dimanche 8 janvier 2012

Anathèmes...

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Que voulez-vous, je n'y peux rien. J'ai déniché pour deux euros un petit livre fort instructif de Pascal BRUCKNER intitulé Misères de la prospérité. La religion marchande et ses ennemis. Pour une occasion, c'est une occasion. Je n'ai eu que le temps de le feuilleter. A croire que la providence des bloggeurs était avec moi, et qu'elle est venu au secours d'une muse qui parfois s'endort ; voici ce que je lis à la page 45 de cet ouvrage, sous le titre LES IMPASSES DE L'ANATHEME :
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"De là que renaisse de façon débridée à la gauche de la gauche comme dans la droite extrême la rage critique. C'est un alcool d'autant plus fort qu'il ne débouche sur rien de concret, s'épuise souvent dans la hargne, dans un tête-à-tête stérile avec l'objet de son aversion. Car pour l'instant du moins l'antimondialisation est un discours qu'on oppose de façon conjuratoire à la méchanceté des choses : les propositions concrètes restent balbutiantes, sinon l'appel à manifester, chaque fois que les grands de ce monde se réunissent quelque part sur la planète. Comme si de la religion on avait banni la dimension de l'espérance pour ne garder que celle de la malédiction : on piétine cet univers profane que rien ne peut profaner, on se veut les comptables moroses de l'enfer contemporain. [...]. On s'adonne jusqu'à la nausée au bonheur de pouvoir dire du mal de cette société afin d'en exorciser toute l'amertume, on ressort l'artillerie lourde antifasciste toujours utile quand on est à court d'arguments. Nous voici repartis, pour reprendre un terme sartrien, dans la déconnade totale."
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Et à la page 49, ce petit chef-d'oeuvre d'observation :
"Elle est étrange à vrai dire, cette attirance pour la figure du rebelle qui hante plus spécialement artistes, journalistes, intellectuels, écrivains politiques. Il faut y voir bien sûr une des valeurs refuges du narcissisme contemporain à une époque où le consensus nivelle les individus  (BRUCKNER fait allusion au politiquement correct) et les camps, et les rend tous semblables..." (Ils ont un métabolisme à assurer, ces pauvres gens, et ils prennent l'argent là où il se trouve...)
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Et encore ceci, page 177 :
"Tisser le lien social avec le seul argent (le pouvoir d'achat, hein monsieur HOLLANDE et de tant d'autres, y incluse la majorité actuelle), l'imposer en tiers dans tous les rapports, c'est bâtir sur du sable. La vrai lien se forge sur le long terme, s'enrichit de tous les aléas de l'existence, constitue une création collective qui nous dépasse. L'argent est un grand facilitateur mais cette facilité se paie à son tour en rétrécissement, en indigence..."
Et il poursuit :
"Autrement dit, quand la logique monétaire devient coercitive à son tour et cannibalise le vivant, il faut, par équilibre, raviver les logiques non marchandes, même si elles furent jadis contraignantes : prôner un conservatisme intelligent qui sache faire à l'individualisme et à l'égalitarisme leur JUSTE PLACE tout en corrigeant leur excès. Parce que le monde n'est pas né avec moi et ne s'éteindra pas à ma mort, une certaine conversation avec le passé constitue une sauvegarde indispensable face aux dérives de la modernité, une chance d'échapper aux tyrannies de l'immédiat. Critiquer le capitalisme ne suffit pas puisque c'est une autre façon de l'alimenter. Il s'agit plutôt de borner les territoires où l'argent ne saurait imposer sa loi sans dommages graves, et avant tout l'école."
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Sur ce dernier point, je suis d'accord, mais sans doute BRUCKNER ne souscrirait pas à ma solution. Oui, il faut soustraire aux marchands de savoir la possibilité d'offrir un enseignement de qualité aux seules familles capables de payer un écolage élevé. Il suffit pour cela que la puissance publique attribue à toutes ces familles une allocation d'enseignement pour chacun de leurs enfants et donne aux parents la liberté de les inscrire dans des établissements, agréés par l'Etat certes, dont les méthodes, l'esprit et les résultats correspondent à leur désir. Ce n'est pas à coup de cartes scolaires et d'abandon des sanctions contre les fauteurs de troubles scolaires que l'on y parviendra. Voilà un moyen de trouver un juste équilibre entre individualisme et égalitarisme.
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Je ne partage pas, loin de là, toutes les analyses de BRUCKNER qu'une lecture superficielle du livre m'a mises sous les yeux, mais il y a une conclusion qui me plaît. J'y reviendrai, tout en notant qu'elle relève plus de la conjuration verbale que du réalisme.
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J'ai fini.

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