samedi 25 août 2012

Nec ulla magis...

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Dans le livre d'Hannah ARENDT qui reprend des textes fragmentaires recueillis par Ursula LUDZ, et intitulé Qu'est-ce que la politique ? notre philosophe cite ce passage de TERTULLIEN tiré de l'Apologétique : Nec ulla magis res aliena quam publica (Rien  ne nous est plus étranger que la politique). ARENDT, avec une finesse d'analyse magistrale, indique que pour un chrétien, il s'agit d'offrir à tous les hommes, sans exception, la possibilité d'une liberté analogue à celle qu'elle appelle la liberté académique et qui, grâce à l'établissement d'un espace proprement politique et public, offert chez les Grecs à une multitude d'égaux, avait permis à un petit nombre de privilégiés de jouir d'une vraie liberté de pensée au sein de l'Académie.
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Bien plus, et avec autant de pénétration, elle indique ceci : "Pour les chrétiens, il ne s'agit pas d'établir un espace pour le petit nombre à côté de celui de la multitude : il s'agit bien plutôt du fait qu'un espace public, qu'il soit pour le petit nombre ou pour la multitude, est inacceptable en raison de son caractère public." Un peu plus loin, elle ajoute : "Une communauté d'hommes qui estime qu'il faut vraiment régler toutes les affaires humaines en termes de bonté, et qui, par conséquent n'est pas effrayée à l'idée d'aimer ses ennemis - fût-ce à titre d'expérience - de récompenser le mal par le bien, une communauté qui, en d'autres termes, considère que l'idéal de la sainteté est un critère - non seulement pour le salut de l'âme individuelle dans l'éloignement des hommes, mais pour la direction des affaires humaines elles-mêmes - ne peut se tenir qu'à l'écart de la sphère publique et de sa lumière. [...]. La question était bien plutôt que le message chrétien proposait une forme d'existence dans lesquelles les affaires humaines en général devaient être renvoyées de la sphère publique pour revenir à une relation personnelle d'homme à homme." D'ailleurs elle commentera avec vigueur le côté "apparence" et "hypocrisie" de cet espace public.
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L'idéologie socialiste, et je dirai même l'idéologie démocratique française, consiste à faire exactement tout le contraire : régler les relations humaines par une multitudes de lois, de décrets, de protocoles, de recommandations ; évacuer la question de la bonté dans les relations interpersonnelles pour les remplacer par la fumeuse notion de solidarité dont le seul médiateur, le seul organisateur, le seul inspirateur est l'Etat ; renvoyer la question de la morale à l'inspiration du moment, du désir et des plaisirs. Les Français sont individualistes dit-on ? Mais comment pourrait-il en être autrement quand le déploiement de la liberté personnelle est renvoyé à l'espace privé (celui qui jadis, chez les Grecs, était justement l'espace de l'esclavage).
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Je reviendrai donc sur le désintérêt que les chrétiens doivent manifester vis-à-vis des initiatives de nos actuels dirigeants ; il convient de vivre comme s'ils n'existaient pas, de les tenir dans le plus profond éloignement de nos pensées, sans haine, sans détestation, de faire comme il nous semble juste et bon, d'obéir aux lois que notre conscience ne réprouve pas, et de désobéir à celles qui ne cessent de la violenter. Je reviendrai aussi sur ces petites unités de vie saine dont je parlais il y a quelques semaines. Bref, aimons les êtres humains, et ne tenons point compte de ceux qui se croient investis du pouvoir de tout leur imposer.
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C'est tout pour aujourd'hui
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1 commentaire:

Aerelon a dit…

Bonjour Philippe,
Je suis heureux de lire que Mme ARENDT fait aussi partie de vos lectures.
Au plaisir de vous lire