jeudi 22 mars 2018

Jeudi 22 mars. Nouvelles du pari bénédictin. Enchantement du monde et son désenchantement.


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C’est le moment de sortir du sommeil.
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1. UN CONSTAT DE ROD DREHER.
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"Le philosophe Charles TAYLOR décrit le Moyen Âge comme un « monde enchanté », une période si différente de la nôtre qu’il nous est difficile de nous la représenter. Nous sommes à présent sur un rivage lointain, d’où nous sommes incapables d’apercevoir la façon dont nos ancêtres médiévaux concevaient le monde qui les entourait.
"Le divin était bien plus présent dans la vie quotidienne des hommes du Moyen Âge. La religion imprégnait tout, comme chez nombre d’autres peuples, chrétiens ou non, et ― c’est là essentiel ― elle était affaire moins de croyance que d’expérience. Pour la Chrétienté médiévale, les mondes spirituel et matériel s’interpénétraient : il n’y avait entre eux qu’une frontière légère et poreuse. Autrement dit, les hommes du Moyen Âge avaient de toute chose une perception sacramentelle."
Page 50.
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2. NOSTALGIE EN CONTREPOINT.
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"Cette humanité disparue au point que le terme de disparue ― en dépit de toutes nos ethnologies, de tous nos musées, etc. ― que ce terme, dis-je, n’a plus lui-même de sens : cette humanité, comment a-t-elle seulement pu exister ? Et cependant, ce qu’elle rêva en marchant […] nous parvient comme la lumière des constellations éteintes pour nous, à jamais éloignées : or, c’est en nous que fulgure l’astre éclaté, c’est dans les ténèbres de nos mémoires, dans la grande nuit constellée que nous portons en notre sein, mais que nous fuyons dans notre fallacieux grand jour." (Pierre KLOSSOWSKI. Le Bain de Diane. Collection Blanche. Gallimard, Paris, 1980, page 8. Pierre KLOSSOWSKI est le frère du peintre BALTHUS.)
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3. COMMENTAIRES PERSONNELS.
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Je n’aurais pas l’outrecuidance de me comparer au très grand penseur qu’est Marcel GAUCHET, duquel j’ai déjà cité plusieurs passages tirés du Désenchantement du monde. GAUCHET écrit en fait une histoire politique du religieux. Il ne se place jamais sur le plan philosophique, ni sur la pertinence des innovations des penseurs du moyen-âge ou des Lumières. Je ne sais pas davantage si Charles TAYLOR connaissait l’œuvre du penseur français ou, réciproquement, si ce dernier connaissait l’opinion de TAYLOR. Ce qui est intéressant, me semble-t-il, c’est que les deux auteurs reprennent l’idée d’un monde enchanté.
Nous devons convenir que le choix de ce mot n’est pas innocent, et qu’il porte en lui un jugement de valeur, probablement négatif, sur la manière dont les hommes du moyen-âge voyaient le monde environnant.
Ce que nos modernes appellent un monde enchanté est un monde auquel ils ne croient pas. Or la question qui se pose, la seule qui vaille et qui est véritablement axiologiquement neutre est celle-ci : cette conception est-elle vraie ou fausse ; en d’autres termes, est-il vrai, philosophiquement et théologiquement, que ce qui est, est bon, beau et vrai, trouve sa source en Dieu, est ordonné par Dieu en un ensemble harmonieux (comme le dit DREHER) ? En d’autres termes, est-il possible de connaître en vérité (au moins partiellement) ce qui nous entoure ? KLOSSOWSKI a la nostalgie de ces moments où, au milieu peut-être des pires difficultés matérielles de l’époque, les hommes vivaient « la grande nuit constellée », dont nous avons perdu la vue, mais non la mémoire et que nous fuyons pour vivre dans notre fallacieux grand jour.
Le pari bénédictin tient pour vraie la parole de la Genèse : « Dieu vit que cela était bon » dit-il à propos de sa création.
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4. LIEN UTILES ET ILLUSTRATIFS.
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