels  dont FENG YOULAN a établi l'existence, et surtout le milieu spontané ou naturel, le milieu utilitaire et le milieu moral. MOZI ne fait pas référence au milieu transcendant dans ce passage. Mais il en parle à de nombreuses reprises dans d'autres chapitres.
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Et ne venez pas dire que nous n'avons rien à apprendre des sages et des penseurs étrangers à notre culture et à notre continent. Nous pouvons essayer de mettre en correspondance les pensées de tous ces génies et d'aller ainsi peu à peu vers l'universel ENSEMBLE, au lieu de l'imposer, sans faire de syncrétisme béat, sans concession à nos convictions, avec un infini respect pour l'autre. Rappelez-vous cette prière "Ramène à toi, Père très aimant, tous tes enfants dispersés" que les prêtres catholiques disent au cours de la messe. N'est-ce pas là une prière que nous devrions tous faire au lieu de nous étriper par communiqués, guerres, coups de mains, attentats, complots, assassinats, rumeurs et autres moyens diaboliques (littéralement : qui divisent) ?
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Allez ! Bon week-end.
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La partie et le tout

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Je me demande si l'une des raisons principales des irritations qui nous saisissent, quand nous avons le sentiment d'un malentendu avec autrui ou d'une méconnaissance de la réalité par lui, ne réside pas dans l'appréhension différente que l'un et l'autre nous pouvons avoir de la réalité. J'écarte ici l'intervention de l'idéologie, pour ne considérer que la connaissance des faits. Il me semble que PASCAL, avec ce génie intuitif et profond qui caractérise sa pensée, avait en son temps exactement rendu compte de cette question.
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Il a dans ses Pensées, cette analyse lumineuse :

"Toute chose étant causée et causante, aidée et aidante, médiatement et immédiatement, et toutes (choses) s'entretenant par un lien naturel et insensible qui lie les plus éloignées et les plus différentes, je tiens pour impossible de connaître les parties sans connaître le tout, non plus que de connaître le tout sans connaître les parties."
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C'est l'ignorance totale ou partielle du tout qui rend si difficile le travail du témoin ou du journaliste. Les uns savent qu'ils ne la connaissent pas et taisent sciemment leur ignorance. Ce ne sont pas forcément des menteurs ou des manipulateurs. Mais ils ne nuancent pas leur propos de ce coefficient d'incertitude nécessaire à la compréhension de leur témoignage ou de leurs récits. Les autres ne connaissent pas leur ignorance et présentent leur témoignage ou leurs récits comme des certitudes, alors que l'un ou l'autre ne sont que le reflet partielle de la réalité. Il est donc nécessaire d'avoir de l'esprit critique pour les lire. Et puis il y a ceux qui ont une connaissance plus importante des faits qu'ils ne veulent bien le dire et qui les taisent : ceux-là sont des menteurs et des manipulateurs. Ils présentent la partie comme le tout. Ils l'isolent de son contexte ; ils en ignorent volontairement l'origine ; et ils en analysent rarement les conséquences. Il nous faut alors envisager ce cas.
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L'affaire DSK est l'illustration la plus éclatante du propos de ce jour. Isoler la personnalité de DSK de sa responsabilité passée à la tête du FMI, de son passé d'homme politique, et de son implication possible dans l'élection présidentielle de 2012, ne voir que les faits allégués contre lui à New York, c'est une erreur de perspective. Et c'est ce que font les médias américains. Les médias français, eux, rentrent dans la catégorie des témoins qui savaient et qui pour des raisons idéologiques (pudiquement appelées "respect de la vie privée") n'ont jamais fait état des possibles écarts de conduite de leur champion. Ils se lamentent sur les conséquences qu'ont les incriminations américaines sur l'avenir politique de la France (socialiste). Il y a les médias des pays émergents qui voient, légitimement, la possibilité de placer un  représentant de leur pays à la tête du FMI, et ignorent, ou feignent d'ignorer l'histoire de cette institution et la tradition non écrite qui veut que l'on élise un européen. La question n'est pas de savoir si c'est juste. La question est que c'est le point de vue partial des pays européens ; ils ne veulent pas voir le désir légitime des pays émergents de participer à la direction des affaires du monde. En d'autres termes la question de fond n'est jamais posée : le bien fondé de la tradition, la nécessité de la changer, le moyen de le faire. On n'en finirait pas d'interroger la manière dont les faits nous sont narrés.
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Bien entendu, jamais on ne pourra envisager la totalité de la réalité, mais on peut faire un effort pour l'envisager sous des angles divers et très nombreux, sans jamais en privilégier aucun ; on peut discuter, reconnaître ses limites : c'est ainsi que l'on peut construire la paix et chercher la concorde des peuples.
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Mais présenter ainsi les choses ne fait pas vendre. Comme le dit si bien Marcel De CORTE dans son ouvrage L'intelligence en péril de mort  : "Les spécialistes de l'information reconnaissent que l'informateur recourt le plus souvent pour capter l'attention du lecteur à une présentation sensationnelle de l'actualité qui en dénature la portée". Les dépêches d'agence, ajoute-t-il "attachent un prix excessif aux nouvelles brûlantes (spot news), à leur valeur de choc psychologique, aux détails croustillants ou extraordinaires, à la présentation des faits non point selon leur ordre chronologique ou dans leur ordre logique de signification, mais à tout ce qui accroche la curiosité, à ce qui provoque un ébranlement, un saisissement, un coup et qui, paralysant l'intelligence, inonde d'émotions la conscience".
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Et il dit encore, mieux que je n'ai tenté de le faire ici : "Il est rare que l'information soit replacée dans son contexte qui lui donnerait son vrai sens. Détachée de son environnement historique et sociologique, elle est démembrée et ses éléments sont regroupés en vue d'influencer le lecteur ou l'auditeur. Cette manipulation de la nouvelle est renforcée par sa présentation matérielle : le caractère employé s'il s'agit d'un journal, le ton à la radio, l'angle de prise de vues ou l'insistance de l'image dans la T.V. L'information est assujettie pour une grande part aux nécessités commerciales, à la propagande, selon le possesseur des Mass Media. Sa valeur objective passe au second plan".
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Tout ceci pour vous dire que nous devons accueillir avec le plus extrême exprit critique les articles, commentaires, informations qui nous sont distillées, "répétées, déformées et amplifiées auprès de qui de droit" sur cette ténébreuse affaire. Equité, justice, respect de la victime présumée comme de son agresseur possible, rappel des contextes, recadrage dans le temps et l'espace, et ... patience. Je concède que ce n'est pas vendeur. Mais les Français, peuple virevoltant et léger, auront tout oublié dans trois mois.
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mercredi 25 mai 2011

Je préfère la justice à ma patrie...

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Discussion passionnante avec un ami. Je lui disais l'amour profond et viscéral que je porte à ma patrie. Lui se disait "citoyen du monde". Je lui rétorquais : "Je  ne crois pas que cela soit effectivement possible de revendiquer factuellement ce type de citoyenneté. Il y aura pour longtemps encore des passeports, des papiers d'identité, des contrôles aux portes d'embarquement des aéroports, des visas, qui viendront nous rappeler l'existence des NATIONS, et pour nous rappeler, heureusement, nos différences". Je me demande en effet si mon ami ne confond pas NATION, dont l'expression dans le moment présent est l'ETAT régnant sur un espace, et PATRIE, la terre dont l'expression est l'HISTOIRE et qui règne sur nos mémoires, nos familles, notre langue et notre culture.
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Mais il me disait quelque chose à quoi j'adhère totalement : moi aussi je préfère la justice à tout autre considération. Mais je formulerais ma préférence d'une manière un peu différente : je préfère la justice à ma nation. L'Etat qui prétend l'incarner n'a qu'une existence éphémère ; il est fragile ; il est tyrannique, souvent injuste. Voilà pourquoi je ne saurais accepter ce que disent et font les Anglais : Right or wrong, my country is my country ; qu'il ait tort ou qu'il ait raison, mon pays est mon pays. Ils ont une curieuse manière de procéder, les Anglais, et qui va à l'encontre de ce que notre tempérament batailleur de Français nous fait dire et faire : Never explain, never complain ; ne jamais expliquer, ne jamais se plaindre, disent-ils. Nous, nous passons notre temps à nous flageller nous-même, à décortiquer, à analyser, à insinuer, à supputer, à jouer avec les mots, au point, par exemple, que la candidature de madame LAGARDE comme Directeur du FMI risque d'être compromise par ces acharnés de la transparence qui lui font un mauvais procès dans l'affaire de l'arbitrage Crédit Lyonnais-Bernard TAPIE. C'est que leur transparence est très opaque. Dans quelle lumière baigne-t-elle ?
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La qualité de Français ne saurait nous valoir aucun avantage sur les autres peuples. Mais aucun désavantage non plus. Ayons une juste estime de nous-même, ni trop, ni trop peu.
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PS : vous trouverez juste avant le petit billet "Ils ont du culot" que, sans l'avoir voulu, j'ai collé ici

Il faut tout de même avoir du culot

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Madame LAGARDE se voit donc visée par le parquet général pour avoir autorisé la liquidation arbitrale du conflit qui opposait monsieur Bernard TAPIE au Crédit Lyonnais. A l'évidence, l'ancien ministre de la ville de monsieur MITTERRAND avait été floué par cette banque. Le parquet général ne semble pas avoir mis le même empressement à rechercher les responsabilités dans l'affaire du trou du Crédit Lyonnais (300 milliards de francs lourds), creusé alors que cette banque était nationalisée et sous la surveillance de représentants de l'Etat. Ces messieurs se rendent-ils compte qu'avec leur justice à géométrie variable, ils dégoûtent de plus en plus un nombre croissant de leurs concitoyens ? Madame LAGARDE est sans doute un des meilleurs ministres des finances et de l'économie que nous ayons eus depuis des années. Mais il faut faire plaisir, n'est-ce pas, à ceux qui risquent d'arriver bientôt au pouvoir. Ils ont du culot tous ces gardiens de la virginité douteuse de l'orthodoxie financière...

