dimanche 24 février 2013

Supplément de réponse à Elisa : à propos du droit positif

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Dans un récent billet je vous disais que je me suis procuré le livre de Hans KELSEN, intitulé Théorie pure du droit. C'est peu de dire que le livre est difficile d'accès : il est indigeste. Et j'en suis à la page 33 de la seconde édition en langue française, car je m'applique à essayer de comprendre ce que l'auteur veut dire. Néanmoins, je commence à me faire une (petite) idée. Ce billet est long et difficile. Soyez assez patient pour le lire jusqu'au bout.
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Je disais donc que la loi sur le mariage homosexuel se croit entièrement fondée sur ce qu'il est convenu d'appeler le droit positif : la majorité fait la loi au nom même de sa prépondérance politique. En quoi leurs promoteurs se trompent sur ce qu'est le droit positif. Car il n'existe aucune loi, aucune prescription, aucune réglementation qui ne s'appuie sur une conception du bien des personnes ou de la société, c'est-à-dire sur des valeurs.
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KELSEN entend fonder une théorie pure, une science du droit, coupée de toute interférence avec le politique. Dans la préface à la première édition française de son ouvrage, il dit en effet : "Si les sciences de la nature sont parvenues, somme toute, à se rendre indépendantes de la politique, c'est parce que cette victoire satisfaisait un intérêt social encore plus important, celui du progrès de la technique, que seule la liberté de la recherche scientifique pouvait garantir. Mais la théorie sociale ne peut tirer avantage d'une voie manifestement si directe qui conduirait d'elle à un progrès de la technique sociale, source d'avantages incontestables, comme celle qui mène de la physique et de la chimie aux conquêtes de l'industrie des machines ou de la thérapeutique médicale."
KELSEN croit donc qu'il est possible de rendre le droit totalement indépendant de la politique, et de le rendre socialement efficace, et du reste il poursuit immédiatement :
" En raison notamment de leur faible avancement, les sciences sociales ne disposent pas encore de cette force sociale qui pourrait agir à l'encontre de l'intérêt prépondérant qu'ont aussi bien les détenteurs du pouvoir que ceux qui s'efforcent de le conquérir à une théorie complaisante à leurs désirs, c'est-à-dire aux idéologies sociales."
KELSEN pense donc que par une théorie pure du droit, il est possible de s'affranchir des luttes idéologiques, des tensions en groupe de pression et il affirme "que l'idéal d'une science objective du droit et de l'Etat n'aurait des chances de se voir généralement accepté que dans une période d'équilibre social". Il pense donc que grâce à un droit pur de toute entrave idéologique, il est possible de promouvoir un ordre accepté de tous. Mais le raisonnement est quelque peu circulaire : s'il faut un certain équilibre social pour qu'il s'établisse dans l'esprit public, on ne voit pas bien comment il peut atteindre son but qui est précisément cet équilibre fondée sur l'acceptation d'un droit pur.
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C'est pourquoi, quelques lignes avant celles que je viens de vous citer, il évoque avec une certaine mélancolie à quoi s'ajoute de l'agacement, les critiques faites à son système : "C'est le libéralisme démocratique, déclarent des fascistes. En revanche, des démocrates libéraux ou socialistes le tiennent pour un fourrier du fascisme. Du côté communiste, on la [la théorie pure du droit] condamne comme une idéologie de l'étatisme capitaliste ; les tenants du capitalisme nationaliste la dénoncent comme une doctrine grossièrement bolvechiste ou un anarchisme camouflé. Certains assurent qu'elle s'apparenterait par son esprit à la scolastique catholique ; mais d'autres y reconnaissent les traits caractéristiques d'une théorie protestante du droit et de l'Etat. Et il ne manque pas non plus de gens qui voudraient la stigmatiser pour athéisme." Et il conclut ce paragraphe : Bref, il n'est aucune tendance politique dont on n'ait déjà soupçonné la théorie pure du droit. Cela prouve mieux qu'elle ne pourrait le faire elle-même, qu'elle est bien une 'théorie pure' ."
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Je trouve que la chute est curieuse ! Il est étonnant que KELSEN ne s'interroge pas sur la multiplicité des critiques faites à son système. Car elles signifient que ce système permet tout, pourvu que le droit pur qui en découle soit en accord avec ce qui le fonde et qui est la Constitution. Elles signifient aussi qu'il est impossible de faire des lois coupées de toutes représentations de ce qui est bon pour la société et pour ses membres, et totalement détachées de l'intérêt politique et personnel de ses promoteurs, quoi qu'en dise KELSEN. Il est évident que le législateur a représentation claire de l'un et de l'autre. Il s'agit donc de voir sur quelle conception s'appuient le pouvoir socialiste pour imposer sa loi sur le mariage homosexuel. Dans le prochain billet, je donnerai un éclairage du système philosophique sur quoi elle se fonde et qui s'appelle le dualisme anthropologique, victoire des idée au détriment du corps et glorification de l'homme divinisé de par sa propre volonté.
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