jeudi 2 août 2012

Tradition et nouveauté ou la jeunesse de Confucius

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Je dois à la délicieuse Professeur Anne CHENG dont je suis avec passion les cours sur l'histoire de la pensée chinoise au Collège de France, la découverte de ce philosophe américain. Herbert FINGARETTE, puisqu'il faut le nommer, a complètement bouleversé l'interprétation que nombre d'auteurs avaient donné aux Entretiens (en anglais Analects) de CONFUCIUS. Il l'a fait du reste dans un ouvrage de très modeste taille. Il ne fait pas 100 pages. Je possède l'édition anglaise et la traduction française de ce petit bijou d'herméneutique. Je viens d'achever (ou presque) la lecture de la traduction française par Charles LEBLANC, Les Presses de l'Université de Montréal, Montréal, 2004. FINGARETTE avait donné à son ouvrage le titre très évocateur de Confucius - The Secular as Sacred. La traduction française du titre, Confucius, du profane au sacré, rend très imparfaitement l'intention de l'auteur et le contenu du livre. Tout ça pour en arriver à ce que je vais vous transmettre :
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"La réanimation constante du Vieux, dit FINGARETTE, comme manière de connaître ce qui est nouveau n'est pas un idéal chauvin. Elle est pertinente pour tous les hommes, et le sera toujours. Car elle est l'expression d'une intuition valable de ce qu'est l'humanité. Le pouvoir et la dignité propres de l'homme découlent de sa capacité d'agir intelligemment et de manière conventionnelle plutôt que par instinct ou par réflexe conditionné seulement (bon nombre de nos philosophes les plus influents aujourd'hui n'en disent pas moins). Les formes de la vie, même considérées sous l'aspect de conventions intelligentes, NE PEUVENT PAS ÊTRE INVENTEES ET ACCEPTEES EN BLOC ; elle repose d'abord et avant tout sur l'héritage qu'a chaque époque d'un vaste ensemble de langue et de pratiques conventionnelles provenant de l'époque précédente. C'est seulement si nous grandissons authentiquement façonnés par les traditions que nous pouvons être humains ; c'est seulement en réanimant la tradition lorsque de nouvelles circonstances les rendent désuètes que nous pouvons préserver l'intégrité et la direction de notre vie. Une tradition partagée rapproche les hommes, les rend capables d'être des hommes. Chaque abandon de la tradition est une séparation des hommes. Chaque réanimation authentique de la tradition est une réunion des hommes."
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C'est très exactement ce que la Révolution Française (dans sa deuxième phase, car dans la première, - et BERNANOS l'a bien dit, comme TAINE d'ailleurs- il y avait dans l'aspiration au changement du peuple français, précisément le désir de réanimer la tradition ; TAINE a trouvé dans les cahiers de doléances des demandes tout à fait explicites sur ce point), donc, la Révolution Française dans sa deuxième phase a détruit et physiquement et symboliquement tout ce que les générations passées avaient construit aux prix de tant d'efforts. Et ça continue, comme si le progrès ne pouvait être autre chose que le nouveau. L'art qui se prétend moderne est sans doute la manifestation la plus outrancière, la plus ridicule, la plus cuistre de cette vacuité de l'inspiration, de cet orgueil incommensurable à vouloir se créer soi-même, en reniant ou en ignorant l'héritage. (Voilà une erreur que les Chinois - sauf sous MAO ZEDONG - ne commettent pas.)
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Toujours les mêmes maux : le refus de se reconnaître une origine qui nous dépasse... Oui encore une fois, misère de l'homme sans Dieu ou, pour les Chinois, d'un monde sans rites et sans sacralité.

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