Je m'absente jusqu'au lundi 16 mai. Donc, petite relâche dans mes billets.

mardi 24 mai 2011

Encore Lanza des Vasto

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De LANZA del VASTO, cet aphorisme admirable :
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"Non, la dialectique ou balancement de droite à gauche n'est pas la machine à produire de la libération ou de la justice.
Non ce n'est pas la fusée qui va finir à coup sûr dans la lune du bonheur".
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Il dit cela dans un paragraphe des Quatre Fléaux, un paragraphe intitulé Du jeu de la Liberté et de la Puissance ou Révolution perpétuelle. Puis dans la section qui suit immédiatement et qu'il intitule D'une troisième chose dont on ne doit point parler, il dit (je respecte scrupuleusement la graphie, notamment les minuscules et les majuscules) :
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"N'existe-t-il donc pas une puissance qui aille avec la Liberté ? N'existe-t-il pas une liberté de la Puissance et une puissance de la Liberté ?
Oui, l'Amour.
Mais c'est une autre affaire et qui n'a pas de place, à ce que disent les habiles, dans les affaires publiques."
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C'est bien cette déchéance de la pensée, ce dessèchement du coeur que trahissent les propos des messieurs LANG et KAHN. Je les ai commentés déjà hier. J'ose apporter ici une petite notule supplémentaire,  marginale, mais non point subalterne.
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Le propre de l'idéologie, je le redis ici pour la dixième fois au moins, c'est d'être insensible au sort de l'homme concret. "Il n'y a pas mort d'homme", de quoi se plaint-elle semble dire le premier. Elle ne va tout de même pas nous emmerder avec sa plainte et ses gémissements. Elle est en vie. Ça n'est pas si mal que ça non ? Elle ne va pas flanquer par terre le bel idéal socialiste qui promet des jours radieux à ceux qui ont mis en lui leur espoir (et à eux seuls semble-t-il) ? Quant au second, la vulgarité de son propos est telle qu'elle ne mériterait que le silence, si elle ne révélait le fond exact d'une pensée. Le désir frustré de monsieur KAHN de voir politiquement battu un homme qu'il hait viscéralement, par un champion aujourd'hui déboulonné dont tout pourtant  annonçait le succès, lui fait dire n'importe quoi. Le "troussage d'une domestique", qu'est-ce donc à côté du triomphe de mes idées ? Cette femme concrète, en chair et en os, avec son histoire, ses drames familiaux, qui dit avoir été victime de violences sexuelles de la part d'un VIP, fait tache dans le tableau de mes belles idées et de mes systèmes ; ce ne peut être "qu'un troussage de domestique", vous dis-je.
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Non, ce n'est pas ainsi qu'il faut faire de la politique. C'est intolérable.
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Et si Dominique STRAUSS-KAHN, en tant qu'être humain a droit au respect de sa personne et de sa dignité, il doit, le cas échéant, assumer ses responsabilités autrement qu'en affirmant être l'auteur d'un simple "troussage de domestique", "sans mort d'homme" comme le prétendent ses (mauvais) défenseurs. Il proclame son innocence. C'est cela qu'il faut dire. Et c'est cela qu'il lui faut prouver.
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lundi 23 mai 2011

Donneurs de leçons

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Le "casse-toi pauv' c..." n'est certes pas une formule propre à figurer dans une anthologie de la poésie française. Elle est vulgaire et indigne de la fonction de Premier Magistrat de la République. On peut simplement la replacer dans le contexte où elle a été proférée pour en comprendre l'origine. Le Président de la République visite un salon et salue des visiteurs. L'un d'eux lui refuse sa main au motif qu'il ne veut pas se la salir au contact de celle du Président. Impulsivité de l'homme, dignité personnelle offensée, absence de maîtrise de soi, voilà quelques raisons d'interpréter le dérapage de Nicolas SARKOZY.
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Monsieur Jack LANG, à propos de l'affaire DSK, déclare, le cul bien calé dans son fauteuil et avec ce ton inimitable auprès duquel celui de monsieur GISCARD d'ESTAING fait pâle figure : "Il n'y a pas mort d'homme", et monsieur Jean-François KAHN, dont le détachement des basses choses du monde de la politique et la hauteur de vue ne sont pas les qualités principales, nous dit aimablement (en une langue que bien peu de nos concitoyens peuvent comprendre en raison de sa préciosité) : "C'est un troussage domestique".
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Notons d'abord qu'aucun des deux hommes ne semblent mettre en doute la réalité des faits dont on accuse DSK. Je n'ai pas pu entendre ou lire la totalité des considérations de ces messieurs, et il se pourrait donc que tous les conditionnels eûssent été mis dans leur commentaire. Il nous aurait fallu un Léon BLOY pour inclure dans son Exégèse des lieux communs le "il n'y a pas mort d'homme" ; quant à la remarque de Jean-François KAHN, en dépit de son côté précieux ou surtout à cause de lui, elle témoigne d'un mépris pour la victime supposée, et d'une curieuse manière d'envisager les droits et les devoirs des hautes personnalités politiques. Mais cette femme de chambre est d'origine africaine, et elle ne mérite pas, puisqu'elle vit aux Etats-Unis, la considération condescendante et gélatineuse que monsieur KAHN fait pleuvoir à longueur de colonnes dans son Marianne, sur les sans-papiers, les clandestins, les immigrés et toute la misère du monde qui vivent dans notre pays. Attention, je ne prétends pas qu'il faille traiter par le mépris ou la répression ou la prison le cas de ces milliers de personnes que nous hébergeons tant bien que mal. Je l'ai dit souvent, je le redis. Mais je ne suis pas sûr que les douceâtres "paroles verbales" de ces messieurs aient jamais d'autres buts que d'alimenter par de nouveaux adeptes la très éclectique chapelle des "Ôte-toi de là que je m'y mette".
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Un peu de cohérence, messieurs les donneurs de leçons, un peu de dignité, un peu plus de considération pour ce Peuple que vous méprisez profondément ; il vous fera savoir, le moment venu, que vous n'êtes pas dignes de leurs suffrages.

dimanche 22 mai 2011

Quand les bouches s'ouvrent...

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Qui ne se souvient de la campagne des cent fleurs (YI BAI HUA ? Que notre cher ROUGEMER corrige si cela est faux) ? MAO ZE DONG invitait ses concitoyens à donner leur avis sur les mesures qu'il convenait de prendre pour la Chine : "Que mille bouches s'ouvrent ! Que cent fleurs s'épanouissent !" disait-il. Le but inavoué de cette campagne était en réalité de démasquer ceux qui auraient pu contrecarrer les ambitions politiques du Grand Timonier. Nombre de malheureux qui avaient donné leur avis payèrent, qui de leur vie, qui de leur liberté, leur innocence et leur naïveté.
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Il semble bien que les bouches s'ouvrent à propos de l'affaire DSK. Nombre de journalistes, de témoins, de jeunes femmes harcelées par l'ex-champion du PS, commencent à dire que l'on était au courant des pressions que l'ex directeur du FMI faisait peser sur ses collaboratrices ou les jeunes femmes que son activité lui faisait rencontrer. Il est absolument impensable que les responsables socialistes aient ignoré ce trait de la personnalité de DSK. Curieusement, après avoir pensé porter plainte contre lui, Tristane BANON renonce (l'embarras de son avocat est manifeste) et elle n'ira pas témoigner contre lui à New-York. C'est tout à son honneur. Il fallait entendre, sur les étranges lucarnes, les psychiatres et les psychologues déclarer doctement que tant qu'il n'y a pas  de violences faites à autrui, l'activité sexuelle, quelle qu'en soit la nature et la forme, même si elle paraît désordonnée à nombre de niais dont je confesse faire partie, n'a pas à être jugée. Je les ai entendu, ces doctes. Ils étaient pitoyables dans leur défense de l'indéfendable.
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On a, à juste titre condamné les évêques irlandais qui ont caché le scandale des agressions sexuelles commises sur des enfants par des religieux. Bien que l'agression faite à des enfants ait un caractère encore plus odieux que celle faite aux femmes, je ne vois guère de différence de structure entre la protection accordée à un puissant par ses obligés, et le silence coupable des prélats irlandais. Je redis que la dignité de DSK doit être préservée et qu'il a droit à un procès équitable. Mais quand les bouches s'ouvrent, quand la vérité sort toute nue du puits, on peut s'interroger sur la sincérité, ou sur la clairvoyance, ou sur le discernement de ces gens qui ne cessent justement de nous faire la morale, leur morale à eux laquelle correspond étrangement à leur intérêt personnel. Il y a des postes de ministres qui ont sombré ! Et bien des pleurs socialistes ressemblent à celle de Perrette et de son pot au lait qui prétendait, légère et court vêtue arriver sans encombre à la ville.
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Je maintiens toutefois que ni le PS, ni l'UMP, ni le FN ne me semblent représenter une solution aux maux qui accablent notre patrie, déclenchés par feu le Président MITTERRAND, avec la bienveillante complicité de son prédécesseur qui démagogiquement lui avait préparé le terrain.

