samedi 6 avril 2013

Tous responsables, tous coupables

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Je me souviens parfaitement de cette interview au cours de laquelle, interrogée sur le scandale du sang contaminé au titre de ses fonctions ministérielles, madame Georgina DUFOIX avait dit : "Je suis responsable, mais non coupable". Les censeurs de tous poils avaient condamné ces propos qui sur le coup et rétrospectivement me paraissent justes et adaptés à la situation. Je l'ai du reste dit également à propos de monsieur FABIUS qui, dès qu'il a été informé du désastre, a pris les mesures qui s'imposaient pour sauver ce qui pouvait l'être encore. La justice et la vérité ne se divisent pas. Le socialisme n'est pas ma tasse de thé, on s'en est aperçu, mais il ne faut pas accabler injustement ou inconsidérément des personnes innocentes. Il se peut que ces propos ne plaisent pas à tout le monde, mais c'est ce que je pense.
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Qu'en est-il de la situation dans laquelle est plongée aujourd'hui notre pays ? Nous traversons une crise politique, une crise morale et une crise économique sans précédent. Nous en sommes tous responsables, mais, à la différence de madame DUFOIX, nous sommes tous coupables. En vérité, d'ailleurs il s'agit d'une crise unique à trois facettes. Et tout découle de la facette morale. Quand une société refuse de se référer à des critères moraux universels pour guider son agir, chacun se comporte au gré de son désir, et il est impossible de définir un but commun. La faiblesse morale des sociétés développées en général et de la nôtre en particulier, c'est d'avoir placé l'argent au centre de toutes les préoccupations, et l'individu comme mesure du jugement. C'est ainsi que l'on peut voir un ministre du budget faire une conférence sur la fraude fiscale tout en ayant un compte non déclaré à SINGAPOUR, que l'on a comme premier magistrat un homme qui prône le mariage pour tous, sauf pour lui-même, que les corporatismes les plus étroits (je pense notamment à celui des magistrats, le plus rétrograde, le plus conservateur, le plus crispé sur son pauvre pouvoir ; mais voilà qui vient de loin ; ça commence avec les Parlements de l'Ancien Régime) se donnent libre cours sous couvert d'intérêt général, et que chacun d'entre nous n'hésite pas à prendre tout ce qui est bon à prendre, surtout quand c'est gratuit (mais il y a bien quelqu'un qui paye quelque part). Comme il n'y a pas de délibération et de discernement dans nos propres choix qui vont souvent à l'encontre du bien commun, la loi est obligée de se substituer à la liberté et nous tombons dans un régime autoritaire, voire dictatorial.
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Puisque crise morale il y a, et qu'elle frappe au plus haut niveau, il y a nécessairement une crise politique. Il est impossible d'invoquer le civisme si l'exemple du civisme ne vient pas d'en haut. L'ampleur du séisme déclenché par les aveux de monsieur CAHUZAC est sans exemple, et ne peut que susciter le cynisme des citoyens. Ils ne se gênent pas là haut ? Pourquoi nous gênerions-nous ? Délitement du lien social, de la volonté du vivre ensemble, sauve-qui-peut général, et déclin de l'amour de la patrie.
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La conséquence de tout cela, qui ne la voit ? Si l'argent et les désirs individuels sont les mesures de l'agir économique, alors on cherche à faire le maximum de profit, l'homme devient la variable d'ajustement des décisions économiques (y compris des nôtres : l'exemple qui me vient à l'esprit est celui des loyers et du comportement d'un nombre croissant de propriétaires vis-à-vis de leurs locataires ; on tire sur les réparations ; on garde la caution ; on accroît les charges) , le chômage augmente (il faut maintenir la rentabilité des investissements), le goût du travail bien fait se perd (à quoi bon, pusiqu'il n'est pas reconnu), la consommation diminue, la nécessaire redistribution des revenus pour subvenir aux besoins des chômeurs, des pauvres, des exclus aboutit à des prélèvements confiscatoires, sans bénéfices pour la consommation ni pour la création de richesses. La boucle est bouclée. Voilà très exactement la situation de la France. Qui aura le courage de nous dire que nous devons agir ensemble et non pas les uns contre les autres ? Qui convaincra les mieux pourvus qu'il est moralement indispensable de consentir à des efforts pour sauver le pays ? Monsieur HOLLANDE, s'il était courageux et lucide, pourrait être l'homme de la situation. Tout porte à croire qu'il préfèrera son parti et son clan, même s'il voit ce qu'il faut faire. Video meliora, deteriora sequor.
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1 commentaire:

Aerelon a dit…

Bonjour Philippe,

Excellent post. Bien vu.
Je suis presque d'accord avec vous sur tout, sauf évidemment concernant Mme DUFOIX dont nous avons déjà parlé et qui, pour moi, est responsable ET coupable. Ensuite deuxième chose, ne pensez vous pas que le mal que vous décrivez a toujours été le cas? Souvenez vous de la crise politique de la France lors de mai 68, dans les années 30, de la crise des institutions à la veille de la révolution et même dans les temps plus anciens (la fin de Rome, de l'empire d'Egypte, etc..). Alors que faire? Pensez vous que cela changera?

Bien à vous en cette journée qui s'annonce visiblement ensoleillée ^^