samedi 21 mai 2011

Extrême-Orient, Extrême-Occident, des échanges multiséculaires

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Je réponds ici à un commentaire de ROUGEMER concernant la crise de 1929, dont certains économistes, américains semble-t-il, voudraient rendre la France responsable en raison des achats massifs d'or que les Français auraient fait à l'époque.
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Il s'agit d'une hypothèse. Elle est certes soutenable, mais elle est invérifiable, comme toute hypothèse économique générale. Elle échappe donc au statut scientifique de tout énoncé qui ne peut être vérifié par l'expérience.
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En revanche, je crois que l'on peut rendre les Etats-Unis et ses banquiers véreux, MADOFF en tête, responsables de la crise économique dont nous ne sommes pas encore entièrement sortis. Si ces banques n'avaient pas eu à leur tête des dirigeants rendus fous par l'argent, il n'y aurait pas eu de titrisation des créances hypothécaires douteuses, pas de crises de subprimes, pas d'effondrement momentané des économies. Et si nous avions un tant soit peu d'honnêteté intellectuelle, nous verrions que c'est la FRANCE qui, de tous les pays occidentaux, s'est le mieux tirée de ce mauvais pas. En prêtant à intérêt de l'argent public aux banques françaises, nos dirigeants ont maintenu la confiance des déposants envers elles. Imaginez qu'il n'en ait pas été ainsi, et l'on aurait vu des centaines de mètres de queue de citoyens venus récupérer leurs dépôts, sans que les banques, faute de liquidités aient pu honorer leurs demandes (Cf. l'exemple de l'ARGENTINE). Si l'état avait nationalisé et que les banques se fussent effondrées - le scénario était plausible - c'est l'argent des contribuables qui seraient partis en fumée, ne laissant à l'état que des passifs, et fort peu d'actifs (les bâtiments).
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Revenons à cette question de l'or.
Les Romains entretenaient avec la Chine, et l'Inde surtout, d'étroites relations économiques. On a retouvé des dizaines de trésors de monnaies romaines en Inde. L'un des plus célèbres était constitué de 600 pièces d'or (aurei) et de 1100 pièces d'argent (denarii) aux effigies d'empereurs allant d'AUGUSTE à NERON. Les Romains avaient établi sur la côte orientale de l'Inde un comptoir, qui a été et est encore fouillé, à VIRAMPATNAM. Ils exportaient moins qu'ils importaient. Et une partie de leur or a été thésaurisé par les Indiens.
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Les Romains raffolaient de la soie. Ils la recevaient du pays des SERES. Par la route de la soie, des caravanes chinoises venues de l'est, arrivaient à LA TOUR DE PIERRE (Lithopyrgos) lieu que l'on identifie aujourd'hui, à tort ou à raison, à TASH KURGAN, une petite ville, ou  un bourg, du TURKESTAN CHINOIS (extrême Sud-Ouest). De là, des marchands, sans doute Parthes, achetaient les rouleaux de soie, filaient avec eux à travers le PAMIR, l'AFGHANISTAN, l'IRAN puis la TURQUIE jusqu'à TREBIZONDE ou d'autres ports (de la Méditerranée, non pas de la Mer Noire) où des marchands romains les acheminaient jusqu'à ROME. Les belles dames romaines achetaient la soie poids pour poids : pour un gramme de soie, il fallait donner un gramme d'or. Des économistes, déjà, attribuent la décadence de l'Empire romain à cette fuite des métaux précieux vers l'Orient. Il est intéressant de noter que les historiens chinois font état d'une ambassade venue de TA TSIN (DA QIN ; nom chinois de l'Empire romain),  députée par un certain roi ANTOUNI, en l'année 166. Cet ANTOUNI ne serait autre qu'ANTONIN le Pieux (mort en 161 ; mais l'ambassade, venue par voie de terre a dû mettre du temps pour parvenir en Chine) ou Marc AURELE.
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Tout ceci pour dire que les échanges entre l'Extrême-Orient et l'Extrême-Occident sont fort anciens. Et que l'Occident a sans doute transféré plus d'or vers l'Orient que le contraire.
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C'était un clin d'oeil à l'histoire, notamment à celle des échanges, trop longtemps ignorés, entre deux grandes civilisations, la romaine (mais j'ai de grands griefs contre elle ; j'y reviendrai) et la chinoise. J'aimerais que ROUGEMER vienne corriger ou augmenter ces brèves notes.
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Je ne sais plus ou donner de la tête

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Je ne sais plus où donner de la tête, tant il y a de choses à discuter, à argumenter, à exposer en ce moment. Tout de même, avant de produire un billet plus consistant, je n'hésite pas à vous faire part de cette pensée que l'on doit au Père La Victoire, Georges CLEMENCEAU :
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"La France est un pays extrêmement fertile. On y plante des fonctionnaires, il y pousse des impôts."
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Loin de moi l'idée idiote que les fonctionnaires sont inutiles ou parasites. (Je l'ai moi-même été, puisque j'étais enseignant ; je ne vais pas brûler ce que j'ai aimé faire.) Dans mon expérience personnelle, je dirai même que les qualités professionnelles et humaines des fonctionnaires en poste se sont admirablement étoffées. Il faut sans doute y voir une conséquence de l'élévation du niveau de formation. La question est de savoir pourquoi leur nombre a si considérablement augmenté, sans que la France en soit mieux administrée. Avis aux amateurs, s'ils ont des explications. Et petit clin d'oeil à ceux qui défendent le "Service public", à coups de grèves sans conséquences pour eux, mais terriblement nuisibles aux citoyens.

vendredi 20 mai 2011

Un éléphant, ça trompe, ça trompe...

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J'ignore les raisons qui ont poussé France Info à diffuser cette dépêche sur son site Internet. Elle est toutefois fort instructive. Intitulée : "DSK : la mère de Tristane BANON accuse des personnalités du PS", elle nous apprend que la maman de cette jeune femme, madame Anne MANSOURET, Conseillère régionale PS de Haute Normandie affirme très haut et très clairement : François HOLLANDE et Laurent FABIUS étaient au courant des accusations portée par Tristane BANON, sa fille, contre DSK, auteur présumé d'une agression sexuelle contre cette dernière. Elle affirme en outre avoir mis au courant de cette agression Laurence ROSSIGNOL, une "amie", secrétaire nationale du PS. Jusque là rien d'extraordinaire. Il s'agit d'accusations sans dépôt de plainte et par conséquent sans possibilité d'apporter des preuves.
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Madame Laurence ROSSIGNOL "ne dément pas avoir eu cette conversation", forme très pudique de France Info pour dire "confirme qu'elle a reçu cette confidence". Mais, dit-elle, comble de l'hypocrisie ou de la mauvaise foi, ou de l'imbécillité (au sens de BERNANOS), elle ajoute : "cela fait trente ans que je fais de la politique sans jamais faire état des conversations privées. Ce n'est pas aujourd'hui que je vais commencer".
Voilà une remarque confondante. Quand l'inénarrable Edwy PLESNEL et son marécageux Médiapart, quand Jean-François KAHN et sa haineuse Marianne, quand le Nouvel Observateur, font état d'enregistrements privés frauduleusement réalisés, de SMS détournés, de témoignages controuvés, je suppose qu'elle ne va crier au scandale lorsque siège le Bureau National du PS. Ce qui est bon pour le Parti, on le diffuse, on l'exploite, on l'interprète, on le sacralise, on le tronque, on le déforme. Mais ce qui est mauvais, on le cache. Force est de constater que ces hautes personnalités, qui par ailleurs ont de grandes qualités humaines, ont accepté que DSK soit candidat aux primaires, sans se soucier davantage des traits de sa personnalité ou des accusations, fondées ou non, qui auraient pu être portées contre lui ou nuire à la crédibilité du PS : c'est que la victoire était assurée. Mais eux ne se gênent pas pour rentrer par tous les moyens dans la vie privée de leurs adversaires politiques. Fâcheux précédent que celui des écoutes téléphoniques de feu le Président MITTERRAND.
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C'est qu'un éléphant, voyez-vous, ça trompe, ça trompe énormément.

Quand les éléphants pleurnichent

Inutile de redire ici ce que Pierre-Henri THOREUX a fort excellemment dit dans son billet intitulé "Question de repères" publié hier sur Blog (http://libertylovers.blogspot.com/). Je vous invite à le lire et d'autres billets avec. Ils sont marqués du sceau du bon sens, de l'érudition, de l'information contrôlée et de la mesure.
Je vais simplement compléter ici par quelques remarques.
Les Français découvrent avec stupeur que l'ex-champion du PS pour les élections présidentielles de 2012 peut payer "cash" une caution d'un million de dollars (environ 5 millions de francs lourds, 800.000 euros) plus un dépôt de 5 millions de dollars, pour recouvrer une liberté très surveillée. 
Il ne me gêne aucunement que DSK ait de grands biens. Ce qui me gêne plus, c'est que le PS se fasse avec lui le défenseur "des plus démunis", ait tiré à boulet rouge sur le Fouquets et la Rollex du Président SARKOZY, ait été parfaitement au courant des aventures et mésaventures amoureuses de leur grand-homme et les ait tues.
Ce qui me gêne, c'est la réaction des journalistes : la dernière qu'il m'ait été donné d'entendre est celle d'Olivier MAZEROLLE (orthographe non garantie), sur BFM TV, hier soir, qui présentait, tenez-vous bien, la mise en liberté de DSK comme une sorte de "mini-acquittement", et un retour à l'honneur. Ces gens n'imaginent pas le mal qu'ils font à notre patrie en présentant de manière aussi tordue cette affaire et en défendant l'indéfendable. DSK est un prévenu. Il a le droit de voir sa dignité respectée par les médias, il a le droit de se défendre. Mais enfin, il semble que des charges très lourdes pèsent sur lui. Il se peut qu'il ait été piégé, pour toutes sortes de raisons. Mais sa position de VIP ne lui confère aucun droit particulier au regard de la loi. Nous avons, nous, le devoir d'attendre  le jugement des tribunaux américains, et le devoir de rappeler les éléphants qui pleurnichent à un peu plus de retenue. Il n'est pas impossible aussi de les placer devant leurs insoutenables contradictions. Ces donneurs de leçons qui se contrefoutent de la morale commencent à nous "courir sur le haricot", comme diraient (disaient ?) les titis parisiens. Hier, ils barissaient et aujourd'hui ils pleurent (madame AUBRY notamment au sortir du dernier Bureau National). Qu'ils reviennent à leurs projets, qu'ils l'exposent, le soumettent à discussion, le défendent. Tout le reste est ridicule et inutile.

jeudi 19 mai 2011

Histoire, perpétuelle recommencement

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Il y a bien longtemps que je ne vous pas ai parlé de mon cher LANZA del VASTO. Comment, une fois encore, ne pas vous recommander le livre remarquable (je veux parler des Quatre fléaux) dont j'extrais pour vous aujourd'hui un passage significatif ?

"L'Histoire Romaine est un raccourci de l'Histoire du monde civilisé, du moins du monde occidental. Nous apprenons à y connaître notre passé, mais nous pourrions peut-être y lire notre destin.
L'Histoire Romaine est celle d'une révolution perpétuelle et d'une double conquête.
C'est la conquête du monde par Rome et l'invasion de Rome par les peuples vaincus et les esclaves affranchis.
C'est la conquête du pouvoir par la Plèbe Romaine.
Et le résultat de cette victoire progressive de la Révolution du Prolétariat, c'est l'Empire. C'est Néron, Tibère, Caligula, Héliogabale."

Eh oui. L'Occident a conquis le monde, soumis l'Afrique, une partie de l'Asie, l'Amérique ; il a humilié de grandes nations. L'Occident a développé prodigieusement la technique et il a engendré MARX avec, l'Occident a inventé la Démocratie, et aussitôt inventée, il l'a pervertie. L'Occident est submergé par des flots d'étrangers venus des pays qu'il a anciennement colonisés. Et l'Occident nous produit des BERLUSCONI, des députés britanniques qui font payer leurs dépenses privées par le contribuable, un ministre allemand qui s'attribue un titre de docteur immérité, un DSK accusé de viol ou un GUERINI frère en délicatesse avec la justice. L'Occident a produit des MADOF, des MESSIER, des Empereurs du négoce, de la finance, ou de la politique, des fous de puissance, et il ne voit pas qu'il est responsable de son déclin pour avoir laissé faire tout ça. Est-il encore temps de se resaisir ?


Je vous reparlerai de LANZA, une plume, un caractère et une âme inoubliables et forts.

Le coup de l'oreiller

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Une amie me téléphonait hier soir de Bourgogne et me rappelait la mésaventure survenue il y a une trentaine d'année à un diplomate autrichien descendu au SOFITEL de STRASBOURG pour une nuit. Ne trouvant pas d'oreillers dans sa chambre, il téléphone à la réception pour en réclamer deux. Quelle n'est pas sa surprise quand, quelques minutes plus tard, il entend frapper discrètement à sa porte, ouvre et se trouve nez-à-nez avec deux ravissantes créatures, surnommées depuis les "oreillers du SOFITEL".

Je serais les avocats de DSK, je me renseignerais auprès de la réception pour savoir si DSK aurait ou non demandé un oreiller. Dès lors, on comprendrait la méprise. Il aurait cru avoir affaire à un oreiller du SOFITEL, et n'aurait pas compris que la femme de chambre ne venait pas pour lui servir une prestation tarifée et consentie, d'où sa fureur.

C'est bien entendu un clin d'oeil dans la lourde actualité qui nous accable. Mais si l'on applique la méthode du rasoir d'OCCAM qui consiste à éliminer tout ce qui est inutile dans une explication, on a là un début de compréhension d'une affaire qui est proprement stupéfiante.

mercredi 18 mai 2011

Plaidoyer pour la morale

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Les imbéciles qui grouillent dans la lumière poisseuse des médias, de la culture ou de la politique rigolent sous cape ou même ouvertement quand on parle de morale. Ils voient dans ce mot un catalogue d'obligations ou d'interdits, un système de barrières qui se dressent entre eux et l'assouvissement de leurs désirs, un truc de curetons ou de clercs qui permet à ceux-ci de faire peser sur les épaules des pauvres hommes des fardeaux qu'eux-mêmes ne portent pas, à seule fin de jouir de leur pouvoir.

Or la morale est un art de vivre, d'abord un art de vivre et seulement un art de vivre. Combien de fois ai-je dit ici que la morale est la réponse à cette question lancinante : "Que dois-je faire pour avoir la vie bonne ?"


Je voudrais donc répondre ici aux très importants commentaires faits par deux lecteurs, TIPPEL et ROUGEMER, à mon billet d'hier consacré à l'affaire DSK et intitulé "Silence". J'ajoute que je n'entends pas m'adresser à eux pour leur faire un quelconque procès d'intention ou leur donner une leçon. Mon but est de montrer que le principe de réciprocité est au fondement de toute action pour celui qui vit dans le milieu existentiel moral.


Au livre VI des Entretiens (Lunyu), section 28 (numérotation d'Anne CHENG), ZIGONG interroge CONFUCIUS sur le ren (vertu d'humanité). Et le Maître a cette réponse : "Pratiquer le ren c'est commencer par soi-même : vouloir établir les autres autant qu'on veut s'établir soi-même, et souhaiter leur réussite autant qu'on souhaite la sienne propre. Puise en toi l'idée de ce que tu peux faire pour les autres - voilà qui te mettra sur la voie du ren".

Les juges et les magistrats new-yorkais, n'ont-ils rien à se reprocher en la matière ?


Au livre XII, section 21, FAN CHI demande à CONFUCIUS : "Que faut-il faire [noter le FAUT] pour fortifier sa vertu : déraciner ses vices et vaincre l'illusion ? Le Maître : excellente question ! S'atteler à la tâche avant que de penser à la réussite, n'est-ce pas fortifier sa vertu ? S'en prendre à ses propres vices et non à ceux des autres, n'est-ce pas le moyen de les déraciner ? Quant à l'illusion, n'en voilà-t-il pas un exemple : dans un accès de colère, se mettre hors de soi jusqu'à menacer la sécurité de ses parents ?"

Les journalistes et les commentateurs se sont-ils attelés à la tâche de la vérité ?


La Commission théologique internationale a produit un document de première importance, intitulé A la recherche d'une éthique universelle. J'aime le mot Recherche. Il indique assez que la chose n'est pas évidente et nécessite un dialogue des cultures et des nations.

Dans la Section 51 de cet ouvrage, il y a un excellent commentaire des constatations faites dans les sections antérieures, sur ce qui constitue des tendances spécifiques à l'homme (le désir de conserver sa vie, le désir de la transmettre, le désir d'entrer en dialogue et relation avec autrui) : "A ces tendances spécifiques à l'homme correspond l'exigence perçue par la raison de réaliser concrètement cette vie de relations et de construire la vie en société sur des bases justes qui correspondent au droit naturel. Cela implique la reconnaissance de l'égale dignité de tout individu de l'espèce humaine, au-delà des différences de races et de culture, et un grand respect pour l'humanité, où qu'elle se trouve, y compris dans le plus petit et le plus méprisé de ses membres. 'Ne fais pas aux autres ce que tu ne voudrais pas que l'on te fasse'. Nous retouvons ici la règle d'or qui est mise aujourd'hui au principe même d'une morale de la réciprocité. Etc."

Et dans sa section 15, cette même Commission théologique internationale rappelle justement ce que le ren est aux yeux de CONFUCIUS : "Mansuétude (SHU4), n'est-ce pas le maître mot ? Ce que tu ne voudrais pas que l'on te fasse, ne le fais pas aux autres" (Entretiens, Livre XV, section 23). Tout le chapitre qui contient cette section, du reste, est consacré aux convergences que l'on retrouve dans les sagesses orientales (chinoises, islamiques), ou gréco-romaines.

Fidèle à la méthode que je me suis efforcé de suivre, je vais poser quelques questions :

Même si j'étais coupable, aurais-je aimé être photographié les menottes aux mains ?

Même si j'étais coupable, aurais-je aimé que l'on me jette en pâture à l'opinion publique avant même d'être jugé ?

Chaque état a le droit de définir ses procédures judiciaires, c'est l'évidence même. Mais chaque conscience a le devoir de protester toutes les fois que l'humain est sali en l'homme.




mardi 17 mai 2011

Silence

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Plusieurs lecteurs réguliers de ce Blog m'ont demandé de faire un billet sur l'affaire qui défraie l'actualité. Je vais simplement exprimer les sentiments que j'éprouve devant les images qui nous viennent des Etats-Unis.

D'abord, je n'oublie pas que monsieur STRAUSS-KAHN est un compatriote et qu'à ce titre il a droit à la protection de sa patrie. Je dois dire que j'ai été pris de compassion en voyant cet homme, hier au fait de la puissance, quasiment installé à l'Elysée, et aujourd'hui épuisé, encadré par des policiers peu amènes, et menottés, au fond du gouffre. Sa carrière politique est sans doute définitivement compromise. Encore que les grilles du square de l'Observatoire n'ont pas été un obstacle à l'élection de François MITTERRAND.

Ensuite, j'ai honte pour mon pays. La presse internationale ne se prive pas d'ironiser sur les frasques réelles ou supposées du Directeur du FMI. Et elle en rajoute, car les accusations qui pèsent sur lui sont d'une extrême gravité. Mais la justice voudrait qu'avant d'accabler, on ait un jugement contradictoire, des preuves, des témoins, une accusation et une défense. Ce que j'ai dit à propos de l'affaire BEN LADEN, je le redis à propos de cette affaire.

S'il s'avère que les accusations portées contre lui sont exactes, il est normal que Dominique STRAUSS-KAHN soit sanctionné. Si elles sont fausses, ce qu'il proclame, qui pourra jamais rendre son honneur à un innocent ?

Je pense aussi à la femme qui se victime de ces agissements et qui l'a peut-être été. Elle aussi a droit au respect et à la compassion. Mais malheur à elle si elle a menti.

Je suis enfin parfaitement scandalisé de voir la violence avec laquelle agit la justice américaine. Voilà un peuple qui ne cesse de s'en rapporter à Dieu, qui fait prêter serment sur la Bible à ses Présidents élus, et qui humilie par tous les moyens ceux qui ne sont pas encore jugés ? Est-ce donc cela la justice ? A-t-on le droit de jeter en pâture, à la presse, à la télévision, les photos d'un homme qui n'est pour l'instant qu'un accusé. Il me semble que la presse française, toutes opinions confondues, s'honorerait en ne rendant compte que d'une seule voix, celle du silence, les péripéties de cette affaire humainement dramatique.

Les médias américains agissent peut-être en conformité avec la loi. Mais si la loi leur donne ce droit, alors on peut mettre légitimement en doute sa légitimité.

Le printemps des poètes

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Je n'aime guère sa poésie. Elle est pleine d'enflures ; elle trahit l'effort et le recours au dictionnaire des rimes. Mais enfin il a produit quelques vers admirables. Pourquoi a-t-il prostitué son génie par une polygraphie boulimique ? Il aurait dû mûrir ses oeuvres dans le silence de sa retraite de JERSEY ou ailleurs. Une grand-tante paternelle, fort cultivée, mais un tantinet bigote détestait cet homme à femmes qui comptait certes plus de maîtresses et d'aventures que les dix doigts de la main. Aussi se moquait-elle de lui et s'efforçait-elle de m'apprendre un pastiche de ses poésies. Il m'en reste quelques bribes que je cite de mémoire : "Jusqu'où, ô HUGO, hisseras-tu ton nom ? Quand donc au corps qu'académique on nomme, jucheras-tu ce nom, rare homme". C'était injuste et méchant. Il faut en convenir.

Alors restons-en à sa prose. "Il n'y a pas cent socialismes, dit-il, il y en a deux. Le mauvais et le bon. Il y a le socialisme qui veut substituer l'Etat aux activités spontanées, et qui, sous prétexte de distribuer à tous le bien-être, ôte à chacun sa liberté. Un couvent, mais un couvent où l'on ne croit pas ; une espèce de théocratie à froid, sans prêtre et sans Dieu.

Il y a le socialisme qui abolit la misère, l'ignorance, les inégalités démenties par le droit ou par la nature."

C'est bien, me semble-t-il, tout le problème des actuels responsables socialistes français. Nombre d'entre eux (pas tous, bien sûr) sont les adeptes du premier socialisme. Ce sont des idéologues totalitaires. D'autres, fort estimables, cherchent à atteindre les buts du "bon socialisme". Comment ne pas être d'accord avec le combat contre l'ignorance, la misère et les inégalités démenties par le droit ou par la nature ? Mais faut-il être socialiste pour défendre ces objectifs ?



Et puisque nous en sommes à parler des poètes, voici quelques vers attribués à RONSARD, qui m'ont été transmis par un très cher ami. Je ne jurerais pas qu'il soit vraiment de la plume de l'un de nos plus charmants auteurs, mais enfin si non e vero...
"France de ton malheur tu es cause en partie,

Je t'en ai par mes vers mille fois avertie.

Tu es marâtre aux tiens et mère aux étrangers

Qui se moquent de toi quand tu es au danger,

Car la plus grande part des étrangers obtiennent

Les biens qui a tes fils justement appartiennent."

lundi 16 mai 2011

Présence des Celtes

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Voilà un livre que je regrette pas d'avoir depuis peu en ma possession. Dans cet ouvrage érudit, documenté, plein d'humour et aussi de nostalgie, A. RIVOALLAN parle avec amour des peuples celtiques, en décrit les richesses et les faiblesses et nous apprend ce que les histoires officielles (anglaises et françaises notamment) s'efforcent de nous cacher au mépris de la vérité. Il dit ceci qui mérite d'être relevé :


Il faut accueillir avec réserve "toute affirmation qui tend à présenter l'Italie, l'Espagne et la France comme les 'soeurs latines' : la langue française est de mère latine ; la loi française est de droit romain ; certains traits de l'esprit français ont des parentés latines : surtout ceux qui doivent plus au polissage des longues écoles qu'au jaillissement spontanée de la verve populaire. Mais le caractère français est resté gaulois : non seulement au sens grossier où ceux qui méprisaient cette ascendance ont tenté de rejeter ce mot, mais par son amour de l'indépendance, sa soif d'égalité, son courage devant le péril, son irrespect des augures et des pontifes, - d'un mot, son individualisme presque ingouvernable. Entre la masse électorale qu'il faut amener, par un concert de la presse, à accepter au seuil d'une guerre l'idée d'union nationale, et les chefs qu'un à un, et plus d'une fois chacun, dut convaincre l'éloquence de VERCINGETORIX, - quelle différence fondamentale ? C'est le même peuple, malgré tous les mélanges survenus sur son antique sol, avec les mêmes travers souvent désastreux, les mêmes vertus souvent admirables. La France est une nation à base celtique, pliée au joug romain, saupoudrée de Barbares promptement assimilés." (A. RIVOALLAN. Présence des Celtes, Librairie celtique, Paris, sans date, mais après 1956.)


Ce livre nous apprend aussi une curieuse coutume que nous pensions avoir été inventée au XXe siècle, celui de la grève de la faim : "...Celui qui croit avoir à se plaindre d'un personnage plus haut placé ne recourt pas à la justice formelle, mais [...] à cette puissance diffuse de la morale sociale. Il va s'asseoir sur le seuil de celui qui l'a lésé et refuse tout aliment jusqu'à ce que son bon droit soit reconnu." Madame THATCHER n'a pas hésité à laisser mourir de faim un chef irlandais qui avait utilisé cette procédure pour qu'on rende justice à son peuple que les Anglais avaient si durement, si longuement opprimé, asservi et spolié. Elle n'en avait cure, la future baronne. C'est que la Constitution du Royaume-Uni ne commence pas comme celle de la République d'IRLANDE : "Au nom de la Très Sainte Trinité, de qui émane toute autorité et à qui doivent se référer comme à leur fin suprême tous les actes, aussi bien des hommes que des Etats, nous peuple, d'EIRE, reconnaissant humblement toutes nos obligations envers notre Divin Seigneur Jésus-Christ, qui a soutenu nos pères dans tous les siècles de nos épreuves..." Oui ! Vous lisez bien. Ce texte a été écrit et voté en 1937. Puisse la verte ERIN ne jamais renier Celui à qui elle doit d'avoir subsister pendant des siècles, puissent ses chefs religieux reconnaître publiquement les erreurs et les honteux silences dont ils se sont rendus coupables, et puissent nos chers irlandais continuer à faire briller leur langue tout en célébrant la saint Patrick.

mercredi 11 mai 2011

Marcheraient-ils sur la tête ?

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Aurions-nous des responsables politiques qui marchent sur la tête et nous entraînent dans leur schizophrénie ?


Je voudrais revenir sur l'affaire dite "des quotas" en essayant de dépassionner le débat.


Je vais commencer par raconter une histoire vraie. Il me semble qu'elle éclaire d'un jour très particulier les difficultés que nous rencontrons dans le traitement, ô combien maladroit, de l'immigration et de la présence sur notre sol d'importantes communautés d'origine étrangère qui ont choisi de vivre en France, en adoptant totalement ou partiellement la nationalité française.


J'ai un ami très cher que je connais depuis plus de 50 ans. Il est prêtre et a été missionnaire pendant 30 ans en Afrique. Pour des raisons de confidentialité, je ne préciserai pas dans quel pays d'Afrique noire francophone il exerça son ministère.


Il avait un évêque absolument exceptionnel. Un homme de foi, un homme tout donné à sa mission, d'une grande finesse et d'une intelligence hors du commun. Mon ami le voyait souvent et ils échangeaient en profondeur. Cet évêque lui dit un jour : "Il me vient parfois l'idée de maudire le jour de ma naissance, et le fait d'être né noir".


Voilà donc un homme remarquable à tous égards qui maudit le fait d'être noir. Mais qui donc a pu mettre dans sa tête et dans celle de ses compatriotes l'idée que le fait d'être noir était l'indice d'une infériorité irrémissible ? Il faut, pour comprendre cela, revenir aux premiers temps du colonialisme et à l'arrogance d'un Jules FERRY qui prétendait se faire un devoir d'apporter aux races, déclarées par lui inférieures, les lumières de la civilisation européenne. Ce péché originel-là, il pèse sur nos épaules. Et c'est, selon moi, l'inconsciente culpabilité collective qui nous fait pousser des cris quand on emploie le mot "noir" ou "maghrébin". Un peu d'humilité et beaucoup de réflexion nous l'indiquent : la couleur de la peau ne change en rien la nature profondément humaine d'un homme et ces africains sont nos frères en humanité, point final. Il n'y a même pas à discuter.


J'avance donc l'hypothèse que c'est l'instauration dans l'inconscient collectif d'un représentation dissymétrique de la relation africains-européens qui est responsable de ces psychodrames.


J'avance l'hypothèse que c'est pour se faire pardonner par les peuples et les communautés que leurs pères idéologiques ont tenté d'asservir, que les bien-pensants de la gauche font un procès injuste à Laurent BLANC et à tant d'autres.


La question que posaient les responsables du foot-ball demeure : faut-il limiter la proportion des adolescents titulaires d'une double nationalité dans les centres de formation au foot-ball de haut niveau, au risque de les voir servir, une fois qu'ils sont formés, des équipes étrangères ? Est-il normal, dans un pays qui prône le droit du sol exclusif, au point d'obliger des nouveau-nés à être français alors qu'ils ne le voudraient plus à l'âge d'homme ou de femme, d'accepter le statut de binational ? Est-il normal que la deuxième nationalité soit acquise au titre du droit du sang (la nationalité des parents) dans un pays qui se flatte de l'avoir aboli ? Est-il normal, au pays de la prétendue et soi-disant égalité, il faille accepter des différences qui poussent des binationaux à ne pas se sentir membres à part entière de notre patrie ? Que faut-il faire ? Quelle action entreprendre ?


Je puis en tout cas témoigner que dans la paroisse que je fréquente, il y a un nombre très élevé de fidèles d'origine africaine qui sont accueillis comme des frères et soeurs et donnent aux tièdes bien des exemples de foi et de charité. Qu'ils soient infiniment bénis pour leur joie de vivre et leur sourire.


C'est tout pour aujourd'hui.


mardi 10 mai 2011

Le quizz tontonmaniaque

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Il paraît qu'il faut célébrer le trentième anniversaire de l'élection de François MITTERRAND à la Présidence de la République. La tontonmanie est à la mode. Je vais répondre, comme d'autres lecteurs l'ont fait dans divers journaux de ce jour, à la question qui brûlait les lèvres des thuriféraires en attente de nouveaux printemps : quels souvenirs avez-vous de cette période ? Par souci de clarté je répondrai (a) en classant mes réponses par ordre alphabétique ; (b) sans chercher à les ventiler dans les catégories de catastrophes, de merveilles ou de banalités. Je commence :

Abolition de la peine de mort.

Affaire Triangle-Péchiney.

Asile offert à un condamné italien d'extrême-gauche convaincu d'assassinat (C. BATTISTI).

Affaire du Carrefour du Développement de monsieur le ministre Christian NUCCI.

Congrès du micro-parti de monsieur Olivier STIRN et des figurants payés pour y participer.

Recrutement de monsieur Bernard TAPIE comme ministre de la ville.

Trou du Crédit Lyonnais (de l'ordre de 300 milliards de francs lourds).

Écoutes téléphoniques (demandez son avis à Carole BOUQUET qui en fut l'une des victimes).

Instauration de la monnaie unique.

Irlandais de VINCENNES.

Pyramide du Louvre.

Rainbow Warrior.

Réforme toute provisoire du mode de scrutin des députés et rentrée corrélative de quelques 50 représentants du FN à l'Assemblée Nationale.

Sang contaminé.

Suicide de monsieur BEREGOVOY.

Suicide de monsieur de GROUSSOUVRE.

Trente-neuf heures.


Je ne me permettrai pas de critiquer. Je me borne à énoncer des faits que tout un chacun peut vérifier. Mais peut-être serait-il bon de nettoyer son jardin avant de vouloir faire le ménage dans celui de ses adversaires politiques. Il n'en demeure pas moins que François MITTERRAND a été élu démocratiquement et qu'il est entré dans l'histoire de notre patrie. Il nous revient seulement de séparer le bon grain de l'ivraie dans tout ce qu'il a pu faire.

L'idolâtrie d'une défunte icône me paraît relever de l'irrationnel.

A propos de Ben Laden et des milieux existentiels

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Je vous avais fait hier matin une promesse de gascon en vous annonçant un second billet dans la journée. Je n'ai pas trouvé le temps nécessaire pour le rédiger. Je vais essayer de rattraper le retard.

Tout d'abord je voudrais bien réaffirmer que BEN LADEN était à mes yeux un criminel et qu'il méritait d'être jugé et châtié. Ce que je critiquais dans cette affaire c'est le "justice est faite", et la joie de nombre d'américains à l'annonce de cette mort, joie que je continue à trouver déplacée. Le fondement d'un acte moral consiste à ne pas infliger à autrui des torts, des tortures, des blessures, des insultes que l'on ne voudrait pas qu'il nous inflige. Aucun de nous ne peut prétendre qu'il aurait accepté d'être tué par un groupe de taliban (pas de s à taliban) ou de djihadistes. Peu importe le fait avéré que BEN LADEN ait été un criminel. L'agir moral exigeait un jugement. En somme le milieu existentiel des new-yorkais remplis de joie par cette mort était le milieu naturel certainement, et pour certains d'entre eux le milieu utilitaire, mais certainement pas le milieu moral et encore moins le milieu transcendant.

Maintenant, le réalisme politique et la politique (qui est l'art du possible) faisaient qu'il était sans doute impossible de juger BEN LADEN puis de l'exécuter ou de l'emprisonner en châtiment de ses crimes, au terme d'un procès équitable. Mais cela s'explique, cela est compréhensible, et cela ne se fait que par l'incapacité à faire autrement. Théorie du moindre mal, et non accomplissement de la vengeance.

Il est évident que nombre de dirigeants communistes, qu'ils soient soviétiques ou chinois, ont été les promoteurs et les inspirateurs de crimes abominables. Et je réponds là à Pierre-Henri THOREUX. Les premiers l'ont payé de la chute de l'empire soviétique. Et les seconds seront un jour mis en face de la réalité qu'ils ont construite à coups de fusil, de chars, d'exécutions sommaires et d'emprisonnements : le peuple chinois, ses penseurs et ses élites ont commencé ce lent travail de mise à bas du mensonge, de la violence et de la tyrannie. J'ai consacré de nombreux billets à des auteurs chinois dissidents et je crois que leurs analyses sont fondées et prophétiques.

Il me faut enfin répondre à une objection que je vois poindre : BEN LADEN, me dira-t-on, agissait au nom de Dieu et pour son honneur. Il proclamait qu'il était dans ce milieu existentiel transcendant que vous semblez tant vanter me diront donc certains. Erreur d'analyse. BEN LADEN n'était que dans le milieu utilitaire. Et les américains l'on bien compris qui distillent des videos montrant un homme très différent de ce qu'il voulait paraître. Or le propre de l'être qui vit dans un milieu transcendant est d'être ce qu'il est, et de paraître tel qu'il est. Il y a chez cet être-là une correspondance parfaite de l'intérieur et de l'extérieur. De plus en violant la règle fondamentale de la réciprocité qui fonde l'agir moral, BEN LADEN n'avait même pas franchi le seuil du milieu moral.

Je ne sais si j'ai expliqué les raisons de mes interrogations. Mais enfin ce billet m'a permis de mettre au clair ma pensée.

lundi 9 mai 2011

Que mes lecteurs me pardonnent

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Que mes lecteurs me pardonnent si, ce matin encore, je fais référence à FENG YOULAN, décidément un penseur hors du commun. Si je le fais c'est pour éclairer le billet d'hier et celui de tout à l'heure, le second de la journée. Souvenez-vous ! Jean CLAIR disait hier et nous disait, que "la volonté de culture a cessé d'être un mouvement transcendant".

Or, dans son Nouveau Traité sur l'Homme, FENG YOULAN explique, avec une force et une limpidité que devraient lui envier tous les pédants qui encombrent nos médias, qu'il existe divers degrés de compréhension consciente de l'Univers et de la vie humaine. Il est amené à distinguer ce qu'il appelle des "milieux d'existence", et indique que si chaque être humain a son milieu existentiel propre, il est cependant possible d'en distinguer quatre (avec toutes les gradations possibles entre les uns et les autres, qui justement viennent colorer le milieu de chacun de nous d'une nuance propre) : le milieu naturel, le milieu utilitaire, le milieu moral et le milieu transcendant.

Dans le milieu naturel, l'homme n'a qu'une faible compréhension et une faible conscience de soi, et il ne cherche pas à élucider ou à examiner. FENG YOULAN indique que ce ne sont pas seulement les hommes primitifs qui baignent dans ce milieu d'existence, mais nombre d'hommes contemporains des sociétés industrialisés. Et il a ce mot terrible (qui éclaire l'interview de Jean CLAIR) : "Parmi les chercheurs et les artistes doués d'une grande créativité, comme parmi les Bienfaiteurs de la société [...], beaucoup font en fait 'ce qu'ils ne peuvent pas se dispenser de faire et évitent de faire ce qu'ils ne peuvent qu'éviter de faire' et 'ne comprennent pas pourquoi il en est ainsi'. Le milieu existentiel de ces personnes est aussi le milieu naturel".

Le milieu utilitaire est celui de l'homme intéressé. L'activité de ceux qui vivent dans ce milieu est tout entière tournée vers leur intérêt propre, comme l'est du reste l'activité de tous les animaux. L'homme de ce milieu a une "compréhension consciente claire de soi-même et de son intérêt. Il comprend en quoi consiste sa conduite et a conscience d'avoir une telle conduite [...] Au moment où il poursuit ces genres de conduite, il comprend en quoi elles consistent, et aussi a conscience que ce sont bien les siennes."

Dans le milieu moral, la conduite de l'homme est désintéressée. Désintéressement et intérêt propre sont à la fois opposés et complémentaires. Et FENG YOULAN montre qu'une conduite qui cherche l'intérêt de la société est une conduite désintéressée. Et il ajoute : "Dans ce milieu-ci, l'homme fait preuve d'une compréhension consciente de ce qu'est la nature humaine. Par certains côtés, les institutions sociales avec leurs régulations morales et politiques sont en général des contraintes pour l'individu. Aux yeux [des hommes qui vivent] dans le milieu utilitaire, la société et l'individu sont antagonistes ; pour l'individu, la société est un mal nécessaire : clairement, la société opprime l'individu, mais l'individu ne peut s'en passer s'il veut préserver sa propre existence." Et il conclut : "Dans le milieu moral, quand même on prend, le but est encore de donner".

Le but de l'homme qui vit dans le milieu transcendant est de "servir le Ciel". " Cet homme, dit le grand philosophe FENG YOULAN, comprend qu'outre le tout de la société, il y a aussi le tout de l'Univers. [...] Celui qui vit dans ce milieu obtient une compréhension et une conscience de soi complètes et d'un niveau supérieur : il a une compréhension totale de sa nature, parce qu'il comprend le Ciel."

Ces définitions des différents milieux existentiels sont ensuite développées chacune dans des chapitres distincts.

Il est intéressant de constater que Jean CLAIR utilise le mot même mot pour indiquer que la volonté de culture a cessé d'être justement un mouvement transcendant.

Il me semble que quand deux personnes aussi différentes par la langue et la culture arrivent aux mêmes conclusions par des voies différentes mais des voies qui font usage de la pensée, il y a là des vérités qui pourraient avoir valeur universelle.

Dans le second billet de ce jour, je reprendrai ces distinctions pour essayer d'expliquer, notamment à TIPPEL, les raisons qui m'ont fait écrire le billet "Toutes ressemblances..." à propos de la mort de BEN LADEN.

dimanche 8 mai 2011

Il a dit la vérité

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Qui ne se souvient de la chanson de Guy BEART (je cite de mémoire le titre) : Ce jeune homme a dit la vérité, il doit être exécuté. C'est sans doute pour n'avoir jamais cessé de dire la vérité, de la rappeler, de la clamer que Jean CLAIR, Conservateur général du patrimoine fut taxé de fasciste et traité aujourd'hui encore de réactionnaire.
J'ai lu avec passion l'interview de cet homme de culture qu'a conduite avec beaucoup d'intelligence et de respect Josyane SAVIGNEAU et que Le Monde a miraculeusement publiée dans sa livraison datée du samedi 7 mai. Comment cela a-t-il pu se faire ? Il ne semblait pas être introduit dans les bonnes sphères de la rédaction du journal.


Question : vous parlez de "L'hiver de la culture" (Flammarion, Paris, 2011), ce qui suppose un printemps à venir, or vous décrivez une dévastation.

Réponse : NIETZSCHE avait le sentiment de vivre son temps comme un "automne de la culture", une apocalypse de la modernité et une interminable catastrophe, une plénitude à laquelle la guerre de 1914 viendra mettre fin. Ce que nous vivons aujourd'hui, en cet autre tournant, est un temps de glaciation, de gel des sentiments et des idées. Pourtant j'ai le sentiment parfois que la génération actuelle, acide et désenchantée, est en train de se forger des armes assez puissantes pour casser ce pack glaciaire où la culture s'est prise en culturel marchandisé.


Question : Comment voyez-vous ce "culturel" que vous dénoncez ?

Réponse : La volonté de culture a cessé d'être un mouvement transcendant - que ce soit la foi envers les dieux, l'appétit du savoir des Lumières, la spiritualité ou bien encore un idéal révolutionnaire. En un mot, l'aspiration à un monde supérieur [...], qu'il soit d'ordre divin ou d'ordre social a disparu. Reste le culturel comme divertissement profane, éphémère, trompeur et décevant. Je semble railler les foules qui se pressent aux expositions, mais il ne s'agit pas d'élitisme : je me demande, inquiet, ce que ces gens innombrables attendent de la vision d'une oeuvre.


Question un peu longue et qui porte sur la situation matérielle des artistes contemporains.

Réponse : Beaucoup de grands artistes meurent aujourd'hui inconnus. Cela fait quarante ans que je fréquente leurs ateliers. A côté des rares qui sont reconnus, muséifiés, mercantilisés et qui atteignent des cotes extravagantes, il existe tout un monde d'artistes de grande valeur qui n'ont jamais été reconnus et qui meurent dans la misère. Quand je dis cela, on me prend pour un fou qui croit aux "artistes maudits". Mais la situation est pire, car à l'époque de VAN GOGH, CEZANNE ou GAUGUIN, il y avait de grands collectionneurs comme EPHRUSSI pour MANET par exemple.

Et un peu plus loin Jean CLAIR parle de ces "nouveaux riches sans culture et sans goût, un milieu étroit de spéculateurs qui ne collectionnent pas pour le plaisir mais pour afficher un statut social, avec une nécessité de rentabilité à court terme qui n'a jamais existé en art. Ils exposent, non sans morgue et mépris, leurs collections dans des sortes de showrooms comme on le fait dans le domaine de la mode. Et quand les musées entrent dans ce système pour accorder leur caution publique, on est près de la fin"




Bonjour monsieur AILLAGON ! Vous avez bien dormi, vous qui ne cessez de défigurer le château de VERSAILLES avec des expositions d'art contemporain ignobles, d'artistes très connus et très cotés certes mais dépourvus de tout talent ? Bonjour monsieur Yvon LAMBERT. L'exposition dans votre showroom d'AVIGNON et son Piss Christ est-elle rentrée dans ses frais grâce à l'attrait du scandale et aux soutiens des imbéciles qui l'ont subventionnée ? Bonjour monsieur Frédéric MITTERRAND : heureux d'être l'objet de l'adulation intéressée de moults quémandeurs en quête de mécénat public, et qui ne peuvent gagner leur pitance auprès des gens de goût en raison de leur manque absolu de talent ? Que voulez-vous, tout le monde n'est pas Louis XIV, tout le monde n'a pas le talent des génies que le goût du roi soleil avait su détecter. Bonjour tous les critiques d'art qui rendez compte avec un pathos désespérant et un amphigouri pathétique de ces expositions où des vieux vêtements agités par des ventilateurs sont présentés comme des sculptures dynamiques. Tout cela serait risible si ce ne cachait une situation désespérante, un déni de justice à ceux que la naissance n'a pas fait baigner dans une culture classique, un goût formé, un attrait irrésistible pour les oeuvres des génies, un discernement infaillible entre le tape-à-l'oeil et le cri venu du fond des entrailles et du coeur d'un véritable artiste.


Poursuivons encore au risque de vous lasser.


Question : Que pensez-vous de de la tendance à utiliser les excréments, le sang, le sperme, etc. ?

Réponse : Avec le goût de l'abjection, de l'immonde, la fascination pour les humeurs corporelles senties et goûtées telles quelles, une esthétique du dégoût semble avoir pris la place de l'esthétique du goût qui aura dominé l'art de ses origines jusqu'aux théoriciens de l'esthétique. La position de l'artiste contemporain "tout-puissant", c'est celle de l'enfant qui impose aux autres la vision de ses excréments.


On ne saurait mieux dire. Et si ce n'est pas au nom de l'offense faite à l'image du Christ qu'il fallait protester contre l'infâme exposition d'AVIGNON (Bonjour madame ROIG, salut monsieur VAUZELLE), c'est au moins en raison de celle dont on blessait le goût qu'il fallait le faire.


Et Jean CLAIR conclut cet entretien par une mélancolique réflexion, qui va dans le sens de ce ROUGEMER disait dans l'un de ses commentaires sur la décadence de la société rurale française :

"Je suis revenu [sur les lieux de mon enfance] pour vérifier que le milieu rural dont je venais avait un jour existé. Quand je vivais là, les paysans étaient 52 % de la population. Aujourd'hui, 3 % à 4 %. Une telle disparition m'a sans doute poussé à changer de nom pour écrire."


Jean CLAIR a le noble profil d'un sénateur romain, des yeux profonds qui regardent légèrement vers le ciel, perdus qu'ils sont dans la contemplation d'une beauté constamment attaquée par les imbéciles de tous poils, par les parvenus qui nous empoisonnent la vie, et par ces parasites dépourvus du moindre talent qui hantent les ministères à la recherche d'une commande alimentaire, avec pour seul résultat l'encombrement de l'espace public par du laid, du vulgaire, de l'archi-nul, de l'in-sensé (au sens étymologique). Il est grand temps de donner un coup de pied dans la termitière. Vite, lisons le livre de Jean CLAIR pour renforcer notre décision de résister et de lutter contre tous ces ravageurs.

samedi 7 mai 2011

Foisonnante actualité

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Je prie les lecteurs habituels de mes billets quasi quotidiens d'excuser mon silence d'hier. J'ai omis de les prévenir que je m'absentais pour une grande journée. Je ne voudrais pas qu'ils croient que je me dérobe à leurs critiques. Je n'ai pas eu le temps de leur répondre, tout simplement.



Par où commencer ? Par les remarques bémolisantes de Pierre-Henri THOREUX (dont je recommande le Blog, argumenté, érudit, riche et bienveillant, une respiration d'honnête homme dans notre univers marchand) sur JAURES ? Par les emportements de TIPPEL à l'encontre de ce qu'il croit être une complaisance de ma part pour les activités sanglantes de feu BEN LADEN ? Ou faut-il au contraire, dans cette actualité foisonnante, reparler du faux scandales des "quotas" ? De la Porsche tranquille de monsieur STRAUSS-KAHN ? Prendre du recul avec la merveilleuse interview de Jean CLAIR publiée par le Monde daté du Samedi 7 mai, tout en relevant les contorsions incroyables de la rédaction qui sous couvert d'impartialité nous refile les pires tartes à la crème de la bien-pensance solférinienne dans d'autres articles ?



Je crois bien que je vais parler de l'affaire des quotas dont la puissance ascendo-naso-moutardisante prend des proportions alarmantes. Si à propos d'un faux scandale, triste à faire pleurer, je me hasardais à faire un mauvais humour, j'aurais volontiers dit : malheur à un Laurent qui a le culot de s'appeler BLANC !



Pour bien apprécier cette affaire dont nous ne connaissons, à vrai dire, que les morceaux choisis et distillés par Edwy PLESNEL, avec cette volonté de nuire et de détruire tout ce qui n'est pas fait à son image, il est bon de rappeler que la question pendante et litigieuse était de savoir (en tout cas c'est ce qu'il ressort des extraits de la discussion, à nous présentés) s'il fallait accueillir dans les centres de formation au foot-ball de haut niveau, un trop grand nombre d'adolescents titulaires d'une double nationalité. Factuellement, il semble qu'ils aient, majoritairement, endossé les nationalités de pays d'Afrique du Nord et d'Afrique noire, mais non exclusivement. Ce n'est pas en raison de la nationalité de leurs parents comme le prétend mensongèrement monsieur ASENSI - et malgré ce que dit Médiapart sur cette question, un Médiapart qui prétend rapporter les confidences du DTN limogé, confidences dont la matérialité n'apparaît pas dans l'enregistrement de la réunion - dans son article publié dans le numéro du Monde auquel je me réfère aujourd'hui, c'est en raison de leur double nationalité que la question s'est posée. Il est clair évidemment que ceci dépend de cela. Mais le maintien d'une double nationalité pour des enfants nés en France de parents étrangers soulève tout de même une réelle question, celle du droit du sang auquel les parents se réfèrent pour maintenir la nationalité de leur origine à leurs enfants, tout en excipant du droit du sol pour jouir des prérogatives attachés à la possession de la nationalité française. Cette contradiction-là, encouragée et soutenue par les partis de gauche, est insupportable, et risque de justifier l'étiquette qui est en train de leur coller au visage : celui de partis de l'étranger. Encore une fois, ce n'est pas une question de race ; c'est une question de coeur. Là où est ton trésor, là est ton coeur... J'ai frémi de joie quand j'ai le vainqueur du triple saut, d'origine africaine, s'envelopper du drapeau tricolore au terme de son exploit dans les championnats d'athétisme en salle à BERCY. Voilà un homme qui ne met pas son drapeau dans sa poche.



Qui est raciste ? Lilian THURAM qui, aux dire de Christophe DUGARRY, a demandé à ses camarades noirs de poser pour une photo de famille, après la victorieuse coupe du monde de foot-ball de 1998 ? Qui est raciste ? Ceux qui prétendent imposer des quotas en fonction des origines ethniques des candidats dans les administrations et ailleurs ? Le cas de KAREMBEU qui ne chantait pas la Marseillaise est différent. Mais il n'aurait pas dû accepter de jouer dans l'équipe de France s'il ne se sentait pas Français. Ce que je peux comprendre parfaitement.



Personne n'a l'air de s'inquiéter de la montée d'un véritable sentiment d'abandon des valeurs de la patrie chez les ouvriers qui se plus en plus se retrouvent dans les thèses du FN. Et tous ces enseignants qui n'ont dans la bouche que les valeurs de fraternité, d'ouverture, que sais-je encore, ne se sentent-ils pas concernés par la faillite total de leur enseignement du civisme ?



La France a une longue tradition d'accueil. C'est tout à fait exact. Le foot-ball est un facteur d'intégration sociale puissant, notamment pour ces jeunes talentueux aux origines africaines plus ou moins lointaines, il n'y a pas à en douter. Mais il n'a jamais été demandé aux centres de formation au foot-ball de haut niveau de former des joueurs qui, une fois formés, iront cracher dans la soupe du pays qui leur a offert une patrie, un métier et des perspectives. C'est aussi simple que cela.

jeudi 5 mai 2011

Toute ressemblance etc.

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La chaîne ARTE a récemment diffusé une émission sur le procès des 24 hauts responsables du IIIe Reich, et elle a consacré sa première séquence au cas de GOERING. Elle montre notamment comment Robert JACKSON, juge à la Cour Suprême des Etats-Unis et ancien procureur général de son pays, réfléchit avant d'établir les chefs d'accusation dont il entend charger les prévenus, et comment il accumule des preuves, aussi bien écrites que filmées. Finalement, le tribunal retiendra quatre chefs, celui de complot (pour lequel nombre d'accusés seront blanchis), de crime contre la paix, de crimes de guerre et de crime contre l'humanité. Les accusés ont eu le droit de choisir un ou des avocats de leur choix, à l'exclusion toutefois d'avocats convaincus de nazisme. Le procès s'ouvre le 20 novembre 1945 et se termine le 1er octobre 1946. Le tribunal prononce douze condamnations à mort (par pendaison, ce que certains accusés, dont GOERING ne voulaient pas ; celui-ci se suicidera au cyanure la nuit de l'exécution), 7 condamnations à des peines de prison (beaucoup d'accusés accompliront leur peine en totalité), et 3 acquittements (ce qui déclenche la protestation des représentants soviétiques, lesquels voulaient envoyer tout le monde ad patres).


Bien des militaires et de politiciens alliés auraient préféré que l'on exécutât purement et simplement ces hommes qu'ils considéraient comme des monstres. Plus sagement les responsables politiques ont préféré instruire la cause des accusés de la manière la plus équitable possible : chefs d'inculpation, présentation des preuves, procédure américaine accusatoire (qui justement oblige aux preuves), interrogatoire de témoins à charge et à décharge. Ce fut une sage décision, et nous retirons de ce procès l'impression qu'il n'a pas été fait à ces criminels ce qu'ils avaient fait à des millions d'innocents. Ce fut l'honneur des nations démocratiques. Et, bien que personnellement je sois résolument contre le peine de mort, je ne pense pas que ces condamnations aient été injustes, et je ne verse pas de pleurs sur le sort de ces hommes.


Que vient donc faire ici le procès de NUREMBERG ? Vous ne voyez pas ? Cherchez un peu. Au risque de m'attirer bien des remarques acerbes, des injures et des horions, je ne crois pas que justice soit faite après l'exécution de BEN LADEN. Sa maison était protégée et défendue, c'est une affaire entendue. Il avait pensé, inspiré, désiré d'horribles attentats. C'est exact. Mais lui-même n'avait pas d'armes quand il a été abattu. Il m'aurait semblé préférable de le capturer, de le ramener vivant aux USA et d'instruire à son encontre un procès international. Bien sûr, j'imagine que la chose était difficile, voire impossible. Mais tout de même je reste abasourdi devant les scènes de liesse qui ont accompagné l'annonce de sa mort. Le recueillement et la tristesse d'avoir dû en arriver là auraient été plus dignes. Cette joie insane, c'est la manifestation la plus passionnelle de l'esprit de vengeance. Et je serais doublement infidèle à René GIRARD et à son analyse de la violence circulaire, et à ce que dit JÉSUS, si je n'exprimais pas ici une profonde consternation devant les réactions des uns et des autres, y compris et surtout des responsables politiques. Non je ne crois pas que justice soit faite. Tout au plus que la vengeance a eu lieu.


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